Le potentiel de la filière solaire en France est réel. Pour le concrétiser et assurer la compétitivité d’un secteur riche en emplois et en mesure de s’exporter, il importe de soutenir durablement le développement de la filière, à travers des mesures fortes, à appliquer dès maintenant.
1. Trois mesures d’urgence pour relancer la filière solaire
Geler les tarifs d’achat aux niveaux du 1er trimestre 2012 pour maintenir la rentabilité économique
Dès à présent, les tarifs d’achat de l’électricité solaire devraient être stabilisés au niveau du 1er trimestre 2012, pour les projets jusqu’à 100 kWc. Cette mesure d’urgence permettra de sauvegarder des emplois en assurant une rentabilité viable aux projets en cours, dans l’attente de la mise en place d’un cadre réglementaire stable pour les cinq ans à venir. Les tarifs d’achat pour le 1er trimestre 2012 dont le gel est demandé s’échelonnent de 21 à 39 cts€/kWh selon la taille et la typologie des centrales. Ces tarifs pourraient ensuite être baissés de 10% dès 2013 pour avancer vers la parité réseau.
Etendre le tarif d’achat 2012 jusqu’à 250 kWc pour relancer le marché
Le système d’appel d’offres actuel engendre des contraintes administratives lourdes et pénalisantes pour les PME. Etendre immédiatement le tarif d’achat aux projets jusqu’à 250 kWc, à l’instar de la stabilisation des tarifs jusqu’à 100 kW, favoriserait la relance du marché pour les PME et PMI avec le développement d’installations entre 800 et 2 000 m². Cela permettrait de stopper l’hémorragie d’emplois qualifiés avec la relance d’une dynamique pour solariser des bâtiments publics et privés.
Relancer l’intérêt des Français via une communication positive
Une campagne de communication sur les atouts de l’énergie solaire comme source de chaleur et d’électricité pour les Français, pourrait être lancée avec le soutien des pouvoirs publics dès que possible, afin de redonner confiance dans ce type d’investissements aux particuliers et aux petites entreprises. Une communication positive en faveur de l’énergie solaire doit être récurrente d’ici 2017.
2. Six mesures pour le quinquennat
Mettre en place un cadre tarifaire stable pour l’électricité solaire avec une ambition de puissance définie dès l’automne
Il est essentiel de relever à 20 GW l’objectif photovoltaïque 2020 inscrit dans la Programmation Pluriannuelle des Investissements (contre 5,4 GW actuellement) et instaurer un mécanisme unique de soutien au marché avec des tarifs d’achat qui baisseront de façon prévisible et progressive vers la parité réseau. Ces tarifs seront adaptés de façon dynamique et indexés sur l’ensoleillement, pour assurer une rentabilité correcte et non excessive des projets, avec une clause de revoyure annuelle entre l’Etat et la filière. L’accélération de la compétitivité de l’électricité solaire passe par des mesures qui visent à fluidifier le marché.
La réduction des contraintes administratives, qui allègera la charge financière que la collectivité consacre au développement du photovoltaïque, avec la réduction des coûts de raccordement au réseau comme objectif prioritaire
Enerplan demande la convergence vers les meilleures pratiques européennes (dont l’Allemagne).
L’extension de l’obligation d’achat à l’ensemble des fournisseurs d’électricité, qui permettra d’éviter tout monopole et dépendance à un seul acteur, tout en impliquant davantage les fournisseurs dans les projets locaux.
Renommer ERDF en ERDCF pour inscrire la collecte de la production décentralisée d’électricité renouvelable dans l’objet social et le nom du principal gestionnaire du réseau électrique de distribution français.
Enerplan souhaite l’intégration d’un mécanisme de bonification de l’autoconsommation dans le futur cadre légal, ce qui engendrerait des bénéfices directs pour le secteur
L’autoconsommation permet de créer un sentiment d’appropriation par le particulier de l’électricité qu’il produit et donc une volonté de la gérer au mieux. Par ailleurs, en plus de limiter l’impact sur le réseau, elle réduit les pertes en ligne d’électricité puisqu’elle n’a pas besoin d’être transportée. Enfin, la mise en place du bonus d’autoconsommation permettra de préparer l’avènement des parités réseau et alléger la charge financière en réduisant l’impact sur la CSPE (contribution au service public de l’électricité).
