Delphine Batho a été la protégée de Ségolène Royal. En 2007, elle a été élue dans la deuxième circonscription des Deux-Sèvres, ancien fief de la présidente de la région Poitou-Charentes. En 2011, Delphine Batho devient responsable du projet de Ségolène Royal lors des Primaires citoyennes de 2011. Autant de liens qui unissent ces deux femmes de pouvoir et qui ont poussé Ségolène Royal à prendre sa plume pour interpeller son amie la ministre de l’écologie sur le sort du tarif T5 !
Au très formel « Madame la ministre » dactylographié suit, écrit à la main, un très chaleureux « Chère Delphine ». Une apostrophe amicale pour introduire une lettre au ton plutôt revendicateur où le vous reprend rapidement son usage. Protocole oblige ! « Contrairement à ce que vous avez déclaré, les professionnels du photovoltaïque sont très inquiets et rejettent cette mesure » assène Ségolène Royal, présidente de la Région Poitou-Charentes. Cette mesure, c’est bien sûr la baisse brutale de 20% rétroactive au 1er octobre du tarif T5. Ségolène Royal ne veut pas en entendre parler. Et pour cause. La Région Poitou-Charentes est en pointe pour ce qui est du solaire compétitif notamment autour des projets développés par la société Solaire Direct. « La Région a mis en place, avec la SEM Energie Solaire des territoires (ESTER), un nouveau modèle visant à terme, la disparition des subventions par le tarif d’achat. La mesure que vous envisagez remettrait en cause fortement ce modèle et freinerait considérablement les perspectives de développement de la filière industrielle du solaire en France » écrit Ségolène Royal.
Et la présidente de Poitou-Charentes de battre en brèche les arguments avancés (concurrence d’usage avec l’agriculture, importations des panneaux de Chine) par Delphine Batho, les jugeant peu convaincants. Passage en revue :
- les conflits d’usage éventuels doivent être traités par la procédure d’autorisation et non par une baisse autoritaire des prix
- si les éléments de base sont effectivement importés de Chine, du fait de la baisse des prix de ces derniers, une grande partie du coût des projets correspond à des équipements électriques et électroniques fabriqués en France et en Europe et aux salaires des personnes qui les installent
- les mêmes questions se sont posés pour les sites retenus dans l’appel à projets que vous avez validé, avec des tarifs de rachat allant jusqu’au double de ce que vous envisagez, ce qui n’est pas cohérent.
Sur ce, Ségolène Royal demande donc à la ministre de bien vouloir reconsidérer ce projet, en engageant avec les professionnels les discussions nécessaires pour une évolution maîtrisée des volumes et le soutien au développement de la filière en France. Ne doutons-pas que Ségolène Royal a encore l’oreille de Delphine Batho ! Mais la ministre a-t-elle la main sur ce dossier, semble-t-il, si bien instrumenté par les grands corps d’Etat ? La question mérite d’être posée. A l’heure où François Hollande lance une nouvelle vague de décentralisation, ce combat autour du photovoltaïque, énergie décentralisée s’il en est, apparait comme symbolique opposant de front les élus des territoires, voir également le communiqué d’Alain Rousset président de l’Association des Régions de France, et la Haute Administration. Le tarif T5, un véritable enjeu national politique et démocratique !