Le Palais des Congrès de Perpignan a accueilli du 21 au 24 septembre 2010 la 16ème Conférence SolarPACES consacrée au solaire thermique à concentration. Huit cent cinquante spécialistes dont une grosse proportion d’industriels ont donc planché sur le potentiel en devenir de cette technologie solaire particulièrement adaptée aux territoires à fort ensoleillement comme le Maghreb, le Sud-Ouest des Etats-Unis, l’Australie, le Mexique ou même l’Espagne particulièrement en point sur ce secteur d’activité. Explications sur ces miroirs qui font bouillir la marmite et actionner des turbines pour produire de l’électricité !
Gilles Flamant ne cachait pas sa joie. Directeur du laboratoire PROMES (Procédés Matériaux et Energie Solaire) entre Perpignan et le four solaire d’Odeillo, il était l’organisateur de SolarPACES 2010, une conférence mondiale consacrée au solaire thermique à concentration qui faisait halte pour la deuxième fois en France en seize éditions. La première fois, c’était en 1998 à Font-Romeu, dans les montagnes pyrénéennes et la Conférence n’avait réuni qu’un peu moins de cent cinquante spécialistes. « En cette année 2010, nous avons presque multiplié par six la fréquentation par rapport à 1998. Cela veut bien dire que nous y sommes. L’électricité solaire thermodynamique à concentration dite CSP (Concentrated Solar Power) est à nouveau sur les rails. Elle est en train de prendre définitivement son envol » se réjouit Gilles Flamant qui fait partie des chercheurs qui ont passé leur carrière à réveiller la belle endormie.
L’Espagne dispose d’une longueur d’avance
En effet, tombées un tantinet dans l’oubli pendant une grosse vingtaine d’années, les centrales solaires thermodynamiques à concentration recommencent à fleurir à la surface du globe, là où le soleil est le plus généreux. Dans cette nouvelle épopée de la concentration solaire qui débute sa deuxième phase, l’Espagne a indéniablement prix une longueur d’avance. « Début 2010, plus de 30 centrales de 50 MW chacune basées sur la technologie des miroirs cylindro-paraboliques, ainsi qu’une centrale à tour de 17 MW (avec 15h de stockage) sont en construction en Espagne. L’ensemble de ces projets représente un investissement d’environ cinq milliards d’euros » note un rapport de l’Estela, l’association européenne de l’électricité solaire thermodynamique à concentration. D’ores et déjà , quatre centrales cylindro-paraboliques et deux centrales à tour Solucar PS10 et PS20 Séville) sont connectées au réseau. Il faut dire que dans le sud de l’Espagne le soleil est généreux avec près de 2000 kW au m² par an de solaire direct.
Financée par Torresol et la BEI, le principe de la centrale à tour Gemasolar de 17 MW dont la construction est en voie d’achèvement toujours dans la province de Séville repose sur une innovation technologique. Cette centrale à tour est en effet susceptible de révolutionner l’usage des énergies renouvelables en palliant en partie leur principal point faible : l’intermittence. Equipée d’un récepteur à sels fondus, elle bénéficie d’une capacité de stockage de 15 heures pendant les périodes sans ensoleillement. « Cette centrale sera capable d’assurer la production d’électricité durant quelque 6 600 heures par an, soit 2,5 à 3 fois plus que les autres énergies renouvelables. Elle sera opérationnelle jour et nuit pendant plus de neuf mois grâce à un facteur de charge de plus de 80% » précise Cédric Philibert, l’un des experts responsables de la division énergies renouvelables de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE). Gemasolar fournira de l’électricité à 25.000 foyers. La centrale devrait réduire ses émissions de CO2 de plus de 30 000 tonnes par an. Près de 1 000 emplois directs sont concernés sur sa période de construction.
Une bonne corrélation entre offre et demande
C’est un fait. L’industrie des centrales solaires thermodynamiques est une industrie naissante. A peine 1 GW est aujourd’hui installé dans le monde. Pourtant, le solaire thermodynamique est recensé par l’AIE comme l’une des vingt technologies essentielles à la lutte contre les changements climatiques. A horizon 2050, la road map de l’AIE indique que 50% de la production mondiale d’électricité devrait être renouvelable, entre hydraulique, éolien et solaire à parts égales (20 à 25% chacune), la part restante devant être couverte par d’autres énergies renouvelables telle la géothermie, la houle etc. Dans la part solaire, le photovoltaïque et le CSP devrait se partager le gâteau là encore à part égale. Le défi est à la mesure du retard pris par la CSP quand on sait que le photovoltaïque en fonctionnement a déjà dépassé les 20 GW soit vingt fois plus que le CSP. Pourtant, dès 2012, le CSP devrait atteindre les 10 GW en fonctionnement dans le monde.
Pour l’heure et à l’instar du photovoltaïque, le solaire thermodynamique profite de tarifs d’achat aménagés pour son développement, sensiblement équivalents à ceux du photovoltaïques au sol, suivant les pays. « L’électricité thermodynamique sera compétitive aux heures de pointe et de demi pointe dès 2020 sachant que toutes les technologies sont plus chères en pointe. L’intérêt du solaire thermodynamique est qu’il dispose d’une bonne corrélation avec la pointe et la demi-pointe de la demande (environ la moitié des kWh consommés), qui, comme chacun sait, se situent en journée. Pour la base load, la production nécessaire à la consommation de base jour et nuit, il faudra attendre 2030 pour que le solaire thermodynamique soit compétitif par l’effet de masse induit et les potentialités de stockage accrues » conclut Cédric Philibert.
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