Les énergies renouvelables sont parées de toutes les vertus dans les discours, mais la multiplication des barrières et des embûches à leur encontre restent la norme. Alors que le gouvernement promet de leur donner un environnement propice, les filières se retrouvent une fois de plus dans un brouillard mortifère avec l’annonce de la fin programmée des tarifs d’achat par Philippe Martin le 22 octobre.
Le principe des tarifs d’achat est simple : assurer une rémunération stable et correcte de la production d’énergie renouvelable, ce qui permet à tout un chacun, particulier, collectivité locale, PME ou multinationale de contribuer activement à la transition énergétique. Grâce à la transparence des prix qu’il implique, le tarif d’achat permet d’obtenir l’électricité au meilleur prix, et de soutenir chaque filière avec une grande précision selon son niveau de maturité industrielle et son intérêt pour la collectivité.
Ce mécanisme exige un pilotage en finesse reposant sur une bonne connaissance des coûts. La mauvaise gestion de la « bulle photovoltaïque » ne doit pas conduire à méjuger la performance globale du dispositif : elle a été créée de toutes pièces lorsqu’entre 2006 et 2011, les tarifs d’achat continuaient à augmenter de 5% par an alors que le prix des installations était divisé par 2 ! Conséquences immédiates : trop de projets trop chers et trop bien rémunérés, suivis par un moratoire qui a conduit à la perte de plus de 15 000 emplois et au marasme persistant. La faute de cette mésaventure tout à fait prévisible ne revient ni à la filière, ni aux tarifs d’achat, mais à l’État qui n’a pas su ni voulu prendre la mesure de ses responsabilités.
L’annonce par le ministre d’une future « cohabitation » entre les tarifs d’achat et des « dispositifs nouveaux » dont on ne sait rien semble sonner le glas des premiers. Pour Marc Jedliczka, vice-président du CLER : « cette annonce, pour le moins maladroite, fait fi de tout le travail mené pendant des mois au sein du Débat National sur la Transition Énergétique dont les recommandations ne sont jamais allées dans ce sens » et « fait peser une fois de plus l’incertitude sur les projets locaux d’énergies renouvelables portés par les collectivités, les agriculteurs, les PME et les citoyens » .
Bien sûr le dispositif français actuel mérite une révision importante. Il est normal que le niveau de certains tarifs d’achat fasse l’objet d’une dégressivité programmée pour s’adapter aux évolutions économiques des filières dont les coûts sont en diminution. Une telle baisse pourrait même être généralisée par quelques simplifications administratives. La CSPE doit être ouverte à tous les fournisseurs d’électricité, et les modes de compensation des acheteurs obligés doivent être optimisés pour moins peser sur les consommateurs. Enfin le système revu devra viser la « parité réseau » pour les différentes énergies renouvelables, mais il faudra aussi que les autres filières, nucléaire et fossiles, payent leurs externalités.
Le CLER est évidemment prêt à contribuer à la réflexion sur l’évolution de ces systèmes de soutien mais il attend des éclaircissements sur les propos du ministre, notamment l’assurance que cette évolution s’inscrira bien dans la perspective d’une véritable transition énergétique et n’aura pas comme objectif caché le maintien des positions dominantes acquises par certains dans un système énergétique aujourd’hui totalement verrouillé et obsolète.