Les annonces fracassantes d’EDF ont provoqué une inquiétude légitime dans le Sud Ouest. Pourtant, il faut raison garder, le réseau électrique est peu développé dans notre région et les capacités de raccordement sont limitées. Sauf à réaliser d’énormes travaux, le nombre de centrales va au mieux doubler dans les années à venir. Rappelons aussi que la totalité des centrales existantes ne représente pas plus que la surface de cinq belles exploitations agricoles, pour une contribution très importante aux finances et à l’économie locales, sans même parler de la transition énergétique.
Une grave que de se priver de centrales PV
Le calcul est simple : 1.304 MWc de puissance installée en Nouvelle-Aquitaine à fin 2017, à raison d’environ 1,7 ha par MWc, cela représente seulement 2.200 ha. La plus grande centrale d’Europe capable d’alimenter Bordeaux en électricité ne représente « que » la surface d’une exploitation agricole de taille moyenne (moins de 300 ha). Ce serait donc une grave erreur de se priver du précieux apport de quelques dizaines de fermes photovoltaïques à l’écosystème local.
Pour autant, pas question qu’EDF implante 30.000 ha de panneaux solaires dans la forêt des Landes, et surtout pas à la manière des plus grands projets comme Cestas où les moutons seraient bien en mal de paître. Tout est question de mesure et de (bonnes) manières. Le comble serait qu’en affichant le chiffon rouge de projets démesurés, EDF parvienne à empêcher les petits producteurs de faire ce qui est bon pour la forêt et pour la planète.
Des garde-fous
Etant moi-même à la fois adhérent du syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest et producteur d’électricité photovoltaïque je ne crois pas du tout que les forestiers soient hostiles au solaire, car il n’y a aucune raison à cela. Il y a une grande complémentarité entre forêt et centrales solaires pour autant que celles-ci soient d’une taille limitée. En effet une centrale photovoltaïque c’est une zone de biodiversité favorable aux populations d’insectes et d’oiseaux, une barrière sanitaire et un coupe feu qui contribuent à protéger la forêt des maladies et des incendies. Contrairement au maïs, une centrale photovoltaïque ne préempte pas la ressource en eau et c’est une contribution économique pour la commune, comme pour le propriétaire forestier et les entreprises qui en assurent l’entretien, sans négliger la création de points d’eau pour la défense contre l’incendie et de pistes qui facilitent l’exploitation forestière après avoir permis la construction de la centrale.
L’alliance du solaire et de la forêt appelle toutefois quelques garde-fous. La surface unitaire maximum des projets devrait être limitée, à 50 ha maximum, avec un écartement d’au moins 500 m entre deux projets. Surtout, la règle existante à ce sujet devrait s’appliquer à tous les acteurs de la filière, alors qu’aujourd’hui elle ne s’impose vraiment qu’aux petits producteurs. En effet, l’électricité solaire devenant compétitive les gros intervenants n’auront bientôt plus besoin de passer par les appels d’offres et en l’état actuel des choses, rien ne limiterait la taille de leurs opérations.
Il faudrait donc tout à la fois ouvrir à nouveau l’accès des appels d’offres aux terrains ayant fait l’objet d’un défrichement, mais interdire de façon générale cette fois, les défrichements de trop grande surface qui cassent la trame de la forêt. C’est en ce sens que doit être entendue à mon avis laposition du Syndicat des sylviculteurs du Sud Ouest.
Les Causses plutôt que Desertec
Enfin, pour lancer ses immenses projets, EDF devrait aller non pas dans la forêt des landes, qui a déjà une importante fonction de forêt de production, encore moins en zone agricole, mais par exemple dans les Causses ou dans des régions françaises à la fois bien exposées au soleil et très peu fertiles, avec une faible couverture végétale. Pour cela, il faudra renforcer le réseau et se doter des lignes électriques nécessaires mais le jeu en vaut la chandelle.
Au lieu de Desertec, le projet géant que les allemands envisageaient dans le Sahel, lançons un grand projet national de production solaire dans des régions qui actuellement n’ont, ni forêt productive, ni agricultureni réseau électrique suffisant en l’état et rassurons les territoires qui ont déjà développé une agriculture ou une sylviculture : ici le solaire doit demeurer dans les limites très raisonnables que lui fixent les capacités de raccordement du réseau électrique existant.