En ce début d’année et alors que deux consultations, l’une sur les mécanismes de soutien aux EnR, l’autre sur l’autoconsommation, s’ouvrent pour remettre la filière solaire sur les bons rails, Thierry Mueth, le président du syndicat Enerplan, fait le point. Avec le recul qui sied aux résolutions des débuts d’années ! Interview.
Plein Soleil : En ce début d’année 2014, année décisive quant au devenir de la filière solaire française, deux consultations ont été mise en Å“uvre sous l’impulsion du ministre de l’écologie Philippe Martin. Le Syndicat Enerplan y a bien entendu son mot à dire. On commence par la consultation consacrée aux mécanismes de soutien. Que vous inspire-t-elle ?
Thierry Mueth : Evoquée par Philippe Martin dès le mois d’octobre, cette concertation sur les mécanismes de soutien aux EnR découle du constat que le tarif d’achat (FIT) n’est aujourd’hui plus vraiment en phase avec la maturité évolutive du marché des EnR. Il faut passer à autre chose. La concertation s’appuie sur des Guides Lines qui ont été mis en consultation dans toute l’Europe sur forme de questions/réponses pour être amendés. C’est une sorte d’appel à idées. Une réflexion se met en Å“uvre. Enerplan sera force de propositions sur ce sujet avec une dead line au 28 février.
« Nous regardons cela d’un Å“il constructif »
PS : Qu’en attendez-vous ?
TM : Je prends cela positivement. C’est plutôt une bonne nouvelle que de pouvoir exposer ses points de vue. Reste à savoir maintenant quelles seront les modalités de confrontation et d’agrégation de ces points de vue ? Qui tranchera au final ? Si l’on nous explique que le FIT est mort et que l’on ne met rien à la place, du genre « Débrouillez-vous ! », cela n’ira pas dans le bon sens. Pour l’instant, je ne veux présager de rien. On regarde cela d’un Å“il constructif sachant que l’échéance quant à la décision n’est même pas encore connue.
PS : Des pistes ?
TM : Vous savez, au regard de la baisse des coûts du photovoltaïque, le tarif d’achat pèse déjà aujourd’hui de manière infime sur la CSPE. Mais nous réfléchissons à optimiser encore le mécanisme avec par exemple des tarifs d’achat fixés sur les prix moyennés des années précédentes ou sur des modalités de financement à taux réduits qui permettraient encore de faire baisser les tarifs. Des idées existent. Mais il faut un préalable à tout ça : La volonté politique de faire du photovoltaïque. Cela relève d’une ambition présidentielle clairement formulée.
PS : Changer de mécanisme pour rendre le marché français plus florissant, tel est aussi l’objectif non ?
TM : Nous devons en effet développer plus largement notre marché national du photovoltaïque pour positionner la France comme un acteur majeur à l’export, dans une perspective plus large. En 2013, dans le monde, 30 GW ont été raccordés. Plus de 40 GW sont attendus pour 2014. Si la France veut jouer un rôle sur ce marché mondial et faire peser le photovoltaïque dans la balance commerciale, il faut lui donner une assise nationale forte.
PS : Reste que nous n’avons pas de modules à exporter, la filière industrielle étant une véritable peau de chagrin ?
TM : Il faut arrêter avec ça. On applaudit quand Eiffage ou Vinci gagnent des marchés à l’export. Mais ces gens-là n’exportent pas du plâtre ou du béton, ils exportent l’intelligence française du bâtiment et de la construction des infrastructures. Il en est de même sur le photovoltaïque. Les professionnels français peuvent se prévaloir d’un savoir-faire incomparable qui est plébiscité dans le monde entier.
« Enerplan a pris l’initiative pour avoir un droit de regard sur le futur rapport sur l’autoconsommation »
PS : Passons maintenant à la consultation sur l’autoconsommation ou l’autoproduction au sujet de laquelle s’est tenue la deuxième réunion mercredi dernier. Quel est votre sentiment ?
TM : C’est déjà une très bonne chose que ce sujet soit pris en compte. Il existe, on l’a vu, une volonté de sortir du système de soutien actuel pour redonner des perspectives durables à la filière. Avec en ligne de mire l’autoconsommation sur fond de parité réseau, la chose est entendue. Enerplan s’est montré très vigilant sur la méthodologie initiale. Certes la DGEC a pris en charge la consultation et devrait être le seul et unique rédacteur des conclusions nées de ces échanges. Il serait bon tout de même qu’un petit groupe de relecture qui pourrait comprendre sept personnes ait un droit de regard sur ce rapport pour constater la présence de tous les éléments de consensus et de dissensus évoqués lors de la consultation. Il s’agit d’une demande explicite d’Enerplan. Nous avons pris l’initiative, nous avons défendu cette idée et ne comprendrions de ne pas en faire partie. Je ne suis pas inquiet. Nous travaillons sur la méthode d’élaboration de ce groupe qui doit être garante de l’hétérogénéité de tous les points de vue, ceux des réseaux, des énergéticiens mais aussi des PME créatrices d’emplois. Enerplan s’estime d’ailleurs particulièrement représentatif de ces PME.
PS : Comment se sont déroulées les deux premières réunions ?
TM : Ces réunions qui rassemblent une cinquantaine d’experts se déroulent dans un parfait climat d’écoute. Toutes les questions sont posées. Chacun avec son prisme apportent des réponses claires sans caricature. Il existe une volonté partagée d’envisager la faisabilité de l’autoconsommation. Analyser ce qui bloque, éviter les points de gêne, évoquer les problèmes d’ordre technique et économique, évaluer les pertinences du stockage ou de la réinjection, rien n’est mis de côté. Cette consultation devrait durer six mois avant que le gouvernement ne s’en saisisse pour mettre en place un cadre légal. Pour l’heure, on ne parle pas encore de calendrier de mise en application. On devra, de toute façon, passer par une période de test préalable et d’ajustement des fonctionnalités.
PS : Allez-vous également évoquer le financement de l’autoconsommation ?
TM : Absolument, vous avez raison, c’est aussi l’un des points importants. Aujourd’hui, les projets sont financés par les investisseurs avec de la dette, la banque ayant la garantie du contrat d’achat de l’énergie sur vingt ans avec EDF, client fiable s’il en est. Avec l’autoconsommation, quand on recouvrira le toit d’une usine, le financement ne sera plus basé sur un contrat avec EDF mais avec le propriétaire de l’usine. Cette dernière sera-t-elle là dans vingt ans. Les banques peuvent s’interroger sur les capacités de remboursements. Il est important sur tous ces sujets, que ce soit les mécanismes de soutien ou l’autoconsommation, d’être en anticipation plutôt que dans la réaction. La sérénité de la filière est à ce prix. C’est d’ailleurs l’objectif de ce type de consultations.