Depuis plusieurs années, les énergies fossiles et nucléaires se sentent menacées. Leur déclin s’accélère avec l’essor massif du solaire, de l’éolien et des véhicules électriques. En retour, les lobbys du pétrole et du gaz contre-attaquent. Alors que le solaire photovoltaïque franchit les 600 GW installés dans le monde, il devient une force économique et géopolitique majeure. Entre attaques des industries fossiles, tentative de recomposition industrielle en Europe et nécessité d’innover face aux limites du modèle actuel, la filière est à un tournant.
Avec près de 600 GW installés, le solaire photovoltaïque est devenu l’un des piliers du système énergétique mondial. Il n’est plus marginal, ni alternatif. Il est central. Mais son développement s’accompagne désormais d’enjeux géopolitiques forts. Car oui, l’énergie est politique. Et le solaire n’y échappe pas. Et à ce titre, il cristallise tensions, oppositions… et espoirs.
Depuis plusieurs années, les énergies fossiles perdent du terrain et se sentent menacées. Leur déclin s’accélère avec l’essor du solaire et des véhicules électriques. En retour, les lobbys du pétrole et du gaz contre-attaquent. Aux États-Unis, cela s’est traduit par un recul brutal : retrait de l’accord de Paris, suppression de bornes de recharge, gel des aides aux renouvelables, relance du charbon. Le message est clair : la transition énergétique est perçue comme une menace directe pour les industries du charbon, du pétrole et du gaz : il s’agit d’une menace existentielle. Elles répliquent. Fort. Le message est clair : les fossiles ne mourront pas sans résistance.
Le choix de l’Arabie Saoudite comme hôte des négociations pour la paix en Ukraine n’est pas anodin. Il rappelle que les Etats-Unis ont choisi leur camp, celui des énergies fossiles. Le clivage s’accentue : d’un côté, les promoteurs des renouvelables ; de l’autre, les défenseurs des vieilles énergies. Dans ce contexte tendu, le solaire pourrait être une arme économique. Un outil de souveraineté. L’Union européenne le comprend peu à peu. Elle avance des politiques industrielles pour reconstruire une filière photovoltaïque locale. Net Zero Industry Act, Clean Industrial Deal… Ces initiatives visent à reconstruire une industrie solaire sur le continent. Mais les obstacles sont nombreux : dépendance asiatique, inertie, réticence à toute forme de régulation industrielle. Or il faudra choisir. Car la transition énergétique supprime aussi des milliers d’emplois industriels. Ne pas les remplacer crée des tensions politiques croissantes. À l’image de l’automobile, le solaire devra localiser une part de sa chaîne de valeur.
La filière devra aussi résoudre des défis majeurs : l’intégration au réseau et l’acceptation sociale. Les prix négatifs se multiplient, notamment en Espagne. Les modèles d’affaires doivent évoluer : plus de stockage, de services réseau, et une valorisation plus intelligente de l’électricité solaire. Le modèle de l’injection directe d’électricité solaire sur le réseau atteint ses limites. Côté territoire, l’acceptabilité sera critique. Il faudra innover, continuer de déployer sur les toitures, les parkings, en zones industrielles, sur les bassins de retenues d’eau, le long des infrastructures de transport. L’agrivoltaïsme et les communautés énergétiques réponde en partie à ces questions de disponibilité de foncier et d’acceptabilité. Et surtout, faire du solaire une évidence économique, en continuant de baisser les prix et améliorer la compétitivité.
Les prix des modules sont historiquement bas, en dessous des coûts de production. Ils remonteront. Les entreprises doivent être rentables, même en Chine. Et la filière devra rester compétitive en dehors des systèmes de soutien. Des coûts d’accès au financement plus faibles, des coûts de réseau réduit, des coûts d’exploitation et de maintenance optimisés seront essentiels pour préserver la viabilité économique des projets photovoltaïques. Le soutien public devra porter en priorité sur la création d’un environnement stable, prévisible et favorable à l’investissement. L’intelligence artificielle aidera à réduire les coûts. Elle bouleversera toute la chaîne : production, maintenance, gestion d’actifs … Un tsunami technologique est en marche.
Le solaire n’est pas un sujet de gauche, ni de droite. Il est politique, car il change la donne. Il baisse les factures, réduit les émissions, renforce l’indépendance. Le solaire est surtout puissant. Et il avance. Pourtant en France, les tentatives d’entraver la transition énergétique se multiplient. Les journaux regorgent d’articles qui dénoncent les impacts dramatiques du solaire pour les réseaux, entre mensonges flagrants sur les coûts, sur la faisabilité d’un système électrique renouvelable et utilisation de terme trompeur, comme “intermittence”.
Ajoutons-y un matraquage autour de la relance du nucléaire. Non, il n’y a pas de débat sur la relance du nucléaire en Espagne, non l’Allemagne n’a pas « raté » sa transition énergétique, non l’installation d’une éolienne en France ne résulte pas de l’ouverture d’une centrale au charbon en Allemagne… Le PDG d’EDF licencié l’a été pour avoir dit la vérité : On peut faire le choix politique du nucléaire mais il faut en assumer le coût – et dire adieu à la compétitivité de l‘industrie française. A 100 EUR le MWh, pour le nucléaire, le solaire est tellement compétitif qu’il doit être contenu pour laisser une place au nucléaire.
Ce que ces grands esprits oublient, c’est que dans un monde globalisé, l’Espagne prendra la place de la France comme pays à l’énergie bon marché pour l’industrie, grâce au solaire. Faudra-t-il attendre la ruine économique pour comprendre que la sauvegarde de certains intérêts va à l’encontre de l’intérêt général ? Dans ce climat délétère, la filière doit se réinventer et se battre pour prouver que le solaire est compétitif. Au risque que l’« exception Française » ne devienne celle de la faillite énergétique.