par Michèle RIVASI (députée européenne EELV, co-fondatrice de la CRIIRAD)
Le bouleversement climatique va accroitre les fortes chaleurs (comme celle connue fin juin / début juillet et en cette fin juillet) et les épisodes de sécheresse (à ce jour et alors que nous sommes au début de l’été, 2/3 des départements français sont en état de sécheresse avec des restrictions d’eau). La crise climatique entraîne mécaniquement une aggravation de la crise aquatique : niveau exceptionnellement bas des fleuves, température des eaux de rivières en forte hausse, prolifération d’algues génératrice de cyanobactéries, renforcement des mesures de restrictions de consommation d’eau. Cet été, la Garonne est très basse, le débit de la Loire est significativement inférieur à la moyenne, celui de la Vienne est très bas…
La dépendance du nucléaire à une ressource en eau abondante est de nature à sérieusement mettre en doute sa résilience dans le contexte du dérèglement climatique. Les centrales prélèvent de volumineuses quantités d’eau et rejettent dans les fleuves et rivières de l’eau plus chaudes chargée de substances chimiques et radioactives (tritium notamment). Lorsque la température augmente et que le débit des fleuves et rivières diminue, l’impact de ces nuisances est plus important en raison d’une moindre dilution des polluants et d’un rejet d’eau chaude plus impactant pour les milieux aquatiques.
Depuis des années Alsace nature alerte sur le réchauffement du Rhin lié à Fessenheim. En 2013, à l’échelle nationale, plus de 54 % des prélèvements dans les eaux de surface étaient destinés à la production d’énergie, essentiellement pour le refroidissement des centrales nucléaires. Par exemple, faut-il rappeler la nécessité que la Loire, qui alimente les centrales de Belleville, Dampierre, Saint-Laurent et Chinon ait un débit suffisant pour permettre ce refroidissement.
Durant la canicule de l’été 2003, “17 réacteurs nucléaires (un quart du parc français) avaient dû soit réduire leur production d’électricité, soit être mis à l’arrêt, et EDF avait dû acheter de l’électricité dans des pays voisins. Lors de l’été 2018, une demi-douzaine de réacteurs ont vu leur puissance être réduite du fait des problèmes de sécheresse et de canicule et 4 ont même dû être arrêtées. Or, le ministère de la Transition écologique prévoit une chute pouvant atteindre 40% d’ici 2050.
De surcroît, certains équipements nucléaires demeurent très vulnérables en cas de fortes températures. C’est le cas par exemple des diesels de secours en cas de défaillance du réseau électrique. Ceux-ci doivent être refroidis par l’air extérieur. L’IRSN a pointé ce risque estimant que « la démonstration de la capacité des installations à faire face à des situations de grande chaleur n’est pas pleinement apportée par EDF ».
Le nucléaire n’est donc pas la panacée ou le « mal nécessaire » au changement climatique. C’est même plutôt le contraire. Il est très vulnérable à l’augmentation des températures et à la baisse de débit des cours d’eau et il ne participe pas (ou très marginalement) à la baisse des émissions de GES (la France -pays européen le plus nucléarisé- ayant même vu l’an passé augmenté ces GES). Le bouleversement climatique rend le nucléaire encore plus dangereux.
Il est temps d’en sortir !