Dans les Echos du 29 août dernier, Christophe de Margerie, le patron de Total, donne sa vision sur le redressement productif et la réindustrialisation de la France. Et il prend comme exemple le photovoltaïque.
Extraits : Je parle là d’une mutation profonde, qui peut amener l’industriel à changer de secteur, ou au moins de produits, pour se positionner sur des segments compétitifs, à plus grande valeur ajoutée. Ne nous faisons pas d’illusions : c’est la seule façon de pérenniser des sites industriels sur le territoire français. Le redressement productif dont on nous parle tant passe par un redéploiement industriel intelligent, basé sur l’innovation et la valeur ajoutée, et certainement pas sur un secteur manufacturier primaire et non compétitif. Fabriquer en France les mêmes panneaux solaires qu’en Chine, je le dis tout de suite, ce n’est pas la peine d’essayer. En revanche, fabriquer, comme notre filiale SunPower, des panneaux qui coûtent plus cher, mais qui ont une vraie valeur ajoutée parce qu’ils garantissent un meilleur rendement, une durée de vie supérieure et une plus grande facilité de pose, ce qui revient à en diminuer le coût global sur le long terme, ça devient intéressant. Voilà le genre de démarche à encourager.
Bruno Cassin, le patron de Sillia Energie, apprécie cette saillie à sa juste valeur, avec une pointe d’ironie. « C’est bien. Christophe de Margerie est un bon commerçant de sa technologie. Il défend sa boutique. Il justifie une acquisition qui lui a coûté une somme assez considérable. Mais il le dit lui-même, il fabrique des produits plus chers. Il est en fait un « step » économique en retard par rapport à la technologie classique dont les produits occupent 95% du marché. Je connais d’ailleurs peu d’exemple où Christophe de Margerie peut pénétrer le marché français avec ses produits. La technologie n’est pas le seul élément probant du marché. Les clients cherchent leur intérêt dans une analyse du coût global des systèmes avec un bon rapport investissement/performance. Je ne suis pas sûr que Christophe de Margerie place ses produits aussi facilement qu’il le dit. On aura la preuve lors des résultats des appels d’offre CRE pour lesquels des opérateurs nous ont fait confiance grâce à nos produits qui eux aussi connaissent des innovations récurrentes qui ont un bon rendement surfacique, un excellent bilan carbone et une fiabilité éprouvée dans le temps ».
Bruno Cassin reconnaît cependant la justesse des propos du PDG de Total sur surcompétitivté de la Chine en matière de coûts salariaux notamment mais il n’y voit aucune fatalité. « En suivant ces raisonnements dangereux, nous devrions alors renoncer sur tous les sujets » confie–il. En fait, aujourd’hui, l’inquiétude est ailleurs pour ce chef d’entreprise. « Je suis plus inquiet de la politique de l’Etat en matière de solaire que des propos de Christophe de Margerie. L’élan qui a été annoncé n’a pas été suivi des faits. Le gouvernement en parle de moins en moins fort. Les appels d’offre qui fonctionnent par stop and go sans aucune fluidité est le système le plus médiocre pour les industriels. Et ils ne permettent même pas à l’ensemble de la profession de survivre. La baisse des tarifs a asséché le secteur des moins de 100 kW hormis peut-être dans le Sud-Est et encore dan certaines conditions, avec à la clé l’impossibilité d’exercer. Nous sommes tous à la peine, en difficulté. Nous n’avons plus trop de temps. Nous espérons désormais une réal-politique avec des positions claires basées sur une stratégie de la transparence. J’attends les faits dès septembre. Des informations ! Une confirmation ! Il est l’heure de dire ce qu’on veut faire en France. Le gouvernement doit nourrir le pipe avant l’arrivée de l’autoconsommation. Plus que le flou aujourd’hui, nous sommes dans le doute » conclut Bruno Cassin, PDG d’une PME française, qui vit dans l’espérance d’un marché domestique dynamique pour se développer. Une problématique finalement assez étrangère à un grand groupe mondialisé comme Total.