Selon le Ministère de la transition écologique, le secteur de l’Energie représente 2% de la valeur ajoutée en France mais pèse pour 25 Md€ dans le déficit commercial de la France. La dépense contrainte d’énergie est de l’ordre de 9% dans le budget des ménages ; une part qui augmente sensiblement dans le difficile contexte géostratégique actuel. Analyse !
Depuis le premier choc pétrolier de 1973, la montée en puissance du nucléaire a divisé par deux les importations de pétrole. Cette mise en place du programme nucléaire a permis à la France d’être exportatrice d’électricité depuis une quarantaine d’années. Toutefois, cette indépendance énergétique du pays ne s’améliore plus depuis un quart de siècle. Actuellement, la production nationale primaire représente un peu plus de la moitié de l’approvisionnement en énergie du territoire. Depuis la fin définitive de leur exploitation sur le territoire, la France importe la quasi- totalité des énergies fossiles qu’elle consomme (charbon, gaz et pétrole). Elle en a progressivement diversifié la provenance géographique. Les événements géopolitiques actuels poussent la France à un nouveau round afin d’assurer son approvisionnement à court et moyen termes.
La difficile émergence des énergies renouvelables
Si l’électricité et le gaz naturel, moins émetteurs de gaz à effet de serre, se sont progressivement substitués au charbon et au pétrole dans de nombreux secteurs d’activité, le pétrole demeure prépondérant dans les transports. Représentant 75% de la production énergétique, le nucléaire était en baisse de 8,7% en 2020 par rapport à 2019, affecté par de nombreuses indisponibilités de centrales en maintenance. Cette situation a été aggravée par la pandémie de Covid-19 qui a entraîné de nombreux retards dans les process : la production nucléaire est ainsi retombée de façon inédite à un niveau bas depuis la fin des années 1990. Après un léger redressement de la production en 2021, l’exercice 2022 n’améliorera pas la tendance avec de nouveaux arrêts programmés. Les énergies renouvelables occupent une part croissante dans le mix énergétique national, soit 19,1% de la consommation finale brute d’énergie en France en 2020, en deçà des objectifs de 23%. La croissance de la production primaire d’énergies renouvelables est principalement due à l’essor des biocarburants, des pompes à chaleur et de la filière éolienne. En 2021, la France a produit environ 24% de son énergie grâce au renouvelable avec par ordre décroissant : l’hydraulique (12%), l’éolien (7%), le solaire (3%) et les bioénergies (2%) ; une part qui croît régulièrement avec 33% d’objectif national à l’horizon 2030. Concernant l’éolien, trois régions totalisent près de 60% de la production d’électricité nationale (Grand-Est, Hauts-de-France et Occitanie). Ce parc éolien est exclusivement implanté sur terre, tandis que 7 nouveaux parcs éoliens en mer sont en cours de développement en Normandie, Bretagne et Hauts-de-France. Ces parcs doivent être mis en service entre 2022 et 2027 mais les oppositions locales restent nombreuses, d’autant que le processus de développement est très long. Des études de faisabilité jusqu’à la mise en service et l’exploitation, il faut en effet compter en moyenne 8 ans en France contre 4 ans en Allemagne. Pour le solaire, le marché français était orienté vers les installations en sites isolés avant l’arrivée des installations dites « raccordées réseau » pour les particuliers, les entreprises et les logements collectifs. De grandes fermes solaires ont également vu le jour dans des zones géographiques à fort potentiel. Quatre régions au sud de la Loire se partagent près de 80% de la production nationale (Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle Aquitaine, Occitanie, Région Sud-PACA). Néanmoins, malgré son développement, le parc solaire ne représente aujourd’hui que 3% de l’électricité produite.
Le déploiement des énergies renouvelables apparaît central
Eolien et solaire dépendent essentiellement de producteurs étrangers pour leurs matériels et ne sont pas des énergies en flux constant. La durée de vie d’un panneau solaire oscille entre 20 et 40 ans. Pour une éolienne, la durée de vie est de 20 à 30 ans, alors que des parcs existants sont déjà démantelés avant d’atteindre cet âge. La technologie ayant évolué, le remplacement se fait avec des éoliennes plus puissantes et plus rentables. Quant aux bioénergies produites à partir de matières biologiques (bois, productions agricoles, déchets organiques), utilisées pour produire de l’électricité, de la chaleur, des carburants, elles restent pour l’heure confidentielles : 2% de la production nationale d’énergie. « Plus que jamais, la France doit gagner son indépendance énergétique, afin de préserver son économie, le budget des ménages et afin de répondre aux enjeux environnementaux. A ce titre, le déploiement des énergies renouvelables apparaît central, au même titre que le changement de nos habitudes de consommation » confie Max Jammot, Responsable du pôle d’études économiques chez Ellisphere.
