Remise en cause du dispositif de soutien au solaire : «Cette information me paraît inconcevable » déplore Daniel Bour

La bombe matutinale à fragmentation photovoltaïque lâchée hier par le journal Les Echos en a laissé plus d’un pantois. Et le mot est faible. D’après une fuite issue du ministère du budget, l’exécutif serait en effet décidé à renégocier les contrats passés avant 2011 garantissant aux producteurs des tarifs jugés bien trop élevés par la Cour des comptes. Pour l’heure, l’incompréhension prédomine. Un appel à une clarification de la ministre est lancé ! Avant l’affrontement ?

« Cette information me paraît inconcevable : nous n’avons jamais été informés de ce projet de remise en cause de la parole et de la signature de l’Etat. Je demande, au nom de la profession, à la Ministre de la Transition Écologique de nous recevoir dans les plus brefs délais » s’emporte Daniel Bour, Président d’Enerplan. Un rendez-vous en urgence avec Barbara Pompili pour faire le point sur un projet, non démenti à cette heure par le Gouvernement, qui serait inquiétant pour la transition énergétique et la relance économique. Du côté du SER (Syndicat des Energies Renouvelables), personne n’a souhaité réagir pour l’heure à une information pas encore avérée et par trop générale. « Nous étudions la chose pour savoir comment réagir à ce ballon d’essai lancé par Bercy. Nous essayons de démêler la situation, d’y voir clair. Si il y a confirmation, nous réagirons à la hauteur des enjeux » souligne-t-on dans les couloirs du SER.

Un procédé déplorable

Selon Les Echos, Bercy veut renégocier les soutiens octroyés par l’Etat avant 2011 à la production d’énergie photovoltaïque, avec à la clé sans doute des dispositions dans le projet de loi de Finances pour 2021 présenté à la fin du mois. « Notre projet est de revoir à la baisse les tarifs d’achat garantis par EDF pour certains contrats anciens », confirme une source gouvernementale. Le tout pourrait permettre à terme d’économiser jusqu’à 600 millions d’euros en régime de croisière. Arnaud Gossement, avocat spécialisé dans les énergies renouvelables trouve, pour sa part, le procédé de laisser fuiter une telle information via la presse, déplorable. « C’est très inélégant, ce n’est pas une façon de faire. Ils ont préféré tester et sonder les acteurs pour voir comment cela allait réagir plutôt que de réunir les syndicats et d’en parler. Sur la forme, c’est très regrettable et cela porte atteinte à la réputation de la filière, avec sous-jacent et en filigrane, l’idée de montrer que cette filière coûter cher à la collectivité » s’agace l’avocat, par ailleurs administrateur d’Enerplan. Et si certains évoquent une simple rumeur, ils se trompent. « Il n’y a pas de fumée sans feu » confirme un expert du dossier. La source est sûre et la réflexion a été longuement mûrie dans les bureaux du ministère du budget. Comme quoi, les technocrates de Bercy continuent à avoir la dent dure contre le solaire photovoltaïque et ne manqueront pas une occasion pour mettre des bâtons dans les roues à son développement. Cette annonce arrive, qui plus est, quelques semaines avant la publication d’un nouveau projet de loi enté des modifications globales de l’arrêté de 2017 sur le photovoltaïque dans le cadre du plan de relance que le gouvernement désire particulièrement vert. Comme un paradoxe ! Le futur projet de loi devrait donc bousculer la filière une nouvelle fois avec un nouveau phénomène de stop & go, un de plus, un de trop. « Tout cela est d’une grande brutalité » reconnaît Arnaud Gossement.

« L’Etat ne peut pas faire ça »

L’attaque de la cour des comptes est purement comptable et… idéologique. Elle n’est soutenue par aucune analyse macro-économique. « Elle ne prend pas en compte les externalités, ni une vision globale de l’essor de cette filière, avec les emplois induits, le développement des technologies et l’ensemble des bénéfices qu’elle a apporté au pays » poursuit l’expert économiste. De plus à l’origine de ce plan photovoltaïque mené en 2006 par le premier ministre Dominique de Villepin, personne, à l’époque, n’a remis en cause le processus, ni sur le principe, ni sur les tarifs pratiqués. « En 2008, ce sont les professionnels eux-mêmes qui ont alerté le gouvernement sur le risque de surchauffe avant que ne se mettent en place, après le moratoire un ensemble de mesures vertueuses avec la réduction du guichet ouvert et les appels d’offres. Nous allons avoir besoin d’une explication de texte sur cette économie de 600 millions d’euros » estime Arnaud Gossement. Et l’avocat d’en venir à l’aspect purement juridique de cette annonce. Sa partie. « Il va y avoir des soucis à réaliser une évaluation de l’ensemble des bénéfices de ces contrats. Je ne vois aucune légitimité à cette action, on est dans le n’importe quoi à vouloir imposer une négociation en masse des contrats. Certes, il est possible de modifier un contrat mais l’Etat ne peut pas faire ça. Le motif doit être d’intérêt général. De plus, le juge n’apprécie pas les situations de masse, il doit le faire individuellement. Irions-nous vers une résiliation des contrats après des négociations avortées ? Si l’annonce était confirmée, cela ne se serait jamais fait et créerait un précédent » précise Arnaud Gossement. Et un acteur du secteur de conclure dépité : « Ils font finir par avoir des gilets jaunes partout dans le pays… »

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