Enerplan souhaite que le soutien au développement de l’intégration au bâti soit maintenu
En effet, l’industrie française a beaucoup investi pour développer des solutions techniques BIPV innovantes, qui satisfassent à une des réglementations les plus exigeantes au monde. Aussi, Enerplan considère que la prise en compte du différentiel de coûts entre l’intégration au bâti et la sur‐imposition est une bonne chose, pour qu’une part de l’industrie française ne voie ses investissements rendus inutiles.
Relancer le solaire thermique (chaleur) par la filière du bâtiment et de l’industrie
La demande en chaleur compte pour une part importante dans la demande énergétique mondiale. Le secteur des bâtiments en consomme à lui seul 35.3%, dont 75 % pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire. Au niveau européen, la consommation d’énergie finale pour la chaleur et le froid (49 %) est supérieure à celle pour l’électricité (20 %) et les transports (31 %). L’utilisation directe de l’énergie solaire sous la forme de chaleur solaire en est de loin la forme la plus naturelle et durable. Partout mobilisable, la chaleur solaire est adaptée au plus grand nombre de logements pour l’équipement de base de la puissance thermique. Les technologies de chaleur solaire sont donc stratégiques pour réussir la transition énergétique, et le potentiel de marché reste particulièrement important, compte tenu des besoins en chaleur renouvelable basse température pour l’habitat, le tertiaire et l’industrie.
Enerplan suggère de remplacer le système actuel de subvention à l’installation par un dispositif de valorisation de la chaleur solaire produite dans le collectif
La mise en Å“uvre d’un tarif de valorisation de la chaleur solaire en c€/kWh est vertueux car il prend en compte la pérennité des performances. Ce tarif adresserait aussi un signal au marché : la chaleur solaire pourra devenir compétitive à court/moyen terme, vis‐à ‐vis des sources d’énergie conventionnelle substituées.
Enerplan propose un plan de rénovation solaire du bâtiment, où la chaleur solaire jouera un rôle important pour lutter contre l’inflation énergétique quand le solaire photovoltaïque pourrait permettre d’atteindre le niveau d’énergie positive au titre de l’excellence énergétique pour une fraction du parc rénové. Les enjeux sur 5 ans sont de réaliser 300 000 réhabilitations avec bouquet de travaux chauffage solaire, et de solariser l’eau chaude d’un million de foyers (maisons individuelle et logements collectifs) et d’atteindre 5 à 10 % des rénovations solaires à énergie positive.
Enerplan souhaite que la France se dote d’un programme ambitieux de R&D pour la chaleur solaire, pour conduire les efforts d’innovation afin d’améliorer la compétitivité de l’offre
L’innovation technologique est une composante critique de l’équipement massif des bâtiments, dès l’instant qu’elle est spécifiée à partir de besoins systèmes, et que l’objectif constant est de réduire le coût des composants sur leur cycle de vie (coût, performance, fiabilité, simplicité des techniques d’intégration).
Enerplan milite pour la mise en place d’un plan de diffusion de la chaleur solaire qui cible l’industrie et le secteur tertiaire (hôtellerie, santé, …). Il s’agit d’amplifier la dynamique créée par la mise en place du fond chaleur et d’ouvrir un nouveau segment de marché avec la chaleur solaire basse et moyenne température pour l’industrie.
Mettre en oeuvre un Small Business Act solaire français
La Commission européenne a lancé en 2008 l’initiative du «Small Business Act » pour l’Europe. Au cÅ“ur de celui‐ci, le principe intitulé « Penser aux PME d’abord » vise à réduire les contraintes législatives et réglementaires au profit de l’initiative accordée aux PME.
L’enjeu industriel pour l’énergie solaire est essentiel pour la maîtrise de notre future balance commerciale. Pour assurer demain aux PME la possibilité d’exporter leur savoir‐faire, il leur faut dès aujourd’hui disposer d’un socle solide qui trouve son point d’origine sur le marché français.
