La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, sur le bilan de la conférence de Cancun et la mise en Å“uvre du Grenelle de l’environnement. La question du photovoltaïque a fait l’objet de nombreuses interventions tant des députés que de Nathalie Kosciusko-Morizet. Voici les extraits du compte rendu écrit et de la captation vidéo de l’audition.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement :
« Je vous remercie de votre accueil et j’accepte bien volontiers de revenir prochainement devant votre commission. » []
« Différents projets d’ajustement en matière d’énergies renouvelables éolien maritime, refonte du soutien à la filière photovoltaïque, nouveaux systèmes de promotion du biogaz, avec des tarifs de rachat adaptés aboutiront [] Il s’agit aussi pour nous de développer des emplois et des filières industrielles en France. Les projets que j’ai cités prennent tous en compte cet objectif, qui nous conduit à réajuster certains d’entre eux, par exemple dans le domaine photovoltaïque. »
M. Stéphane Demilly, Député Nouveau Centre de la Somme :
« Ma deuxième question concerne la filière photovoltaïque française. Après avoir décidé cet été de diminuer les tarifs d’achat de l’électricité solaire, puis, en septembre, de réduire de moitié le crédit d’impôt pour l’installation d’équipements photovoltaïques, le Gouvernement a suspendu pour trois mois, le 10 décembre dernier, la possibilité de conclure un contrat d’achat d’électricité photovoltaïque pour les projets supérieurs à 3 kilowatts. Ces trois décisions ont fait l’effet d’une douche froide chez les professionnels du solaire et chez tous ceux qui nourrissaient des projets dans ce domaine. Certes, le secteur est victime de son succès, et il convenait d’éviter les effets d’aubaine. Mais comme toute filière industrielle je pense aussi à celle des biocarburants elle a besoin d’un cadre réglementaire et fiscal clair et stable. Ces changements sont déstabilisants, d’autant qu’elle est loin d’être saturée dans notre pays. De nombreux agriculteurs voient leurs projets en ce domaine, parfois très avancés, bloqués par ces décisions. Je vous ai d’ailleurs écrit récemment pour vous exposer un cas de ma circonscription dont la situation économique met en péril jusqu’à la pérennité de l’exploitation : l’agriculteur a obtenu ses prêts bancaires et passé ses commandes juste avant le 10 décembre. Je vous le dis sans détours, ces brusques revirements sont inacceptables. »
M. Bertrand Pancher, député UMP de la Meuse :
« J’en viens au moratoire photovoltaïque. Il semble que la concertation ne se passe pas très bien. Selon mes informations, on systématiserait les appels d’offres, ce qui tend à favoriser les grands groupes. De plus, l’expérience des appels d’offres n’a pas laissé un souvenir impérissable à notre commission : je pense notamment à l’éolien en mer, qui n’a toujours pas donné lieu à concrétisation. Pour la sortie du moratoire, ne vaudrait-il pas mieux envisager des lignes budgétaires dans le cadre des tarifs de rachat d’électricité et se mettre d’accord sur une diminution progressive des tarifs ? »
Madame la ministre :
« En ce qui concerne le photovoltaïque, je comprends l’exaspération des professionnels face à des règles du jeu qui changent tous les trois mois, au point que certains ont engagé des procédures contentieuses contre l’État. C’est précisément la raison de la décision de suspension. Celle-ci prélude à la mise en place, après concertation, d’un nouveau dispositif pérenne. Cela ne signifie pas qu’il ne sera pas ajustable, mais qu’il le sera selon des règles fixées à l’avance. Chacun conviendra que le dispositif actuel n’est pas satisfaisant. Parmi les projets déposés, certains sont purement spéculatifs. Surtout, ce système n’a pas permis la création d’emplois industriels. Les emplois créés, peu nombreux, se concentrent dans les bureaux d’études et dans l’installation des panneaux. La plupart des sociétés françaises ont perdu des parts de marché, et l’essentiel des panneaux utilisés est importé. La France n’est pas la seule à subir les effets de la très forte baisse du prix du panneau photovoltaïque chinois. L’extension par l’État américain du « Buy American Act » au secteur photovoltaïque vise à éviter à la délocalisation de centaines de milliers d’emplois industriels, notamment vers la Chine.
Laisser ce dispositif dériver vers une bulle spéculative n’aurait abouti qu’à augmenter dès 2012 la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, acquittée par tous les Français. Que leur dira-t-on alors ? Croit-on qu’ils seront heureux d’apprendre que l’augmentation de leur facture d’électricité a permis de subventionner l’emploi industriel en Chine ? Ce n’est pas ça, le Grenelle de l’environnement. Certes, celui-ci vise à développer nos capacités productives, et les objectifs fixés en termes de volume seront atteints, voire dépassés. Mais c’est aussi une espérance d’emplois et de croissance verte chez nous. Cette exigence sous-tend tous les projets du Grenelle, et c’est dans cette perspective que s’inscrit le travail que nous menons actuellement pour définir des modalités d’appel à projets pour la construction d’éoliennes en mer. Ces projets doivent permettre la création d’emplois industriels en France, et pas seulement pour assembler des pièces fabriquées ailleurs.
