Les sites isolés dans les années 80-90, l’intégration au bâti dans les années 2000, aujourd’hui l’autoconsommation : La France s’est fait une spécialité mondiale depuis des décennies de trouver toujours une nouvelle niche pour y enfermer le photovoltaïque, et faire en sorte que surtout qu’il n’en sorte pas. Ventre affamé n’a point d’oreilles : dans la période de vaches aussi maigres que nous traversons, on comprend aisément que les rares survivants du moratoire photovoltaïque de 2010-2011 se précipitent sur la moindre opportunité susceptible faire repartir les affaires.
Ainsi, entre coûts exorbitants de raccordement au réseau et espoirs d’atteindre prochainement la « parité-réseau » l’autoconsommation est soudain apparue à certains comme une solution miracle. Disons-le tout net : il n’en est rien, et pour plusieurs raisons.
Bien sûr on ne peut pas être « contre » ce qui n’est qu’un indicateur fondé sur une réalité purement physique : tout électron injecté où que ce soit sur un réseau va toujours être consommé par l’appareil en fonctionnement le plus proche sur ce même réseau, et l’on sait qu’une maison individuelle consomme « naturellement » environ 30% de sa production photovoltaïque, un immeuble de bureaux peut-être 60 ou 70%.
Mais vouloir à tout prix augmenter ce taux et mettre en place des mécanismes incitatifs n’a pas de sens dans un pays où le prix de l’électricité vendue au particulier est encore près de deux fois moins élevé que le coût de production d’un petit système PV, d’autant plus s’il est intégré au bâti : comment garantir dans ces conditions au producteur et surtout à son banquier une rentabilité minimale de son investissement, ne serait-ce que le strict minimum pour pouvoir rembourser l’emprunt ?
Si c’est pour réduire l’impact sur le réseau, alors il faut se rendre à l’évidence : L’installation photovoltaïque parfaite est celle qui n’existe pas ! C’est d’ailleurs ce que nous dit en filigrane ErDF qui refuse obstinément de comprendre que la collecte de la production décentralisée fait partie de ses missions de service public
Si c’est pour diminuer le poids sur la CSPE, on est là aussi à côté de la plaque : En réduisant la taille des systèmes pour éviter d’injecter dans le réseau, on augmente mécaniquement, par « effet d’échelle à l’envers », le coût de chaque kWh produit, et si on ajoute une batterie onéreuse qu’il faudra changer tous les 3 à 5 ans, on peut vite le doubler, voire pire.
Plus grave encore, avec l’autoconsommation, l’efficacité énergétique devient l’ennemi n° 1 du photovoltaïque. Déjà aujourd’hui parce que le meilleur moyen de l’augmenter c’est de consommer plus quand il y a du soleil, même si on n’a besoin de rien, ce qui est absurde ; demain avec les bâtiments BBC ou BEPOS qui ne consomment presque plus rien et qui réduiront d’autant la possibilité d’auto-consommer.
Ainsi, une étude menée sur le bâtiment de 3 600 m2 sur trois niveaux de l’INEED à Valence TGV, l’un des immeubles de bureaux les plus performants de France où 70 personnes travaillent en permanence et qui accueillent de très nombreux stagiaires, montre que pour atteindre 100% d’autoconsommation, il ne faut pas dépasser 3 kWc, alors que la toiture-terrasse pourrait en accueillir près de 40 : un vrai gaspillage de surface bien exposée alors que cette puissance pourrait sans problème être absorbée toute l’année par les bâtiments voisins Le débat sur l’autoconsommation tel qu’il s’est (mal) engagé a tout du piège qui va encore une fois se refermer sur ce pauvre photovoltaïque qui n’en peut mais.
L’avenir de ce dernier n’est pas dans des discussions sans fin pour inventer de nouvelles usines à gaz et s’apercevoir trop tard que c’est une fausse piste qui ne profite qu’à quelques fabricants et vendeurs d’ « energy box » ou de batteries. Il est au contraire dans un dialogue rationnel et constructif notamment avec ErDF qui doit faire évoluer ses méthodes de dimensionnement et de conduite des réseaux pour pouvoir accueillir plus de photovoltaïque en injection totale sans besoin de renforcement, plutôt que de se retrouver un jour avec un système totalement aléatoire où les variations de flux électrique n’obéissent plus à aucune logique et s’opposent à l’amélioration de la performance globale du « bien commun » qu’est le réseau.
Quant à l’administration de l’État, elle doit cesser d’organiser des concertations alibi qui ne font que retarder les décisions et créer un écran de fumée autour des politiques, elle doit se mettre sérieusement au travail pour engager concrètement la transition énergétique promise par le Président de la République et voulue ardemment par nos concitoyens, ainsi que l’ont clairement démontré les nombreuses réunions publiques qui ont émaillé le débat sur la transition énergétique qui débutait il y a tout juste un an.