Un tissu entrepreneurial toujours concentré, porté par le solaire et l’initiative privée
Entre 1999 et 2007, le marché de l’énergie (électricité et gaz) a été modifié au sein de l’Union européenne par l’ouverture à la concurrence, qui a permis progressivement à tous les consommateurs de pouvoir choisir leurs fournisseurs. Cette évolution a débouché en 2004, pour les opérateurs nationaux, à une séparation des activités de production, transport, distribution et fourniture de l’énergie. En France, le secteur de l’Energie reste concentré entre grands opérateurs historiques de production et de distribution d’énergie : électricité (EDF et ENEDIS), gaz (ENGIE) et pétrole (TOTAL, ESSO). Sur ce secteur, 67% de l’activité sont réalisés par les entreprises de plus de 250 salariés. Le nombre d’entreprises actives, même s’il progresse de 13,7% entre janvier 2021 et 2022, demeure limité avec près de 56 500 entités, exploitant un peu plus de 120 600 établissements (agences commerciales, sites techniques d’exploitation ou de vente au détail). Ce sont les activités liées à l’électricité et en particulier, celles de production, qui sont les plus dynamiques, portées par les réseaux connectés offrant aux particuliers, entreprises ou logements collectifs, la possibilité de revendre de l’énergie renouvelable (solaire, éolien, géothermique, hydraulique…) aux distributeurs historiques ou aux opérateurs implantés depuis la libéralisation du marché.
Le secteur du pétrole et des hydrocarbures
Entre 2012 et 2021, il s’est ainsi créé près de 38 500 nouvelles entités dans le secteur de l’Energie dont 83,6% pour l’électricité (80% d’entre elles étant pour la seule activité de production d’électricité). Il s’agit d’un niveau important soutenu par les réseaux connectés de revente dont profitent désormais les particuliers avec 57,3% des entreprises créées sous la forme d’entreprises individuelles. A l’opposé, le secteur du pétrole et des hydrocarbures décline en nombre d’entreprises sur la décennie étudiée ; c’est pour l’heure le réseau de détail qui paie le plus lourd tribut avec près de 1 330 fonds de détaillants en carburants disparus. Le nombre de défaillances (ouvertures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire directe) reste limité dans ce secteur résilient. A fin février 2022 sur 12 mois glissants, ce sont 55 entreprises qui sont comptabilisées défaillantes, essentiellement dans la production d’électricité et les commerces de détail de charbon, combustibles ou carburants. Sur les dix dernières années, seules 6,4% des disparitions d’entreprise étaient le fait d’une liquidation judiciaire.
Hausse des prix de l’énergie : impacts sur les ménages et les entreprises
Le contexte était déjà bien compliqué ; il l’est encore plus depuis l’invasion russe en Ukraine. Ce conflit met en exergue la dépendance énergétique de la France et de l’Union Européenne ; plus précisément, vis-à- vis des énergies fossiles telles que le gaz ou le pétrole. Leurs prix ont été tirés à la hausse par le boost de la consommation, lié principalement à la reprise de l’activité en Europe (post-pandémie Covid-19) et à la reconstitution des stocks de gaz, dans un contexte d’offre contrainte. Les prix de l’énergie ont ainsi augmenté régulièrement mais surtout considérablement. L’impact sur le budget des ménages a été brutal : électricité, gaz, fioul, gazole… Toutes les principales sources d’énergie sont ainsi concernées, avec par exemple + 12,6% pour le gaz en octobre dernier, ou encore les millions de foyers français, détenteurs de chaudières à fioul, impactés depuis l’entrée de l’hiver par la hausse du fioul, avec un pic en moyenne nationale le 7 mars dernier, à 1 809 euros les 1 000 litres. Outre les ménages, la problématique du carburant pèse bien entendu sur les professionnels du transport de fret, de voyageurs, au même titre que les taxis, les ambulanciers, les aides à domicile, les infirmiers libéraux ou encore les pêcheurs… Globalement, cette explosion des prix de l’énergie impacte considérablement le quotidien de chacun.
les tensions sur les prix des énergies s’installent durablement
Autres secteurs fortement touchés par ces hausses des prix de l’énergie : la métallurgie et la papeterie. La production d’aluminium est particulièrement concernée par le renchérissement des coûts de l’électricité, étant donné que 13,7 mégawattheures sont nécessaires pour produire une tonne de ce métal. Quant aux papeteries, la plupart des machines fonctionnent majoritairement au gaz. De nombreux clients du secteur ont été ainsi contraints d’intégrer une hausse supérieure à 25% en quelques mois, là où, en Italie par exemple, des entreprises ont dû fermer temporairement (étant dans l’impossibilité d’absorber ou de transférer l’augmentation de ces coûts). D’ailleurs, certaines structures se tournent désormais, avec le soutien de l’Etat français via l’ADEME, vers des chaudières biomasse à combustible solide de récupération. Au regard du contexte actuel, le gouvernement français a élaboré un plan de résilience économique et sociale afin de tenter d’apporter des réponses ciblées aux acteurs économiques les plus touchés, et de protéger à court terme tant l’activité des entreprises que le pouvoir d’achat des ménages. Depuis le 1er avril 2022, les pouvoirs publics procèdent ainsi à un remboursement de 15 centimes d’euro HT par litre de carburant. Cette mesure, effective quatre mois, consiste en une remise par l’État ; elle devrait bénéficier autant aux particuliers qu’aux professionnels. Néanmoins, il apparaît de plus en plus clairement que les tensions sur les prix des énergies s’installent durablement. Plus que jamais, la France, au même titre que l’Union Européenne dans son ensemble, doit revoir sa politique énergétique sur le long terme.