Par Antoine Huard, Président de France Territoire Solaire
La déflagration mondiale causée par le Covid-19 révèle au grand jour une vulnérabilité systémique dont nous ne soupçonnions pas l’ampleur. Les grandes épidémies existaient avant la mondialisation, qui n’est donc pas en cause dans l’absolu. Mais ce simple virus de quelques nanomètres, en interrompant la marche du monde, nous ouvre les yeux sur notre fragilité et nous confronte à l’urgence de repenser notre résilience collective pour se préparer aux crises futures, notamment climatiques.
Rebâtir cette  résilience nécessitera des mutations profondes. La « relocalisation des activités stratégiques » évoquée par le Président Emmanuel Macron en est l’exemple le plus immédiat. Elle devra s’accompagner d’un rééquilibrage consistant à  « écologiser » toutes les activités, à  « re-régionaliser davantage les courants économiques » (Hubert Védrine), à développer les circuits courts, et à réinvestir les territoires ruraux dont la faible densité deviendra de plus en plus un facteur d’attractivité. L’enjeu sera de décliner ces évolutions dans tous les domaines (sanitaire, économique, financier, industriel, social…) pour mener conjointement la reconstruction de notre résilience et la réduction de nos émissions de CO2.
En France, ce projet se heurte à une difficulté majeure : notre dépendance énergétique. Nous importons le pétrole indispensable à notre mobilité, le gaz essentiel dans tant de nos usages domestiques ou industriels, et l’uranium qui sert de combustible à nos centrales nucléaires, dont les chaudières Alstom sont désormais sous pavillon américain. Ces facteurs de risques sont autant de brèches qu’il devient primordial de colmater. Domaine stratégique par excellence, à la fois vital au fonctionnement de nos sociétés et incontournable sur la question climatique, le secteur de l’énergie doit accomplir cette mutation en priorité. Signe encourageant, le modèle traditionnel de production électrique reposant exclusivement sur des installations centralisées, est d’ores et déjà  profondément transformé par l’irruption des énergies renouvelables et notamment de l’énergie solaire photovoltaïque. Produite par des installations automatisées, digitalisées, décentralisées, foisonnantes et implantées dans les territoires au plus près des besoins, l’énergie solaire semble avoir été inventée pour répondre à cet enjeu de résilience.
En misant sur le solaire, la France pourrait se doter d’une véritable indépendance énergétique. Certes, dans ce domaine comme dans tant d’autres, des erreurs ont été commises et nous avons laissé l’Asie prendre de l’avance en matière de production industrielle. Mais tout comme pour les masques et le gel, la relocalisation de cette production est possible car nous disposons de l’expertise et des matières premières nécessaires. Loin de se limiter aux panneaux, la chaine de valeur du solaire mobilise d’autres secteurs de pointe comme le stockage ou les réseaux intelligents et représente déjà environ 20 000 emplois non délocalisables sur tout le territoire.
L’énergie solaire est un puissant vecteur de réduction de nos émissions de CO 2 . Il est regrettable que certains experts, emportés par leur attachement au statu quo, affirment que le faible contenu en CO 2 du mix électrique français rendrait inutile voire contre-productif le développement de l’énergie solaire. Une étude publiée par le think-tank France Territoire Solaire et réalisée par les cabinets Artelys et I-Care & Consult, vient battre en brèche ces contre-vérités en démontrant que chaque nouveau kilowattheure solaire rajouté dans notre mix électrique, se substitue surtout à des sources thermiques (charbon, gaz) en Europe. Ainsi, à partir du mix électrique visé par la France à  l’horizon 2030, augmenter de 30% notre production d’énergie solaire  génère une économie supplémentaire de 3,8 millions de tonnes de CO 2 par an en Europe.
Face à une crise d’une telle ampleur, l’heure n’est plus aux querelles de chapelles. La mobilisation doit être totale pour doter nos territoires des infrastructures qui assureront leur résilience et leur dynamisme économique, faire de la France un leader mondial de l’énergie solaire, et saisir cette chance inespérée de réduire nos émissions de CO 2 . L’économiste Christian de Perthuis pronostiquait que « 2019 va constituer le pic d’émissions mondial car la crise sanitaire sera, à moyen terme, un vecteur d’accélération des transformations structurelles des économies ». Le futur plan de relance est l’occasion historique d’y parvenir : ne la laissons pas passer !
Les co-signataires confirmés de cette tribune (par ordre alphabétique) :
- Yvan Bonnassieux, Directeur du LPICM de l’Ecole polytechnique
- Daniel Bour, Président de Générale du Solaire
- Hadrien Clément, Directeur Général d’Orion Solaire
- Michaël Coudyser, Directeur Général de Corsica Sole
- Paul-François Croisille, COO de Neoen
- Bernard Drevillon, Professeur Associé à l’Ecole Polytechnique
- Nicolas Jeuffrain, Président de Ténergie
- André Joffre, Fondateur de Tecsol
- Daniel Lincot, Directeur de recherche et médaille d’argent du CNRS
- Richard Loyen, Délégué général d’Enerplan
- Pierre-Antoine Machelon, CIO Energy Transition d’Eiffel Investment Group
- Anders Marcus, Président de Coruscant Développement – Groupe Obton
- Guillaume Neveux, Directeur Associé d’ I Care & Consult
- Antoine Nogier, Président de Sun’R
- Damien Ricordeau, Président de Finergreen
- Nicolas Rochon, Président de RGreen Invest