Dans un nouveau rapport publié fin février, l’Académie des technologies souligne l’efficacité du stockage intersaisonnier pour réduire la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments. Elle recommande de faciliter son déploiement en France notamment en adaptant la réglementation et en assurant un soutien comparable aux autres énergies renouvelables. Enquête !
Les systèmes de stockage intersaisonnier de chaleur (STES de l’anglais Seasonal Thermal Energy Storage) stockent activement la chaleur en été dans le sous-sol, pour réchauffer en hiver, et le froid en hiver pour rafraîchir en été. La chaleur qu’ils utilisent peut provenir de sources d’énergie renouvelable bas-carbone, tels les panneaux solaires thermiques, ou de récupération des chaleurs des eaux usées ou de l’industrie. Ce stockage actif les distingue des systèmes de géothermie classiques qui utilisent la chaleur naturellement disponible dans le sous-sol.
Géothermie à recharge active, chaleur solaire et fatale en appoint
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Alors que les géothermies « classiques » utilisent la chaleur « naturellement » disponible dans le sous-sol, ce rapport est consacré à des systèmes qui stockent « activement » la chaleur de sources complémentaires, lorsqu’elle est disponible, bas-carbone et peu coûteuse, en vue d’une utilisation ultérieure, par exemple durant l’été pour l’hiver. Cette recharge peut provenir de panneaux solaires thermiques, de chaleur fatale industrielle, d’eaux usées, etc. On peut l’appeler géothermie à recharge active intersaisonnière. Favoriser la géothermie avec du stockage à recharge active facilitera l’atteinte de la cible officielle de 100 TWh de chaleur fournie par la géothermie autour de 2040. Ceci suppose de parvenir à installer chaque année 3 GW de puissance, c’est-à -dire autant que la puissance totale installée jusqu’en 2020. « Le défi est considérable, mais pourrait être relevé : il demande un effort soutenu tant sur le plan industriel que sur celui de la croissance et de la compétence des acteurs du forage, de l’installation et de l’exploitation, sans oublier la dimension réglementaire et financière. La priorité devrait être donnée aux grands bâtiments publics et aux réseaux de chaleur pour favoriser leur décarbonation, qui sont très en retard dans la mobilisation de cette source d’énergie » assure Yves Bamberger, président honoris causa de l’Académie des technologies.
Le stockage intersaisonnier de chaleur : un atout pour le climat et la souveraineté
Le déploiement de la géothermie à recharge active s’inscrit dans la logique du rapport du Haut-commissaire au Plan et du plan d’accélération de la géothermie du gouvernement annoncée en février 2023, en proposant d’aller au-delà . Les systèmes à recharge active, dès qu’ils sont réalisables techniquement et économiquement, permettent en effet de réduire encore davantage que la géothermie classique seule, la facture énergie des consommateurs et l’empreinte en gaz à effet de serre et, partant, d’améliorer davantage notre souveraineté énergétique ainsi que notre balance commerciale. L’objet du rapport est de montrer que le stockage intersaisonnier de chaleur, qui rassemble des technologies matures, pourrait et devrait être largement déployé en France. Techniquement, ces systèmes à recharge active peuvent être installés dans nombre de cas au profit de bâtiments neufs ou existants, dans l’habitat individuel comme dans le collectif ou le tertiaire. Certaines situations géologiques, ou des zones d’habitat denses, peuvent ne pas le permettre ou seulement avec précautions. Ces systèmes sont aussi souvent faciles à coupler à des réseaux de chaleur.
Manque de communication autour de ces technologies
Plus complexes à concevoir et installer que les systèmes classiques de chauffage et de climatisation et plus chers qu’un chauffage à gaz classique en investissement, ces systèmes sont nettement moins onéreux en exploitation. Du fait de la recharge active, ils sont plus performants que les systèmes géothermiques classiques. Le rapport analyse les freins au déploiement de ces technologies (manque de connaissance du public et des acteurs du marché, nombre insuffisant d’installateurs et de foreurs, industrie des pompes à chaleur eau-eau de taille modeste, réglementation mal adaptée, subventions peu favorables). Le rapport contient des recommandations pour surmonter ces différents freins et libérer le potentiel de déploiement des systèmes à recharge active en France.
Quelques exemples de recharge active avec du solaire thermique
L’exemple emblématique de Drake Landing, lotissement au Canada exploitant un stockage dans le sol pour valoriser en hiver la chaleur produite par des capteurs solaires, est référencé dans la littérature technique. Grâce au stockage de type Borehole Thermal Energy Storage ou BTES (ici jusqu’à 80 °C), la chaleur solaire y couvre près de 90% du besoin annuel de chauffage pour la cinquantaine de maisons situées sur le site malgré un degrés-jours-unifiés de l’ordre de 5000°j, ce qui correspond à un besoin de chauffage environ double de celui du Nord de la France. Concernant des applications résidentielles, il existe également des installations comme celle de Rostock en Allemagne qui concerne des bâtiments de logements collectifs (7000 m²). Le stockage de type Aquifer Thermal Energy Storage (ATES) est ici réalisé à 50 °C pour stocker de la chaleur produite par des capteurs solaires. L’énergie stockée annuellement est de l’ordre de 350 MWh. En France, AbSOLAR a livré son POC (Proof Of Concept) en septembre 2021. Ce projet démonstrateur situé sur la commune de Cadaujac en Gironde (33140) assure la fourniture de chauffage et d’ECS (Eau Chaude Sanitaire) pour un écoquartier (lotissement) composé de 67 logements. Le lotissement « Domaine Le Moulin » est alimenté énergétiquement par une C2SES (Centrale Solaire sur Stockage d’Energie Souterrain). Pour pallier la problématique de l’intermittence de l’énergie solaire, AbSOLAR a opté pour l’association de la Géothermie et de l’énergie solaire thermique. La géothermie à travers ses spécificités offre la possibilité de stocker l’énergie à partir de la capacité calorifique des roches. Sur ce principe, AbSOLAR a développé un stockage d’énergie souterrain inter-saisonnier permettant de pallier le manque d’énergie solaire durant l’hiver. Ce stockage d’énergie souterrain s’inscrit dans le déploiement des nouvelles technologies émergentes contribuant à offrir des solutions énergétiques innovantes, vertueuses et décarbonées. Cette technologie délivre une énergie 100% renouvelable, décarbonée et locale.
Des dispositifs de stockage inter saisonnier existent sur certains réseaux de chaleur, comme ceux de Marstal ou Dronninglund au Danemark. Ceux-ci sont associés à de la chaleur produite par des capteurs solaires pour couvrir le besoin de chauffage en hiver. Les énergies stockées représentent respectivement 5,4 et 6,6 GWh. Le choix technologique s’est ici porté sur le stockage de chaleur en fosse d’eau, de 60 000 à 200 000 m³ (Pit Thermal Energy Storage ou PTES).