Dans le cadre de ses missions légales (Bilan prévisionnel) et en réponse à  une saisine du Gouvernement, RTE a lancé en 2019 une large étude sur l’évolution du système électrique intitulée « Futurs énergétiques 2050 ». Ce travail intervient  à  un moment clé du débat public sur l’énergie et le climat, au cours duquel se décident les stratégies nécessaires pour sortir des énergies fossiles, atteindre la neutralité carbone en 2050 et ainsi respecter l’objectif fixé lors de la COP 21 à Paris. Dans tous les scénarii, les EnR sont au cœur du réacteur…nucléaire, ou pas !
Sortir des énergies fossiles implique une transformation profonde de l’économie et des bouleversements dans le secteur des transports, de l’industrie et du bâtiment aujourd’hui encore très dépendants du pétrole, du charbon et du gaz d’origine fossile. Cette transformation doit être menée à bien en seulement trois décennies et même accélérer de manière substantielle d’ici 2030. Elle modifiera les logiques industrielles, mobilisera des capitaux considérables, aura des implications sociales importantes et entrera en résonance voire en conflit avec d’autres objectifs environnementaux.
La neutralité carbone  en 2050
Différentes options sont sur la table pour y parvenir. Elles présentent des points communs (baisse de la consommation d’énergie, augmentation de la part de l’électricité, recours aux énergies renouvelables) mais également des différences importantes (rythme d’évolution et  la structure de la consommation, part de l’industrie, avenir du nucléaire, rôle de  l’hydrogène, etc.). L’étude « Futurs énergétiques 2050 » répond au besoin de les documenter en décrivant les modifications sur le plan technique, chiffrant les coûts associés, dégageant les conséquences environnementales au sens large et explicitant les impacts sur les modes de vie. L’étude consiste, en premier lieu, en un travail technique d’une ampleur inédite, qui nécessite un très lourd effort de simulation et de calcul pour caractériser de manière rigoureuse l’ensemble des systèmes électriques permettant d’atteindre la neutralité carbone  en 2050. La phase I de l’étude, consacrée au cadrage des objectifs, des méthodes et des hypothèses, s’est achevée au premier trimestre 2021. Elle a été ponctuée d’une large consultation publique, qui a suscité des réponses bien au-delà du cercle des « parties prenantes expertes » habituellement concernées par ce genre d’exercices : concrètement, près de 4 000 organisations et particuliers ont participé, à  travers des contributions spécifiques très détaillées, lettres ouvertes, pétitions et cyberactions.
Des scénarii 100% renouvelable avec déploiement massif du solaire
Les scénarii prévoyant à terme un système 100 % EnR (« scénarios M ») seront au nombre de trois. Ils permettent de tester une sortie du  nucléaire en 2050 (M0) ou en 2060 (M1 et M23). Leur logique consiste en une répartition diffuse des installations de production avec déploiement massif du solaire (M1) ou alors sur l’idée d’une massification du déploiement des énergies renouvelables autour de grands parcs (éolien en mer, à terre, et solaire photovoltaïque) (M0 et M23).
Les scénarios « EnR + nucléaire » (scénarios N)  seront également au nombre de trois. Les scénarios N1 et N2 diffèrent par le rythme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires de troisième génération : N1 présente un  « réinvestissement minimal » prolongeant le rythme du programme Nouveau Nucléaire Français présenté par EDF à  l’État, tandis que N2 adopte le rythme maximal présenté par la filière. Le scénario N03 a pour sa part été largement réécrit autour de l’idée d’un système électrique fondé durablement sur le nucléaire. N03 permet d’atteindre 50 % pour la part du nucléaire en 2050 en misant sur une trajectoire de fermetures plus lente sur la période 2025-2035, sur la prolongation de quelques réacteurs au-delà  de 60 ans, et sur d’autres filières que l’EPR 2, comme les SMR (petits réacteurs modulaires ou Small Modular Reactors).
EnR versus nucléaire : un débat clivant
La  consultation publique a confirmé le caractère extrêmement clivé et passionnel du débat sur le nucléaire et les énergies renouvelables. Les contributions de citoyens reçues dans le cadre de la concertation consistent, en grand nombre, en des demandes d’ajouts de scénarios qui s’éloignent du cadrage initial  : des scénarii de sortie rapide du nucléaire (entre « tout de suite » et « d’ici 2030 ») d’une part, des scénarii reposant sur le maintien du statu quo actuel et/ou de moratoire sur le développement des EnR (et notamment l’éolien) d’autre part. Au titre de l’engagement pris dans le cadre de la concertation, RTE étudiera ces configurations alternatives et décrira les enjeux qu’elles soulèvent notamment en ce qui concerne le respect de la trajectoire climatique de la France. Les analyses techniques menées à  l’issue de la consultation montrent que ces configurations alternatives présentent, à des degrés divers, une ou plusieurs incompatibilités en particulier par rapport à l’objectif de réduction des émissions à l’horizon 2030.
« Le premier rendez-vous à ne pas rater est l’étape intermédiaire de 2030 »
En démontrant que les énergies renouvelables électriques constitueront le socle de notre futur système énergétique, les scénarios présentés par RTE actent un changement de paradigme majeur, dans lequel les énergies renouvelables joueront un rôle essentiel pour réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles. Alors que les énergies fossiles représentent encore 63% de notre consommation d’énergie globale, un usage accru de l’électricité permettra de les substituer et ainsi de protéger le pouvoir d’achat des Français. Parce qu’elles permettent de produire à un prix connu à l’avance, les énergies renouvelables protégeront également les entreprises françaises et le tissu industriel contre la volatilité des prix des énergies fossiles. Les scénarii de RTE montrent d’ailleurs qu’une plus forte industrialisation de notre pays impliquera nécessairement d’utiliser une part encore plus importante d’énergies renouvelables. Pour Jean-Louis Bal, Président du SER : “Le travail colossal réalisé par RTE montre de façon incontestable que nous sommes face à une urgence absolue si nous voulons atteindre la neutralité carbone en 2050. Notre filière industrielle est d’ores et déjà mobilisée pour y répondre, et appelle désormais le Président de la République à tout mettre en Å“uvre pour engager dès à présent une accélération majeure du développement des énergies renouvelables, électriques et thermiques, afin de placer notre pays sur la bonne trajectoire. Le premier rendez-vous à ne pas rater est l’étape intermédiaire de 2030, date à laquelle, comme le prévoit la loi, 40% de notre production électrique devra provenir d’énergies renouvelables. Débattre d’objectifs à 2050 est vain si nous ne sommes pas capables d’atteindre ceux fixés pour 2030 ».
Sobriété et 100 % renouvelables, le choix du bon sens
Pour Zélie Victor, Responsable Transition Energétique au Réseau Action Climat “Un scénario tendant vers le 100 % renouvelable et intégrant les économies d’énergie de la sobriété serait une option économiquement particulièrement viable, tout en étant environnementalement plus pérenne.” Les coûts du nucléaire peuvent être difficiles à anticiper dans le cas des nouveaux réacteurs. L’exemple de Flamanville nous montre à quel point ils sont susceptibles de déraper (pour rappel, l’EPR était budgété à 3 milliards d’euros et atteint aujourd’hui plus de 19 milliards d’euros), ce qui est aussi le cas des autres EPR dans le monde (comme en Finlande notamment). Au contraire, les énergies renouvelables connaissent une baisse constante au niveau international. L’étude RTE, comme les autres scénarios (négaWatt, ADEME) publiés prochainement, doivent maintenant permettre d’avoir un vrai débat démocratique éclairé pour choisir les orientations à venir.