Le CLER communique :
La transition énergétique est avant tout une question de démocratie : elle commence par l’appropriation des enjeux de la consommation et de la production d’énergie par les citoyens, les PME et les élus des territoires. C’est bien ce qui pose problème aux oligopoles de l’énergie qui ont pris l’habitude, depuis un demi-siècle, de régner sans partage sur ce secteur stratégique. Désormais obligés d’accepter l’avènement des énergies renouvelables, ils entendent bien conserver leur mainmise historique et font tout pour exclure tous les autres acteurs. La nouveauté, et elle est très inquiétante, c’est que le gouvernement se soumet à ce dictat : la preuve par le photovoltaïque
Il y a quelques années seulement, le photovoltaïque était encore la plus chère de toutes les filières de production d’électricité, renouvelables ou non. En mars 2011, le gouvernement a instauré un tarif d’achat « de base », c’est-à -dire sans aucune condition de localisation, de typologie ou d’intégration, à 0,12 €/ kWh. Ce montant correspondait exactement au prix payé par les particuliers à EDF pour leur consommation. Le gouvernement de l’époque pensait avoir jugulé l’engouement qui avait entraîné la fameuse « bulle spéculative » de 2010. C’est cette dernière qui avait justifié le moratoire mortifère. Pour en être vraiment sûr, ce tarif avait même été assorti d’une baisse de 10 %. Il avait donc récemment atteint 0,102 €/kWh, soit à peine plus que le coût de production futur de l’EPR en France (entre 0,7 et 0,9 €/kWh)1 et nettement moins que celui qu’EDF-Energy prévoit de construire au Royaume-Uni (entre 0,125 et 0,175 €/kWh).
Arrêtons tout : c’est en train de fonctionner !
Las ! Cette muselière ne suffit plus Devant le constat d’un afflux de demandes de raccordement qui devrait être considéré comme une excellente nouvelle (le photovoltaïque coûte vraiment de moins en moins cher !), le gouvernement se prépare à décider, sans la moindre concertation, d’appliquer une baisse de 20 % (à 0,084 €/kWh) avec effet rétroactif au premier octobre ! Cette décision ne devrait pas poser trop de problèmes aux géants de l’énergie, qui ont les moyens d’attendre que le prix des modules baisse encore et sauront truster les appels d’offres. En revanche, elle percute de plein fouet les quelques opérateurs indépendants qui ont survécu au moratoire : l’hécatombe risque fort de continuer au-delà des 15 000 licenciements enregistrés depuis 18 mois
Quelle mouche a donc piqué la ministre ?
CLER
Cette réaction, aussi inappropriée soit-elle, n’est pas sans raison. Certaines entreprises peu scrupuleuses continuent à détourner la loi limitant la puissance maximale des parcs au sol à 12
MW (environ 25 hectares). Pour cela, ils saucissonnent des projets de plusieurs centaines de MW en tranches de 12 MW appartenant à autant de sociétés différentes que l’on se revend les uns les autres. Sont-elles enregistrées aux îles Caïmans ? Appartiennent-elles à des fonds de pension américains ? Eh bien non : certaines de ces entreprises aux pratiques immorales ont leur siège à Paris et ont l’Etat pour actionnaire principal ou majoritaire. Nous appelons l’Etat à la transparence en faisant la lumière sur les entreprises adoptant de telles pratiques.
Les mesures envisagées vont avoir pour effet de finir de « nettoyer le terrain » au seul profit des grands groupes énergétiques qui non seulement peuvent maintenir leur monopole, mais gagnent aussi beaucoup d’argent tout en se plaignant que tout cela coûte très cher4. Le gouvernement doit, s’il veut rester crédible lorsqu’il parle de transition énergétique, prendre d’urgence les quelques mesures suivantes :
assurer le respect de la règle des 12 MW en interdisant le raccordement sur le réseau de transport (RTE) et en contrôlant rigoureusement l’actionnariat des sociétés de projet ;
mettre en place une régionalisation des tarifs d’achat qui évitera la concentration des projets dans le sud de la France ;
encadrer le développement des parcs photovoltaïque au sol afin d’éviter la perte de biodiversité et en interdisant tout projet de grande puissance sur des terres agricoles, des friches forestières ou des espaces naturels ;
favoriser les projets à taille humaine portés par les acteurs des territoires ou les associant étroitement à la conception et à l’exploitation des systèmes.
C’est seulement à ces conditions que le solaire, aux côtés des autres énergies renouvelables et de la maîtrise de la consommation, pourra jouer pleinement son rôle de moteur en matière de compétitivité mais aussi de démocratie.
Note : Le Conseil supérieur de l’énergie (CSE) vient d’adopter des propositions du CLER visant la suppression de cette baisse de 20 % du T5 et la création d’un tarif d’achat pour les installations surimposées. Le gouvernement restera-t-il sourd à cet avis du CSE ?
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