Enerplan propose la mise en place d’un «Small Business Act Solaire Français », en faveur du développement des PME/PMI solaires dans la transition énergétique. Celle‐ci se fera en appui d’une politique ambitieuse tant au niveau industriel que des territoires, et s’inscrit pleinement dans le redressement productif voulu par le gouvernement. Concrètement, le « Small Business Act Solaire français » s’appuiera sur le « test PME » : toute nouvelle mesure politique devra être évaluée en amont pour identifier si elle est favorable, neutre ou défavorable aux PME. Il contiendra également trois axes de progrès spécifiques pour favoriser les PME en termes :
d’accès au financement et des aides fléchées
L’accès au financement pour les PME/PMI solaires est stratégique, à la fois pour accompagner leur développement mais aussi pour financer leurs innovations. Des aides fléchées réservées aux PME/PMI sont à même de redynamiser le secteur et de participer au développement de l’industrie française.
d’accès aux fonds de R&D et de soutien à l’innovation
Pour faire en sorte que les PME/PMI reçoivent une part significative du budget national dédié à la R&D et au soutien à l’innovation en matière d’énergie solaire, Enerplan propose que des Appels à manifestation d’intérêt (AMI) soient réservés aux PME/PMI avec des budgets strictement délimités. Ce soutien doit être accompagné d’une politique d’information et de sensibilisation à l’attention des PME/PMI et initié par les chambres de commerce et d’industrie ainsi que les pôles de compétitivité.
d’accès au marché
Concernant les marchés publics, les pouvoirs publics doivent s’assurer que les PME obtiennent la part qui leur revient dans les marchés publics et tirent pleinement parti de leur potentiel. Le cas échéant, des critères pour valoriser la participation de PME/PMI devraient être retenus dans les cahiers des charges de consultation. Mettre en place le « Small Business Act Solaire français » en amont de la décentralisation du secteur est essentiel si l’on ne veut pas décentraliser l’oligopole actuel des quelques grands groupes qui opèrent dans le secteur.
Faire du secteur solaire un acteur de la décentralisation énergétique
Le rayonnement solaire est moindre au nord qu’au sud de la France, ce qui modifie la performance et la rentabilité des installations solaires pour un investissement similaire. Aussi, pour ne pas concentrer le marché dans une seule partie de la France ni générer d’effet d’aubaine, il convient de régionaliser l’aide apportée aux kWh solaires (thermique et photovoltaïque). L’Etat doit faire une analyse continue des différents SRCAE (Schéma Régional Climat, Air, Energie) et PCET (Plan Climat‐Energie Territoriaux) pour promouvoir les expériences territoriales les plus volontaires en matière de développement de l’énergie solaire. Les initiatives qui visent à accélérer le développement des Bâtiments à Energie Positive (BePos) et des Territoires à Energie Positive (TePos) doivent ainsi être promues et partagées. Ces initiatives sont à la fois des vitrines technologiques et des émulateurs de marché. Afin de réaffirmer l’attachement d’Enerplan à la décentralisation énergétique, le syndicat a rejoint le comité de pilotage de l’Alliance pour l’Energie Locale, qui encourage les collectivités locales engagées dans la Convention des Maires à recourir massivement à la valorisation de l’énergie solaire sur leur territoire. Avec comme objectif final de dépasser ceux du Paquet Energie‐Climat de l’Union européenne, dit « 3×20% ».
Enerplan souhaite que le « Small Business Act Solaire français » inspire la loi de décentralisation de l’énergie. L’énergie solaire, décentralisée par essence et disponible sur tout le territoire pour satisfaire les besoins de chaleur et d’électricité sans souci pour mobiliser la ressource, devra être considérée comme une composante essentielle de la nouvelle politique énergétique conduite par les Régions et les collectivités locales.
Participer au suivi à la Conférence environnementale et au débat sur la transition
En tant que syndicat des professionnels de l’énergie solaire, Enerplan a été auditionné dans le cadre des deux derniers rapports majeurs sur l’état de la filière en France :
‐ Le rapport de la Commission d’enquête sur le coût réel de l’électricité du Sénat
‐ le rapport du CEGIET et du CGDD sur l’état des lieux de la filière du photovoltaïque en France.
Pour autant, Enerplan n’est pas membre du Comité National du Développement Durable et du Grenelle de l’Environnement (CNDDGE), qui s’est réunit pour la Conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012, et ce malgré la volonté du gouvernement actuel d’élargir le champ des parties prenantes au débat national sur l’énergie.
Afin de défendre les intérêts d’un secteur énergétique d’avenir, Enerplan demande à faire parti du CNDDGE, et de rejoindre ainsi les Comités opérationnels traitant du sujet des « Energies renouvelables» du Grenelle de l’Environnement, ou toute structure équivalente qui serait créé à l’issue des travaux de la Conférence environnementale.