Par Ciaran Forde, directeur du segment Data Center EMEA, Eaton
La pandémie a bouleversé la vie quotidienne de chacun à travers le monde, pourtant ces perturbations auraient pu avoir des conséquences bien plus graves sans l’existence du numérique. En effet, celui-ci va désormais au-delà des simples fondements de l’industrie et constitue, au même titre que l’eau et l’électricité, un facteur intégré et indispensable à la vie moderne.
De nombreuses entreprises, en particulier les spécialistes des services professionnels, ont su tirer profit des avantages de la digitalisation en continuant à fonctionner de manière quasiment normale. Pour autant toutes n’étaient pas aussi bien préparées. Nombre d’entre elles ont dû rapidement s’adapter en migrant leurs services dans le Cloud, en offrant aux collaborateurs des moyens d’accéder à des données critiques, et en réalisant pratiquement du jour au lendemain ce qui était prévu pour les années à venir. Selon une enquête menée par le cabinet juridique Baker McKenzie, 78 % des entreprises du secteur des technologies, des médias et des télécommunications, ainsi que 74 % des institutions financières et 65 % des entreprises de biens de consommation et de détail ont accéléré leurs plans de transformation numérique à cause de la COVID-19.
Electrifier ses systèmes pour favoriser l’adoption des énergies renouvelables
Malgré une évolution remarquable, les conséquences de l’accélération de la digitalisation n’ont pas encore été véritablement prises en compte.
Pour en comprendre la raison, il faut tenir compte des éléments suivants : tout comme le remplacement ou le remaniement des systèmes existants par une technologie de type datacenter, la numérisation constitue un transfert d’énergie d’un système à un autre. La croissance du télétravail, conséquence de la distanciation sociale en est un parfait exemple. Alors que les besoins énergétiques du cloud computing ont augmenté avec entre autres, des besoins grandissants du côté des entreprises d’utiliser des services de visioconférence, les besoins en énergies fossiles ont quant à eux diminué, grâce à la réduction de la mobilité pendulaire. De même, la vente au détail à la demande élimine les dépenses énergétiques liées à la surproduction et à l’entreposage, et les services bancaires en ligne permettent de réduire les dépenses énergétiques et les coûts de maintenance des biens immobiliers.
Par conséquent, la digitalisation des systèmes implique aussi leur électrification. Avec l’électrification des transports, de l’industrie et des bâtiments, les besoins globaux en électricité de l’Europe du Nord devraient augmenter de 65 % d’ici 2050, selon les estimations d’une étude Bloomberg-FNE. Même si cela peut sembler défavorable aux objectifs climatiques fixés, le fait de déplacer la demande vers des systèmes électrifiés va susciter un intérêt pour l’adoption des énergies renouvelables, aujourd’hui plus économique que celle des combustibles fossiles.
Si l’énergie éolienne et solaire sont aujourd’hui des sources de production d’électricité très efficaces et économiques, elles sont par nature moins prévisibles et moins constantes que la production basée sur les combustibles fossiles. Des systèmes numériques seront alors nécessaires pour réagir rapidement aux fluctuations de la production, et l’énergie contenue dans ces systèmes jouera également un rôle dans la gestion des performances du réseau. Des réserves d’énergie comme les systèmes de sauvegarde des datacenters et les batteries des véhicules électriques sont d’ailleurs déjà utilisés pour contribuer à l’équilibre de la fréquence et des performances du réseau.
Avec l’accélération de la digitalisation, de l’électrification et de l’adoption des énergies renouvelables, ces interconnexions deviendront plus profondes et plus dynamiques, créant ainsi un cercle vertueux en pleine accélération.
Digitalisation rime avec durabilité
Auparavant la digitalisation d’un système impliquait la construction d’une infrastructure de datacenter sur site, tandis que les décisions relatives à la digitalisation étaient prises en grande partie indépendamment des aspects énergétiques. Au fil du temps, les applications des datacenters sont devenues critiques, et ces décisions sont devenues dépendantes de la qualité, de la disponibilité et de la fiabilité de l’alimentation électrique afin d’assurer une continuité de service. Aujourd’hui, les données et l’alimentation sont devenues des facteurs interdépendants : les administrations publiques prennent des décisions politiques relatives à l’alimentation en tenant compte du déploiement des datacenters, et leurs opérateurs planifient à leur tour la construction en fonction de la capacité du réseau électrique.
Dans cette optique, la digitalisation et la durabilité pourraient devenir, à bien des égards, synonymes. La part du besoin énergétique total destiné aux datacenters et à la mise en réseau augmentant rapidement, cela favorisera et soutiendra l’accélération de l’adoption des énergies renouvelables. Loin de faire concurrence, le Cloud sera quant à lui la voie vers la décarbonisation, et vice versa.
Au début 2020, une grande partie de la transformation numérique n’existait que sous la forme d’une planification à moyen ou long terme. Ayant accéléré le processus, la pandémie a imposé des prises de mesures immédiates et imprévisibles. Aujourd’hui, l’horizon de planification comprend l’électrification et l’adoption des énergies renouvelables, qui font l’objet de contrôles et de jalons au fur et à mesure de leurs mises en Å“uvre. A l’avenir, Il sera possible d’observer les répercussions de la digitalisation accélérée sur l’ensemble des systèmes critiques, pour une approche très différente et bien plus écologique du monde.