Je sais dans quelle situation dramatique la baisse du tarif de rachat a placé certains agriculteurs, qui s’étaient, en toute bonne foi, endettés pour financer ce type d’investissement.
C’est pourquoi j’ai proposé à Christine Lagarde que nous réfléchissions à la définition de critères de transition qui permettraient de faire droit à ces dossiers. Je ne vous cache pas qu’il sera assez délicat de mettre en place un dispositif propre à préserver la compétitivité de l’exploitation qui soit inattaquable sur le plan juridique, mais cela fait partie de nos préoccupations.
Sur le photovoltaïque, monsieur Pancher, rien n’est encore décidé. Parmi les pistes explorées, il y a la combinaison d’un tarif de rachat spécifique à certains types d’installation, éventuellement ajustable, et d’une procédure d’appel d’offres pour les projets les plus importants. Cette procédure présenterait l’avantage de favoriser le développement d’une filière industrielle et la création d’emplois sur notre territoire. »
Mme Catherine Quéré députée socialiste de Charente-Maritime :
« N’est-il pas regrettable qu’aucun député de l’opposition de notre commission ne fasse partie de la commission Charpin, que vous avez mise en place, et qui compte en son sein un député de l’opposition membre de la commission des affaires économiques ?
Par deux fois, madame la ministre, vous avez révisé les tarifs de rachat de l’électricité photovoltaïque, avant de décider, le 9 décembre, un moratoire de trois mois sur les nouvelles installations. Ces tergiversations sont très dommageables pour la filière et ses acteurs. Vous êtes en train de tuer une filière que vous aviez vous-même promue ! Prendrez-vous enfin des décisions fermes à l’issue de ce moratoire ? Une filière ne se met pas en place du jour au lendemain : investisseurs et industriels ne peuvent avancer sans perspectives à long terme. Quel est votre engagement sur le photovoltaïque ? »
M. Albert Facon député socialiste du Pas-de-Calais :
« Je partage votre point de vue sur la filière photovoltaïque : il aurait mieux valu consacrer tout cet argent à financer la fabrication de panneaux en France plutôt que de subventionner l’industrie chinoise. Pourquoi avez-vous diminué les aides destinées aux travaux d’isolation ? Dans ma région du Nord-Pas-de-Calais, beaucoup de gens logent dans de véritables passoires faute d’avoir les moyens d’isoler leur logement. D’une façon générale, il faut subventionner les économies d’énergie, d’abord parce que l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas, mais aussi parce que cela crée directement de l’emploi en permettant à nos artisans de travailler. »
M. Philippe Plisson, député socialiste de Gironde :
« En ce qui concerne le photovoltaïque, je ne partage pas votre analyse : il a créé
20 000 emplois à ce jour, et des investissements d’un montant de 800 millions d’euros sont prévus en amont de la filière, autour de quatre projets de fabrication de cellules. Anticipant les conclusions de la commission Charpin, envisagez-vous de fixer, à l’issue du moratoire, un quota annuel d’énergie photovoltaïque et des règles concernant la forme ? Ne pourrait-on pas trouver le moyen de définir une préférence nationale en faveur des panneaux conçus en France ou en Europe, à partir de critères qualitatifs ou environnementaux l’empreinte carbone de leur transport par exemple à défaut de critères sociaux ? »
M. Philippe Tourtelier député socialiste d’Ille-et-Vilaine :
« Le moratoire sur les installations d’énergie photovoltaïque, qui entraîne des destructions d’emplois, sera un moindre mal s’il permet de fixer des tarifs de rachat ajustables, sans lesquels il n’y aura plus de petites entreprises. A-t-on vraiment exploré la piste de la définition de normes de qualité pour éviter l’utilisation de panneaux chinois ? »
Mme la ministre :
« La commission Charpin compte déjà 70 personnes, madame Quéré. Plus généralement, en matière de photovoltaïque, le Gouvernement compte favoriser le développement de l’industrie, et d’abord par le biais de soutiens directs, tels que les investissements d’avenir nous venons de lancer, avec René Ricol, deux appels à manifestations d’intérêt, l’un sur le photovoltaïque et l’autre sur le solaire en général. Mais c’est le dispositif dans son ensemble qui doit être organisé de façon à mieux servir les intérêts de notre industrie photovoltaïque. Il s’agit de distinguer entre ce qui est possible et ce qui ne l’est pas : si le critère du cycle de vie est discutable au regard des critères de l’OMC, nous sommes en train d’étudier des solutions telles que la prise en compte du rendement, que M. Philippe Plisson vient d’évoquer, ou du degré d’intégration au bâti.
En effet, une prise en compte insuffisante de ce dernier critère explique en partie l’engouement pour des panneaux produits à l’étranger. La refonte du système ne doit pas être seulement financière. Elle doit être aussi l’occasion de s’interroger sur sa pertinence environnementale. Aujourd’hui, aucune garantie n’est prévue pour le recyclage des panneaux photovoltaïques ou pour le démantèlement des centrales au sol. »
M. le président Serge Grouard : Je vous remercie, madame la ministre, pour cet exposé passionnant et pour la précision des réponses que vous avez apportées.
Voir la vidéo de l’audition de Nathalie Kosciusko-Morizet à Assemblée Nationale –