La dernière étude annuelle de PwC « Power and Renewables Deals » révèle que la valeur totale des opérations de fusion-acquisition dans l’énergie, réalisées dans le monde en 2016, a atteint son plus haut niveau depuis 2010. En France comme en Europe, les opérations ont augmenté en valeur mais ne cessent de diminuer en volume, en raison de la réalisation de quelques méga-opérations. Mais que nous réserve l’année 2017, avec ses incertitudes politiques et l’évolution de la conjoncture économique ? Les perspectives d’investissement du secteur, notamment dans les énergies renouvelables et les innovations technologiques croissantes, pourraient bien renverser la tendance.
La valeur des opérations réalisées en France est en hausse alors même que le nombre d’opérations diminue
La France a enregistré 45 opérations de fusion-acquisition au cours de l’année 2016, pour une valeur totale dévoilée de 5,4 milliards de dollars en 2016. Ce montant est en hausse par rapport à l’année précédente malgré un nombre de transactions plus limité : en 2015, les 66 opérations françaises n’avaient pas dépassé les 5 milliards de dollars. En 2016, les transactions prenant pour cible des acteurs français ont été tirées par le segment de l’électricité qui a représenté 4,6 milliards de dollars (vs 200 millions en 2015). Les opérations dans les énergies renouvelables et le gaz ont, quant à elles, fortement chuté, passant respectivement de 1,7 milliard de dollars en 2015 à 600 millions en 2016 et de 3,1 milliards en 2015 à 200 millions en 2016.
Pascale Jean, Associée chez PwC Responsable du secteur de l’Energie, précise : « Si la France compte au total 45 opérations réalisées en 2016, seules 19 montants ont été communiqués publiquement. La valeur des transactions de l’année passée dépasse donc en réalité les 6 milliards de dollars. L’activité a été largement portée cette année par la vente de RTE à CNP Assurances et CDC pour une valeur historique de 4,6 milliards de dollars. En 2015, des méga-opérations avaient également été réalisées, telles que la vente des parts de l’Etat français dans le groupe ENGIE ou la cession par Totalgaz de ses activités de distribution et stockage de gaz à UGI, mais leurs montants étaient bien en deçà de l’opération RTE. »
Si l’activité européenne est expliquée en 2016 par quelques méga-opérations, la croissance économique atone dans la région devrait favoriser un plus grand nombre de petites opérations en 2017
En Europe de l’Ouest aussi, les opérations ont augmenté en valeur, alors même que le volume continue de faiblir. La valeur des cibles a augmenté d’un quart en 2016, passant de 39 à 49 milliards de dollars en un an. Cette hausse est à attribuer à quelques méga-opérations, la plus remarquable étant la vente par National Grid pour 10,6 milliards de dollars de 61% de sa branche britannique de distribution de gaz. On peut citer également la scission de la filiale Italgas de Snam pour 7 milliards de dollars, ainsi que la vente d’Uniper réalisée par E.ON pour un montant de 5 milliards de dollars.
Pourtant, Pascale Jean explique : « La croissance économique atone en Europe depuis plusieurs années a tendance à limiter les stratégies de croissance par méga-acquisitions des groupes de l’énergie. Au contraire, les cessions et les acquisitions de cibles de petite taille deviennent la norme à l’heure où de grands groupes comme E.ON et RWE en Allemagne ou bien Engie en France vivent une période de restructuration et de transformation majeure avec de nombreuses cessions à la clé. Aussi en 2017, nous pouvons encore nous attendre à assister à des opérations de taille comme celles de National Grid ou E.ON. »
Eric Douheret, Associé chez PwC Responsable Transactions pour le secteur de l’Energie, ajoute : « En 2017, nous verrons certainement un grand nombre de petits mouvements prenant pour cible des acteurs répondant davantage aux nouvelles priorités stratégiques des énergéticiens : la transition vers les renouvelables, aux dépens notamment des énergies carbonées, et vers la transformation digitale, comme en témoigne la récente acquisition d’ENER-G par Centrica. Les nouveaux entrants étrangers au secteur font désormais figure de concurrents, à l’image de Total qui a décidé de s’engager sur le marché de l’électricité en achetant le fournisseur belge Lampiris et le fabricant de batteries Saft. Dans un contexte de taux bas et de croissance faible, les infrastructures énergétiques et gazières régulées devraient conserver leur attractivité auprès des fonds d’investissements et autres investisseurs y compris des compagnies d’assurance en recherche de rendements stables pour leurs clients. Avec une demande si élevée pour ce type d’actifs, nous nous attendons à ce que la valeur des actifs mis en vente augmente fortement. Après la vente partielle par EDF des activités de son réseau de distribution RTE en 2016, de même que la vente par Macquarie de Thyssengas et du réseau de distribution de gaz National Grid, toute l’attention sera portée en 2017 sur Elenia en Finlande et Redexis en Espagne. »
Le montant total des transactions du secteur de l’énergie a augmenté en 2016, en dépit d’une baisse en valeur des opérations concernant les énergies renouvelables
L’activité mondiale de fusions-acquisitions dans l’énergie a atteint un plus haut depuis 2010. La valeur totale des transactions enregistrées en 2016 s’établit à 293 milliards de dollars, soit une hausse de 47% sur un an (199 milliards en 2015). Cependant, l’étude de PwC révèle une baisse des transactions en valeur dans le segment des énergies renouvelables. La valeur des fusions-acquisitions portant sur les énergies renouvelables a chuté de 55 à 38 milliards de dollars entre 2015 et 2016 du fait d’un nombre plus faible de grandes opérations en hydroélectricité en 2016. En revanche, le volume des opérations est resté stable et représente aujourd’hui plus de la moitié du volume mondial de transactions du secteur. Ces transactions ont une valeur généralement peu élevée, sauf lorsqu’il s’agit d’actifs hydrauliques.
