L’usine d’assemblage et d’embouteillage Bourdouil/Socori implantée à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) fait partie du groupe international de spiritueux La Martiniquaise, n°2 français du secteur. Dans le respect de la nouvelle législation qui veut que les Muscat et Vins Doux Naturels de Rivesaltes doivent désormais être mis en bouteille dans l’aire de production, l’entité catalane qui réalisait déjà les assemblages s’est dotée d’un nouveau bâtiment qui accueille sur son toit une installation solaire thermique. Pour nettoyer à moindre frais et de manière plus écolo les lignes d’embouteillage imprégnées de sucre ! Reportage.
Dans le milieu du vin, Rivesaltes représente une exception. C’est en effet la seule ville en France éponyme de deux appellations à savoir le muscat et le vin doux naturel. Un haut-lieu de la viticulture du Sud de la France ! Justement, quasiment au milieu des vignes de Rivesaltes, dans ce terroir baigné de soleil, un long bâtiment en béton tout neuf de 12 500 m² dont la peau décline des reflets smaragdins se dresse dans le paysage. Sur le toit, invisible d’en bas, 74 m² de panneaux solaires thermiques de marque Viessmann Vitosol 100F sont orientés plein sud, à l’optimum, sur des supports métalliques prêts à accueillir de nouveaux capteurs au cas où. A l’intérieur, des lignes d’embouteillages s’étirent sur plusieurs dizaines de mètres. Mécaniquement et frénétiquement, elles remplissent de nectars doucereux des bouteilles aux galbes variés et aux volumes divers. On pourrait croire que l’eau chaude solaire sert justement à nettoyer ces bouteilles. Il n’en est rien. Pour leur rinçage, les bouteilles sont retournées et traitées à l’eau froide sous pression avant de s’égoutter d’elles-mêmes. L’eau chaude sert essentiellement à laver le matériel de conditionnement des vins comme les soutireuses ou les étiqueteuses qui finissent par « coller » avec l’apport de sucre présent dans les vins. L’eau à haute température pour diluer les sucres ! Le nettoyage se fait le soir ou lors des changements de vins.
Le solaire, source d’économie dans l’industrie
« Pour ce faire, nous avons besoin d’eau chaude à 90°C au débit de 4m/heure en phase de nettoyage. Avec le solaire, nous avons ciblé le principe du préchauffage de l’eau autour des 50°C voire jusqu’à 70°C en période estivale puis avec un appoint gaz pour compléter et parfaire la montée en température. Nous allons optimiser ces process au fur et à mesure afin de limiter au plus juste nos consommations de gaz ! » se réjouit Alain Denay, directeur de l’usine Bourdouil/Socori. Le projet a pu être monté grâce aux aides de l’Ademe et de la Région Languedoc-Roussillon dont les subventions se sont montées à 33 645 euros pour un montant total de l’opération affiché à 70 000 euros y compris le télécontrôle pendant les cinq prochaines années réalisé par le bureau d’études Tecsol. Avec une économie annuelle évaluée aux alentours de 3 500 euros chaque année, le temps de retour sur investissement d’une telle installation solaire se monte à environ une dizaine d’années. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Pour Alain Denay, toutes les sources potentielles d’économies doivent être explorées. Et le solaire en est une. Les prix de revient de la mise en bouteille s’élève à 10 à 11 centimes d’euro par bouteille. Entre les charges fixes et l’amortissement du matériel, les marges flirtent à peine avec le centime d’euro par bouteille. « Autant dire que nous connaissons la valeur du moindre euro économisé » poursuit le directeur d’entreprise.
Un plus sur le plan commercial et patrimonial
Au-delà des économies générées, le solaire représente également un bon investissement pour le moyen et long terme aussi bien sur le plan commercial que patrimonial. Avec les 16,4 tonnes de CO2 évitées par an soit l’équivalent de douze voitures qui roulent 10 000 km/an, l’installation permet notamment d’optimiser le bilan carbone de l’activité. « Pour l’heure, la grande distribution ne le prend pas vraiment compte. Mais dans les années à venir, nous savons que cela pourra représenter un atout pour nous sur le plan commercial. Utiliser le solaire est une façon d’anticiper sur le phénomène » admet Alain Denay. Une tendance qui est déjà une réalité pour les viticulteurs qui exportent leur produit dans les pays scandinaves très attentifs aux impacts environnementaux des process industriels et des modes de transport. Autre atout d’une telle installation solaire faite pour fonctionner une trentaine d’années est à regarder du côté patrimonial, pas toujours perceptible. « Les prix de l’énergie sont amenés à grimper dans les prochaines années. Disposer d’une installation solaire thermique, c’est avoir l’assurance, de maîtriser dans le temps, le coût de l’eau chaude au sein du bâtiment, et ce quelle que soit l’activité industrielle exercée. C’est une indéniable valeur ajoutée patrimoniale dans la logique des bâtiments performants » analyse Daniel Mugnier, ingénieur au bureau d’études Tecsol.
60% de couverture solaire des besoins
La réception de l’installation a eu lieu au début de l’année 2014. Et les premiers résultats apparaissent comme particulièrement probants. Ainsi au mois de mars, il est vrai bien ensoleillé, la couverture solaire utile s’est élevée à 42% des besoins. Sur l’année et selon les simulations réalisées avec une approche pragmatique, les apports solaires (45 000 kWh) devraient représentés plus de 60% des besoins fixés à 73 350 kWh. Aujourd’hui, ces besoins correspondent à une capacité d’embouteillage de dix millions de bouteilles par an. « Nous pourrions disposer du potentiel pour monter à près de trente millions de cols. C’est aussi pour cela que nous nous sommes laissé la possibilité d’incrémenter de nouveaux panneaux sur la toiture avec des supports d’ores et déjà disponibles » assure Alain Denay. Par son exemplarité, cette installation a également de quoi inciter les autres sites du groupe La Martiniquaise – une quarantaine dans le monde – à se tourner vers l’énergie solaire thermique tant il est vrai que son utilisation apparaît d’une grande pertinence dans l’activité d’embouteillage des vins. Une autre façon de mettre un peu de soleil en bouteille !
Encadré technique
Données techniques :
Surface capteurs : 74 m² utiles Vitosol 100F
Volume stockage : 6 000 litres (2 ballons de 3 000 litres)
Besoins annuels : 73 350 kWh
Apports solaires annuels : 45 000 kWh soit 60,4% des besoins
Productivité prévisionnelle : 604 kWh/m².an
Energie substituée : gaz (chaudière)