Projet « Hercule », scénario « 100 % renouvelables », préservation du parc nucléaire et hydroélectrique : la commission des affaires économiques du Sénat demande un débat transparent devant le parlement autour de l’ensemble de ces sujets sensibles concernant l’opérateur historique EDF.
Mercredi 10 février 2021, la commission des affaires économiques du Sénat a auditionné Jean‑Bernard Lévy, président‑directeur général (PDG) d’EDF, sur le projet de réorganisation « Hercule ». À cette occasion, les sénateurs ont déploré le manque de transparence sur un projet de réforme pourtant très structurant pour l’avenir de la souveraineté et de la transition énergétiques du pays.
Le financement du « mur » d’investissements
Dénonçant le flou entourant les contours, le calendrier et l’impact social et économique de ce projet, ils ont relayé les inquiétudes des salariés, des collectivités territoriales et des entreprises, particulièrement les entreprises électro‑intensives, sur les négociations actuellement poursuivies par le Gouvernement avec la Commission européenne. La préservation de nos concessions hydroélectriques, le financement du « mur » d’investissements ‑ nucléaires comme renouvelables ‑ auquel est confronté EDF ainsi que le maintien du caractère intégré et public du groupe ont été les principaux points de préoccupation relevés par les sénateurs. En outre, la commission s’est interrogée sur les répercussions de la crise sanitaire sur ce projet, observant que les effets de cette crise sur le marché de l’électricité sont considérables avec une chute de la demande et des prix de l’électricité, un décalage du programme d’« arrêts de tranche » d’EDF ou encore une désorganisation des projets d’énergies renouvelables. Les sénateurs ont plus largement regretté le manque de soutien apporté par le Gouvernement à la filière nucléaire, à l’heure où la France connaît une situation critique sur le plan de la sécurité d’approvisionnement.
Quid du scénario 100% renouvelables
S’agissant de la commande par le Gouvernement d’un scenario « 100 % renouvelables », à Réseau de transport d’électricité (RTE) et à l’Agence nationale de l’énergie (AIE), les sénateurs ont souligné que cela ne saurait préjuger du choix du législateur : « C’est au Parlement, et à lui seul, non au Gouvernement ou aux agences diverses et variées, de décider de l’évolution de notre mix énergétique d’ici à 2050, dans le cadre de la “loi quinquennale”, instituée par la loi “Énergie‑Climat” à compter de 2023 » a ainsi rappelé Daniel Gremillet (Vosges – Les Républicains), rapporteur de cette loi pour le Sénat. Dans ce contexte, la commission des affaires économiques a confié à Daniel Gremillet, Patrick Chauvet (Seine-Maritime – Union Centriste) et Jean-Claude Tissot (Loire – Socialiste, Écologiste et Républicain) un groupe de travail sur les réformes du marché de l’électricité.
Pas de négociations à la va-vite
Pour Patrick Chauvet, «à date, le projet “Hercule” engagé au sein d’EDF soulève plus de questions qu’il n’offre de réponses. Nous serons très vigilants pour qu’il ne conduise pas à remettre en cause la place de l’État actionnaire dans nos concessions hydroélectriques, notre filière nucléaire, les énergies renouvelables ou encore la distribution et le transport d’électricité. Ces questions sont trop importantes pour être négociées à la va-vite, alors que la crise sanitaire est encore devant nous. Elles conditionnent notre souveraineté et notre transition énergétiques et, in fine, l’atteinte de l’objectif de “neutralité carbone” à l’horizon 2050. » Pour Jean‑Claude Tissot, « L’impact social et économique des réformes en cours de négociation, tant sur les salariés du groupe EDF que sur les entreprises électro‑intensives ou les collectivités territoriales, doit être évalué de manière approfondie. Nous attendons du Gouvernement qu’il se penche sérieusement sur cet impact en consultant la représentation nationale avant toute prise de décision. Il ne serait pas admissible que le Parlement soit mis devant le fait accompli, avec des réformes mal calibrées car mal évaluées. » Pour Sophie Primas, présidente de la commission, « alors que le Parlement s’apprête à examiner le projet de loi “Climat et Résilience”, il est vraiment malvenu que la filière nucléaire soit une nouvelle fois mise à l’épreuve avec la fermeture de 14 réacteurs d’ici à 2035 et un plan de relance quasi inexistant. Nous sommes confrontés à un climat extrêmement anxiogène pour la filière nucléaire, qui procure pourtant à la France l’essentiel de son électricité décarbonée ! ». Des arguments qui peuvent aussi expliquer les lenteurs du développement des renouvelables en France !