Quelles grandes perspectives mondiales pour l’année 2017 ?
Les experts de PwC estiment que les grands enjeux suivants caractériseront les transactions au niveau international dans le secteur de l’énergie en 2017.
1. La transition énergétique pourrait être favorable à de nouveaux entrants sur le secteur. Les énergies renouvelables abordent 2017 avec un positionnement concurrentiel renforcé par rapport aux années précédentes, les énergies renouvelables étant plus compétitives que jamais. De ce fait, l’année 2017 devrait être marquée par un plus grand nombre de transactions impliquant des entreprises déjà présentes ou non dans l’énergie, à la recherche de technologiques et de nouvelles capacités leur permettant de prendre une longueur d’avance dans le futur monde énergétique décentralisé.
2. Un nouveau chapitre s’ouvre dans la stratégie des entreprises du secteur Plusieurs grandes entreprises du secteur de l’énergie en Europe procèdent à un réexamen de leurs orientations stratégiques après avoir mené à bien d’ambitieux plans de restructuration et de désinvestissement. Innogy, filiale énergies renouvelables, réseaux et distribution de l’allemand RWE, entend ainsi utiliser les 2 milliards d’euros tirés de sa récente entrée en bourse pour financer ses investissements d’avenir dans les domaines des énergies renouvelables, réseaux et infrastructures ainsi que les innovations en matière de vente.
3. La recherche de rendements stables devrait continuer de pousser les valorisations à la hausse. L’année 2016 a été bonne pour les ventes d’infrastructures réseau et autres actifs régulés ou non, associés à des rendements stables, prévisibles et souvent protégés contre le risque d’inflation. La raréfaction des cibles pourrait faire pression à la hausse sur les primes, mais le relèvement des taux aura très certainement l’effet inverse, en faisant pression sur les valorisations, desserrant le spread acheteur-vendeur et ainsi ralentissant l’activité des transactions en 2017.
4. Quitte ou double pour les actifs de production thermique. Sur de nombreux marchés, plusieurs actifs de production thermique (centrales à charbon en particulier) vont devoir jouer leur va-tout : la vente paraît inéluctable. L’année 2017 sera marquée par la fermeture de l’emblématique centrale au lignite de Hazelwood, propriété d’Engie. Plus largement, EDF et Engie en France vont poursuivre leur stratégie annoncée de « décarbonisation ». Certains acheteurs adeptes de niches accumulent ce type d’actifs. En Europe, le tchèque EPH se développe en achetant les actifs fossiles dont les autres énergéticiens cherchent à se débarrasser.
5. Un fort appétit des investisseurs asiatiques malgré quelques déconvenues. Les investisseurs chinois et d’Extrême-Orient continuent de montrer un très vif intérêt pour le secteur international de l’énergie, et ce malgré une série de déconvenues liées à des transactions récentes : les investisseurs de RPC et de Hongkong ont ainsi été évincés de la vente du réseau d’énergie australien Ausgrid et l’investissement chinois dans le belge Eandis a été mis en suspens. L’intérêt national et les inquiétudes en matière de sécurité renforcent la tendance à la prise de participation sous forme d’accords de groupements, comme la joint venture qui unit le géant public du nucléaire chinois CGN à EDF pour le projet d’EPR à Hinkley Point, ou le consortium entre le fonds China Investment Corporation et Macquarie pour l’achat du réseau britannique de distribution de gaz de National Grid.
Eric Douheret conclut : « Si 2016 a été une année exceptionnelle pour les fusions-acquisitions dans l’énergie, les perspectives pour 2017 comportent des facteurs d’incertitude. Nous estimons toutefois que les fondamentaux économiques sous-tendant les transactions du secteur devraient l’emporter sur les incertitudes politiques. Les investisseurs sont en effet très demandeurs de rendements stables à long terme que promettent notamment les infrastructures électriques et gazières régulées. L’intérêt devrait donc rester soutenu, avec une pression accrue sur les primes d’acquisition. Certes l’arrivée au pouvoir de Donald Trump s’accompagne d’incertitudes sur la politique environnementale des Etats-Unis, mais les aspects économiques et la dynamique qui sous-tendent la décarbonisation et les grands changements à l’Å“uvre dans le domaine de l’énergie devraient l’emporter. »
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