La plateforme Myrte : une référence internationale pour le stockage d'énergie en quête d'un second souffle

La plateforme Myrte, Mission Hydrogène Renouvelable pour l’Intégration eu réseau Electrique, est installée sur un site paradisiaque de l’île de beauté, les Sanguinaires en toile de fond de la carte postale. Développé par l’Université di Corsica Pasquale Paoli associé au CNRS, en partenariat avec le CEA et le groupe AREVA, ce projet expérimental d’envergure associe une centrale photovoltaïque de 560 kWc à une chaîne hydrogène. Une réussite incontestable visitée par des délégations du monde entier qui peine pourtant à sortir du laboratoire. Explications !

Le soleil brille sur les îles Sanguinaires, vigies écarlates des crépuscules du golfe d’Ajaccio. A quelques kilomètres à peine, sur un flanc de montagne exposé plein sud, quelques panneaux solaires se fondent littéralement dans le paysage à l’endroit, où dans les années 80, avait pris place une centrale solaire à concentration. Un exemple d’intégration de miscellanées de capteurs thermiques, à tubes, photovoltaïques cristallin ou en couches minces mais aussi de miroirs sur trackers, placés là pour de multiples expérimentations scientifiques pour faire de l’électricité, du chaud et même du froid avec le soleil ! Parmi ce salmigondis, les 560 kWc de modules monocristallins Tenesol retiennent l’attention. Ils se fondent dans le paysage alimentent en électricité solaire un prototype appelé Myrte. Ce dernier se présente comme un essai visant à démontrer la faisabilité d’une solution de stockage de l’énergie solaire palliant la faiblesse de l’intermittence de production d’énergies renouvelables. Cet outil ultra innovant prend tout son sens dans le contexte insulaire. Les territoires soumis à ces contraintes doivent en effet produire le plus possible l’énergie qu’ils consomment et constituent de fait des lieux d’expérimentation privilégiés, un terrain propice au recours à l’innovation.

L’électricité stockée sous forme d’hydrogène

C’est ainsi que Myrte n’est pas né par hasard en Corse. En 2005, l’île a connu un hiver froid qui s’est étalé en longueur et mouvementée sur le plan électrique, entre coupures et délestages pour éviter tout black-out. Décision fut prise alors de diversifier la production et l’alimentation pour diminuer les perturbations. Une connexion avec la Sardaigne, le développement des énergies renouvelables sur l’île et des efforts en matière d’efficacité énergétique viennent compléter le rôle jusque-là surtout tenu par les centrales thermiques. Dans ce contexte et sous l’égide de l’Agence de Développement économique support du pôle de compétitivité CapEnergies, Philippe Poggi, enseignant chercheur au laboraotire Sciences Pour l’Environnement de l’Université de Corse et du CNRS en charge des plateformes de recherche et Pierre Serre-Combe, du CEA, voient là l’occasion de présenter un projet expérimental d’envergure, qui associe une centrale photovoltaïque à une chaîne hydrogène. « Dans l’idée, l’électricité produite par les panneaux photovoltaïques peut être injectée directement dans le réseau, ou stockée un temps dans des cuves après transformation en hydrogène par le biais d’un électrolyseur. Quand la puissance produite par les panneaux n’est plus suffisante, une pile à combustible prend le relais et retransforme l’hydrogène ainsi stockée en électricité » précise Philippe Poggi. CQFD !

Du laboratoire à l’expérience collective

La voie technologique est trouvée. Reste à réaliser le projet. Il ne se fera pas sans mal et mettra plusieurs années à sortir de terre, entre tortue endémique qui bloque le chantier et autres difficultés administratives. Pour faire face à l’ensemble des chausse-trappes, Philippe Poggi n’a pas ménagé ses forces et a mis toute sa force de conviction, multipliant les contacts auprès des partenaires pour mettre l’accent sur les choses concrètes que le projet apporterait au territoire en termes d’activités sociales et économiques : retombées pour le territoire, transfert technologique, énergie propre respectueuse de l’environnement, etc. Il a fait sortir la science du laboratoire pour la muer une expérience collective. Myrte sera finalement inaugurée en janvier 2012, recevra la visite de François Hollande candidat, devenu depuis président de la République et fera l’objet d’une couverture média intense et mondiale, jusqu’aux ondes de CNN. Cette année encore, plus de 400 visiteurs sont venus du monde entier appréhender cette technologie d’avenir. Myrte s’est fait un nom.

Production solaire garantie

Visite approfondie avec Guillaume Pigelet, l’un des ingénieurs au chevet de Myrte, du champ de capteurs à l’espace de stockage des cuves d’hydrogène encavés de 1,75 MWh à 35 bars pour 20 heures d’autonomie, en passant par le mur de 28 onduleurs de 17 kW chacun afin d’optimiser la fiabilité en cas d’incident technique, les cuves de stockage de chaleur (800 kWh/jour) ainsi que les électrolyseurs première et deuxième génération développés par le partenaire industriel AREVA Stockage Energie. Guillaume Pigelet effectue le pilotage du système et contrôle les moindres artefacts comme on veille sur un enfant fiévreux. Rien ne lui échappe. « Myrte répond à trois problématiques à travers trois applications possibles. La première, c’est l’écrêtage énergétique de la pointe du soir. La deuxième application peut-être le lissage de la production mais sa mise en Å“uvre est encore trop complexe. La troisième est la notion d’énergie photovoltaïque garantie. Nous l’avons expérimenté lors de l’éclipse du 20 mars dernier où nous avions anticipé une baisse de la production solaire. En déstockant du gaz, nous avons ainsi pu garantir la bonne courbe de production » analyse le jeune chercheur. Aujourd’hui, le système est éprouvé. La deuxième génération de pile ne se situe dans un local dédié en dur mais dans un container compact à la fiabilité de maintenance avérée. La prospection commerciale avait bien commencé avec une unité vendue en Allemagne. « A six mois près, nous entrions dans un cycle vertueux. La déconvenue d’Areva a changé la donne. Malgré le fort soutien financier de la Collectivité Territoriale de Corse, de l’Europe et de l’Etat, l’expérience Myrte ne connaît pas le relais politique en région que l’on aurait espéré pour assurer le déploiement sur le territoire ce type de solution Aujourd’hui, hélas, le projet demeure cantonné dans son laboratoire » déplore Philippe Poggi qui veut encore croire à l’avenir technologique et citoyen de Myrte, bien au-delà d’une simple vocation de site de tourisme industriel à la vue imprenable sur les Sanguinaires.
Encadré

Le projet Paglia Orba pour sortir de la monoculture hydrogène du stockage de Myrte

Sur ce même site expérimental, les équipes de l’Université de Corse et du CNRS, encadrées par Philippe POGGI, associées à celle du CEA finalisent pour fin novembre 2015 le développement d’un mini smart-grid. Celui-ci va alimenter des logements, des bureaux et des véhicules électriques et accueille divers types de système de stockage sur une unité de lieu : des batteries plomb, redox et ion-lithium, du stockage mécanique avec un volant d’inertie (15 kW), des micro-step hydrauliques…. Autant de nouvelles expérimentations pour ancrer l’Université de Corse et ces partenaires dans la grande quête mondiale des solutions à la variabilité de l’énergie solaire.
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