Par Julien Chirol, Président de BayWa r.e. Solar Systems
Les stocks de panneaux photovoltaïques sont réputés hauts dans les entrepôts européens. Seule une très faible part de ces équipements est adaptée au marché français, et leur disponibilité se réduit dans un contexte de difficultés de transport.
L’information selon laquelle plusieurs dizaines de millions de panneaux photovoltaïques prendraient la poussière dans les entrepôts européens est régulièrement relayée. Les spéculations vont bon train et des chiffres considérables sont parfois évoqués. Rystad Energy les évaluait ainsi à 80 GWc, quand la puissance installée en 2023 en Europe était d’environ 60 GWc.
Un stockage conjoncturel
A défaut d’une collecte de données par un organisme indépendant, il est aujourd’hui difficile de contredire les spéculations sur le nombre de panneaux stockés. D’autant qu’elles reposent sur une part de vérité. Suite à la guerre en Ukraine et au blocage du canal de Suez, il est avéré que les fabricants chinois ont expédié à partir de 2022 une grande quantité de panneaux en Europe.
L’offre a donc été importante, dans un contexte de hausse des capacités de production et de guerre des prix chez les quatre plus gros fabricants mondiaux, qui avaient chacun pour objectif de capter 30 % du marché… La baisse des coûts du silicium a atteint un point bas historique fin 2023. Le prix des panneaux s’est effondré de plus de 50% ces 12 derniers mois, défiant les prédictions de tous les analystes, dont aucun n’avait imaginé un tel effondrement.
Une évaluation biaisée
Le nombre de panneaux disponibles sur étagères est calculé, de façon simpliste, comme la différence entre les importations et les installations sur un marché donné. Trois facteurs mettent pourtant à mal cette méthodologie de calcul. Une partie des stocks peuvent être comptabilisés plusieurs fois lorsqu’ils circulent d’un entrepôt à l’autre. D’autre part, le marché européen n’est pas toujours leur destination finale. Enfin, les installations et déstockages sont comptabilisés de manière moins rigoureuse que les importations, et sur une période de temps décalée. Dans un marché en croissance de 50 % sur 12 mois, les panneaux sont souvent achetés plusieurs mois avant leur installation. Les panneaux stockés sont alors, en fait, déjà vendus, et non disponibles sur le marché.
Peu de panneaux adaptés au marché français
L’illusion selon laquelle les entrepôts européens regorgeraient de panneaux disponibles risque d’être particulièrement préjudiciable aux installateurs français. En effet, les fabricants ne tiennent pas de stock de panneaux adaptés aux spécificités du marché français. La France est isolée du marché européen sur les moyennes et grandes toitures du fait de l’exigence d’un bilan carbone pour les panneaux qui y seront installés. Une quantité infime des panneaux en stocks, ceux destinés au marché français, dispose de ce précieux sésame. Sur le marché résidentiel, les installateurs privilégient les panneaux de 425 Wc, puissance particulièrement adaptée au marché hexagonal. Il s’agit là d’une seconde spécificité du marché français, cette fois fiscale. Avec sept panneaux, il est en effet possible de ne pas dépasser la puissance de 3 kWc, seuil pour lequel la TVA est réduite à 10 %, et d’atteindre donc un optimum en termes de rendement financier.
Le risque de recourir à des panneaux de moindre qualité
Les délais de livraison en France pour des panneaux avec bilan carbone sont aujourd’hui de deux à trois mois. Pour un panneau 72 cellules, P-type d’ancienne génération, le stock sera certes disponible, mais ces panneaux seront peu adaptés au contexte français. Avec les conflits maritimes en mer rouge qui perdurent, des délais de deux à six semaines supplémentaires sont déjà nécessaires aux panneaux pour arriver en Europe. Il en résulte un vrai risque de rupture sur le marché français, à moins de recourir à des panneaux de moindre qualité.
En cas de hausse des prix, gare à l’effet ciseaux
Si en 2023, les installateurs ont voulu attendre le dernier moment pour passer commande et avoir les prix les plus bas, ils prennent aujourd’hui le risque d’être livrés en retard, et d’avoir du personnel au chômage technique. Un pari hasardeux, dans la mesure où les panneaux ne représentent maintenant qu’une faible part du prix total d’une installation photovoltaïque. Si la tendance des prix à la hausse venait à se confirmer, le risque d’un effet ciseau avec les retards de livraison peut même faire craindre des difficultés d’approvisionnement, auxquelles le marché français serait particulièrement exposé.