Reportage/L’agrégateur Bohr Energie démocratise l’accès au marché de l’énergie et transcende les projets d’autoconsommation collective

Fondée en 2021 à Toulouse, l’agrégateur Bohr Energie a pour ambition de démocratiser l’accès au marché de l’énergie pour les petits producteurs indépendants d’énergies renouvelables. Par son expertise très pointue, il permet de valoriser au mieux les électrons verts des centrales d’EnR sur le marché et de s’adapter au phénomène des prix négatifs. Sans oublier son implication dans des projets d’ACC à la complexité avérée !

Comme souvent dans la création d’entreprise, Bohr Energie est née d’une rencontre. Celle entre Julien Haure spécialiste du marché de gros de l’énergie et de trading court terme chez EDF Trading avec Julien Cholet et Jean-Pierre Mader, producteurs albigeois d’hydroélectricité et d’électricité photovoltaïque qui affichaient le désir de sortir des contrats d’achat pour aller valoriser leurs électrons verts sur le marché. Au carrefour de deux mondes : le marche de gros et l’optimisation d’actifs EnR de petites et moyennes puissances. « Avec la création de Bohr Energie, nous avons répondu à la problématique de la valorisation de l’énergie pour les petits producteurs indépendants soumis au mécanisme de complément de rémunération en apportant des solutions et des outils ad hoc. Nous anticipons également l’avenir avec la fin programmée de l’obligation d’achat. Les producteurs d’EnR auront à pérenniser leur patrimoine via un stacking de revenus récurrents et solides. Dans le contexte actuel de tensions sur les tarifs d’achat, la démocratisation de l’accès au marché pour les petits producteurs représente l’incontournable porte de sortie » confie Julien Haure, co-fondateur de Bohr Energie.

« Des conditions de rémunération transparentes et optimisées »

Disposant de l’agrément de responsable d’équilibre Enedis et RTE et membre actif de la bourse de l’électricité au comptant EPEX SPOT, Bohr Energie a en gestion près de 120 MW, 30 MW en hydro et le reste en PV avec un petit parc éolien qui vient d’entrer en portefeuille. Le rôle de l’agrégateur est donc d’optimiser le M0, le prix de référence qui est utilisé pour calculer le “split” entre ce que doit l’agrégateur et ce que doit EDF OA dans le cadre du complément de rémunération. Le M0 correspond à la moyenne mensuelle du prix du marché de l’électricité verte en France. Pour le M0 solaire, il est pondéré par la production nationale solaire. Les experts en pricing de Bohr Energie veillent à ce que la déviation M0, qui dépend de la localisation de l’actif et des horaires de production, soit anticipée dans les offres faites aux producteurs. Son travail consiste donc à analyser les données historiques des prix spot et de la production à simuler les variations de production en fonction des conditions météorologiques et à ajuster les frais d’agrégation en fonction du risque lié à la déviation M0. « Grâce à cette expertise et à nos algoritmes, Bohr Energie est en mesure d’offrir des conditions de rémunération transparentes et optimisées aux producteurs, en réduisant l’exposition aux risques liés à la déviation M0 » précise Julien Haure.

Le dilemme des prix négatifs

Depuis quelques mois et le phénomène s’accentue chaque année de plus en plus lors des beaux jours, Bohr Energie doit faire face aux prix négatifs de l’électricité, ces périodes de bel ensoleillement où l’offre dépasse largement la demande. En 2024, on a frisé les 400 heures de prix négatifs en France. Une donnée qui commence à compter ! Grâce à son pilotage à distance 24h/24 et 7j/7, Bohr Energie permet de limiter les pertes liées aux prix négatifs en coupant l’accès au réseau, comme l’ensemble des acteurs. « Mais un changement de paradigme est en cours avec la volonté des acteurs de la production d’installer des systèmes hybrides avec du stockage, ce qui nous permettra de déplacer la production et de la valoriser au travers un large panel de possibilités sur le marché sport, en intra journalier ou sur la capacité à assurer les réserves tertiaire, secondaire ou primaire » poursuit Julien Haure.

Gestion de la répartition de la production d’une opération d’ACC, de l’orfèvrerie sous algorithmes

Bohr Energie est également un acteur actif dans le monde de l’autoconsommation collective, un marché complexe s’il en est pour un agrégateur qui accepte dans ce cas précis de l’ACC d’agréger la production d’une centrale dont une partie de la production ne lui sera pas destinée. Ce qui de son côté pose des soucis supplémentaires de prédictibilité, de volume et donc de valorisation. La problématique de l’agrégation se pose en effet pour les projets lauréats d’AO CRE en ACC – elle y est obligatoire -, mais viendra se poser très prochainement pour tous les projets sur bâtiments supérieurs à 200 kWc en ACC. A date, très peu d’agrégateurs sont en capacité de proposer de telles solutions, le marché peine à se mettre en marche. Bohr Energie relève le défi en spécialiste du pilotage des petits actifs. « Dans une première étape en amont, nous réalisons pour le producteur une pré étude automatisée de dimensionnement de l’opération d’ACC. L’intérêt de cette étude est de savoir s’il existe un potentiel suffisant ou pas, entre ce qui est produit et ce qui est consommé, avec quel taux de couverture. Nous faisons également beaucoup de pédagogie pour évangéliser les consommateurs potentiels. En tant que tiers de confiance de la structuration de l’opération, nous allons vraiment dans le détail et gérons la répartition de la production via nos propres algorithmes » précise Julien Haure. La gestion des surplus de l’ACC pour un agrégateur, c’est un peu de l’orfèvrerie, de la dentelle.

Un empilement de revenus pour l’ACC

Dans l’ACC, l’agrégateur doit prendre en compte un empilement de rémunérations via différents mécanismes pour valoriser au mieux la centrale solaire, ce qui est appelé dans le jargon un stacking de revenus pour le producteur. « Nous devons jouer avec l’autoconsommation collective, le complément de rémunération et la flexibilité dont le stockage va devenir une composante de plus en plus prégnante dans les années à venir. Nous travaillons par exemple avec le bureau d’études Tecsol qui dispose d’un historique qui nous permet de renforcer notre expertise » ajoute Julien Chollet, co-fondateur de l’entreprise. C’est grâce à ce savoir-faire de Bohr Energie que les maîtres d’ouvrage d’un projet d’ACC seront à même de trouver un prêteur qui accepte que le revenu de la centrale ne soit plus en injection totale et donc hyper sécurisé, mais se décompose en une partie vendue en ACC, une autre vendue à un agrégateur, et auquel viendra s’ajouter le complément de rémunération d’EDF OA sur la totalité de la production. Dans cette configuration plus risquée, Bohr Energie sécurise des revenus en inventant un nouveau métier fait d’innovation et de rupture technologique. Installée à Toulouse, la société Bohr Energie qui a réalisé une levée de fonds de 4 millions d’€ à l’automne dernier, compte une quinzaine de salariés pour un CA de 6 ,3 millions d’€. Objectif de puissance des actifs en gestion : 150 MW fin 2025 et 1 GW en 2030. Le « modèle d’affaires de Bohr » est en tous les cas dans l’air du temps, à l’heure où les tarifs d’achat se réduisent comme peau de chagrin…

Cet article est publié dans Actualités. Ajouter aux favoris.

Les commentaires sont fermés