Le Conseil d’Etat a rejeté mercredi 6 novembre le recours porté par l’association Energies Renouvelables pour Tous et défendu par le cabinet Huglo-Lepage. L’objectif du recours était de contraindre le gouvernement à respecter les objectifs européens de développement des énergies renouvelables définis dans la loi, non atteints à date. Ce rejet pose le problème du caractère non contraignant des objectifs chiffrés contenus dans la loi et une perte de contrôle de l’action de l’Etat.
La décision du rejet du recours au Conseil d’Etat survient deux jours seulement après le lancement de la consultation sur la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), dont l’objectif est de définir les orientations chiffrées du futur mix énergétique français.
Un rejet fondé sur des arguments contestables
Le Conseil d’État justifie sa décision en affirmant d’une part, que les pourcentages fixés dans la loi, et notamment dans les directives européennes, ne sont pas contraignants, et, d’autre part, que les objectifs pour 2020 en matière d’énergies renouvelables seront vraisemblablement atteints d’ici fin 2024. Le Conseil d’Etat juge également que les efforts actuels suffiront à atteindre les objectifs de 2030. L’association conteste fermement cette analyse, chiffres à l’appui : en 2023, la France n’avait toujours pas atteint les 23 % visés en 2020 (dans le cadre de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et du Code de l’Énergie), et les moyens sont très insuffisants pour atteindre 42,5% d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie requis par l’Europe en 2030 dans le cadre de sa directive 2023/2413. Le gouvernement a d’ailleurs déjà informé la Commission européenne d’une révision à la baisse de cet objectif à 35 %, illustrant le retard pris dans le développement des énergies renouvelables, l’électrification et la sobriété énergétique.
Un recul inquiétant de la jurisprudence “Grande-Synthe”
Pour défendre son recours, l’association s’appuyait notamment sur la jurisprudence “Grande-Synthe”, une affaire pour laquelle le Conseil d’État avait condamné l’État pour manquement à ses obligations de réduction des gaz à effet de serre inscrits dans la loi et conformes aux engagements de l’Accord de Paris (- 40% d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990). En 2021, le Conseil d’État avait ainsi ordonné des mesures immédiates pour inverser la tendance des émissions de GES en France. En 2023, il avait même exigé un effort supplémentaire, jugeant les progrès encore insuffisants. Le rejet du recours d’Énergies renouvelables pour tous marque un recul regrettable dans la lutte contre le réchauffement climatique, alors même que les trajectoires de réduction des émissions apparaissent de plus en plus alarmantes.
Le caractère contraignant des objectifs climatiques en question
Ce rejet soulève également des interrogations sur le caractère contraignant des objectifs inscrits dans la loi et sur le contrôle de l’action gouvernementale. En estimant que le non-respect des objectifs de développement des énergies renouvelables n’est pas opposable, la décision du Conseil d’État porte atteinte à l’autorité de la loi et affaiblit le principe de responsabilité de l’État envers ses engagements législatifs. Cette décision interpelle sur l’utilité de fixer des objectifs chiffrés dans des documents stratégiques comme la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie, si le Conseil d’État ne considère pas ces objectifs comme juridiquement contraignants et opposables. Face à ce constat, Énergies renouvelables pour tous a décidé de porter son recours devant la Commission européenne et envisage d’intensifier son action juridique pour s’assurer du respect de ses engagements climatiques européens.