Par Noam Shvartz, responsable du programme agrivoltaïque chez SolarEdge Technologies
Le double usage des terres arables pour l’agriculture et la production d’énergie solaire, est promis à un bel avenir en France. Si la réglementation est nécessaire pour garantir la pérennité de l’agriculture, elle soulève plusieurs questions en termes de conditions administratives, d’approches technologiques mais aussi de rentabilité et de durabilité des installations agrivoltaïques.
L’agrivoltaïsme dessine un nouveau paysage réglementaire en France
Selon France Agrivoltaïsme, la France pourrait compter entre 20 000 et 30 000 exploitations agricoles équipées d’installations agrivoltaïques d’ici 2050, pour une puissante totale installée entre 60 et 80 GW. Pour garantir que la productivité agricole ne soit pas compromise, la loi APER de mars 2023 a encadré cette activité, intégrant officiellement l’agrivoltaïsme dans la stratégie nationale des énergies renouvelables. Cette réglementation, complétée par la publication d’un décret plus opérationnel, veille à maintenir l’équilibre entre production agricole et énergie solaire.
Garantir une productivité agricole minimale de 90%
Le décret impose que les rendements agricoles des parcelles agrivoltaïques demeurent à au moins 90% équivalents aux parcelles témoins dépourvues de panneaux solaires. Le principe consiste à s’assurer que l’installation a peu d’impact sur les rendements agricoles malgré son ombrage naturel. Grâce à des aménagements spécifiques et des trackers solaires mobiles et automatisés ajustant l’inclinaison des panneaux, l’impact de l’ombrage est minimisé. Les études montrent qu’un ombrage de 30% n’affecte généralement pas les rendements des cultures. Le respect de la loi sur le rendement agricole ne devrait toutefois pas entraver la rentabilité de l’installation solaire. La technologie MLPE ou Module Level Power Electronics, contrairement aux onduleurs traditionnels, permet d’améliorer la rentabilité d’une infrastructure agrivoltaïque car chaque panneau fonctionne de façon optimale et dissociée même si certains sont ombragés. Ceci est particulièrement important dans les exploitations agricoles, où l’accumulation de poussières peut réduire l’efficacité des panneaux. Le MLPE atténue ces désagréments causés par l’accumulation de poussières qui, selon une étude de l’institut allemand spécialisé dans la recherche en sciences appliquées, Fraunhofer-Gesellschaft, peut réduire la production d’énergie jusqu’à 30%.
La collecte de données pour être conforme
Pour approuver les projets agrivoltaïques, la réglementation française exige une collecte et une analyse des données comprenant l’évaluation des risques techniques et économiques ainsi que la démonstration des bénéfices du projet pour les agriculteurs tout au long du cycle de vie de l’installation. Un suivi précis des données est essentiel pour prouver que le rendement est maintenu à 90%, et démontrer les avantages d’un double usage tels que la réduction des besoins en eau et la protection des cultures ou du bétail face aux conditions climatiques plus difficiles, comme l’a démontré une exploitation bovine du Minnesota qui a fait état d’une amélioration de la santé de ses vaches et une réduction de leurs températures corporelles durant l’été grâce aux panneaux solaires installés au-dessus des pâturages. Des systèmes de suivi et d’analyse de données aident les opérateurs à évaluer l’impact du partage du rayonnement solaire entre les cultures et les panneaux, ce qui permet d’aboutir à des estimations économiques dont le seuil de rentabilité et de faciliter les demandes de prêt.
La sécurité des installations agrivoltaïques
Dans l’agrivoltaïsme, la gestion des risques est cruciale. L’utilisation partagée des terres comporte des particularités : les agriculteurs travaillent à proximité des installations avec des machines agricoles et des systèmes d’irrigation ; et les animaux peuvent endommager les câbles. Le risque accru d’arcs électriques exige une technologie capable de détecter toute hausse de température au niveau des connecteurs ; qui, en cas de besoin, sécurise l’installation en réduisant automatiquement la tension. La réglementation exige également que les installations agrivoltaïques soient suffisamment hautes pour permettre la circulation en toute sécurité des personnes, des machines ou des animaux. Pour aller un cran au-dessus, la surveillance digitale et sa capacité de réactivité deviennent clés car ce type de dispositif détecte les pannes et, dans certains cas, peut résoudre les incidents à distance. A long terme, ces technologies de surveillance vouées à se démocratiser, auront la double vocation de protéger l’exploitation agricole tout en laissant la possibilité de piloter la production agraire et solaire. Un atout pour faire évoluer les mentalités face à la technologie.
L’avenir de l’agrivoltaïsme
A court terme, le développement de l’agrivoltaïsme devrait se réaliser sur des installations de petite taille, ce qui nécessitera des tests pour identifier les meilleures pratiques pour la production agraire et solaire. Cette tendance sera notamment due au fait que le futur tarif d’achat de l’électricité serait plafonné à 1MW, rendant les petites parcelles plus intéressantes pour les développeurs. Avec une telle réglementation, la France se place parmi les pays le plus exigeants dans le domaine, en alignant les critères énergétiques, durables et agricoles. L’agrivoltaïsme vit une nouvelle étape car la question, trop souvent répandue, qui consistait à savoir si la production d’énergie et l’exploitation agricole étaient complémentaires, n’est plus d’actualité. Aujourd’hui, grâce à la technologie, le respect de la réglementation, et bien sûr, des installations de qualité, on comprend que l’installation agrivoltaïque devient un outil de pilotage et de prises de décision pour l’ensemble des activités agricoles.