Comme chaque année, les rencontres EU PVSEC ont réuni les plus grands experts internationaux du photovoltaïque. En 2019 DualSun jouait à domicile, la conférence ayant eu lieu à Marseille à deux pas du stade Vélodrome ! Dr Laetitia Brottier y était et livre son analyse des évolutions à venir de la filière photovoltaïque. Sans concession…
L’enjeu nouveau et majeur pour la filière photovoltaïque est désormais de changer d’échelle. En 2012, dans le Top 10 des industriels du PV, les fabricants de modules affichaient à peine 1 GW de capacité. En 2017 on parlait de 10 GW par fabricants, et en 2019 on est sur plusieurs dizaines de GW.
70 à 80 TéraWatts crête de solaire photovoltaïque pour respecter la COP21
Pierre Verlinden, Prix Becquerel 2019, pour son travail remarquable de développement sur les technologies de cellules solaires et l’industrialisation du solaire, rappelle que pour atteindre les objectifs de la COP21 et contenir l’augmentation de la température moyenne de la Terre en deçà des 2 °C, c’est 70 à 80 TéraWatts crête de solaire photovoltaïque qui devraient être installés dans le monde ! Alors qu’on ne devrait atteindre le premier TéraWatts qu’en 2022, ces TéraWatts étaient ainsi sur toutes les lèvres à Marseille. Comme le soulignait Daniel Lincot de l’IPVF durant l’EU PVSEC provençal : « 10 ans après « YesPV », l’appel international signé par plus de 250 scientifiques à accélérer le photovoltaïque lancé lors du 23ème EuPVSec à Valencia est toujours d’actualité ! »
Des cellules photovoltaïques de plus en plus puissantes
La recherche photovoltaïque continue de se concentrer sur l’efficacité des cellules photovoltaïques. L’institut NREL met à jour très fréquemment les records de cellules en laboratoire. Pierre angulaire de la technologie photovoltaïque, une augmentation de la puissance des cellules permet pour la même empreinte matière d’être plus performant et donc in fine plus sobre par électron fourni. À cette nouvelle échelle du TéraWatts, l’utilisation économe tout comme le réusage des matériaux deviennent clés. Depuis les années 1980, les cellules ont bien évoluées et l’efficacité des cellules cristallines s’approche toujours plus de la limite théorique de 29,4 % définie par Shockley-Queisser avec recombinaisons d’Auger. À noter que cette limite s’applique uniquement aux cellules cristallines, mais ce type de cellules représentent aujourd’hui plus de 95 % du marché. Les cellules hétérojonctions qui allient plusieurs matériaux pour mieux exploiter le spectre solaire dépassent déjà cette limite.
De la technologie BSF au PERC
Pour ces cellules prépondérantes sur le marché, les cellules photovoltaïques cristallines, la transition Al BSF vers la technologie PERC (Passivated Emitter and Rear Contact) a été plus rapide que prévu comme le rappelait Andrea Viaro de JinkoSolar lors du forum de l’industrie solaire. ITRPV (International Technology Roadmap for PV) anticipe que la technologie Al BSF aura disparu d’ici à 2026. En 2018 elle représentait encore 55 % de la production. La différence essentielle avec le PERC par rapport à la technologie BSF est une couche de passivation à l’arrière qui, en plus de rendre le courant plus cohérent ce qui réduit les recombinaisons, réfléchit la lumière non absorbée vers la cellule pour lui donner une seconde chance d’être absorbée et de produire de l’énergie. Ces deux effets permettent plus de production d’énergie.
Contrairement à la technologie BSF où les cellules étaient majoritairement polycristallines, la grande majorité des cellules PERC sont monocristalline (type-n ou type-p). Dans le type-n les porteurs de charge ont une durée de vie plus longue, mais le type-p s’était historiquement imposé en volume — et donc en prix — car plus résistante aux applications spatiales (stabilité aux radiations hors atmosphère). ITRPV prédit une forte croissance du mono type-n dans les années à venir.
Et au-delà du PERC : vers le tandem ?
Au-delà du PERC, la technologie TOPCon (Tunnel Oxide Passivated Contact), développée par le Fraunhofer ISE, pourrait déjà être la prochaine voie pour un gain d’efficacité des cellules cristallines. Une couche mince d’oxyde et du silicium polycristallin fortement dopé sont introduits entre les contacts métalliques et le wafer afin de mieux passiver et de réduire les pertes de recombinaison au niveau des contacts métalliques et de la surface de silicium. Le contact est maintenu, car les porteurs (les électrons et les trous) peuvent passer à travers un tunnel en raison d’un phénomène quantique. Contrairement au process PERC, le métal ne pénètre pas à travers la couche de passivation, mais reste au-dessus de la couche d’oxyde. C’est avec une couche d’oxyde que l’ISFH détient aujourd’hui le record de cellule monocristalline à 26,1 %.
Comme le démontrait Armin Richter du Fraunhofer ISE en plénière de la conférence photovoltaïque EU PVSEC, pour ces cellules cristallines, autant pour le management des porteurs de charge que celui des photons, l’émetteur (p+ emitter en vert dans le schéma TOPCon) est désormais prépondérant dans les pertes, et la recherche doit se porter vers cet élément. Bien sûr d’imminents travaux se poursuivent sur les cellules hétérojonctions, et sur des ruptures technologiques avec des cellules dites émergentes notamment de type pérovskite tandem dont les progrès sont extrêmement rapides, avec une cellule record à 28,0 %.
Une histoire de busbars (BB) de 2BB Ã 6BB vers le SWCT 0BBÂ ?
À noter qu’au-delà des empilements de couches des cellules, l’industrie a beaucoup progressé dans la récolte des électrons. Les cellules ont de plus en plus de busbars ce qui permet de réduire la distance entre les busbar et donc de réduire les pertes ohmiques. Les barres sont aussi plus minces, on arrive in fine à réduire la pâte d’argent (Ag) nécessaire pour les busbars. Au-delà de 6 busbars, il convient comme le rappelait André Richter de Meyer Burger de passer à un concept sans busbar : SWCT (SmartWire Connection Technology). Des fils de cuivre enrobés d’un alliage à 50 % d’indium sont encapsulés dans un polymère et permettent ainsi moins de consommation de pâte d’argent, moins d’ombrage, et un process de connexion à plus basse température.
Les connexions alternatives par contact arrière (back contact)
Des innovations ont également été apportées pour déplacer la connectique en face arrière. En utilisant une cellule solaire mince en matériau de haute qualité, les paires électron-trou générées par la lumière absorbée à la surface avant peuvent toujours être collectées à l’arrière de la cellule. Les cellules solaires à contact arrière réduisent l’ombrage à l’avant de la cellule.
Ce fut notamment le cas pour la technologie MWT (Metal Wrap Through) où les fils à l’avant sont en contact avec des traversées métallisées qui acheminait le courant vers l’arrière. Plus récemment avec la technologie IBC (Interdigitated back contact solar cells), il n’est même plus nécessaire de laisser un espace entre les cellules. On l’aura compris, les cellules sont de plus en plus optimisées !
Vers une logique de coût de l’énergie
Mais comme Matthias Pander du Fraunhofer CSP le rappelait avec le projet de prototypage digital du panneau photovoltaïque, en théorie — si les matériaux parfaits existaient, le module solaire pourrait être plus efficace que les cellules qu’il contient par une gestion optimisée de l’optique. Néanmoins pour l’ensemble du marché photovoltaïque, ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Cependant, des bouleversements ont également lieu dans les modules, avec notamment l’émergence de modules demi-cellules pour diminuer la résistance au niveau des interconnexions : ITRPV prévoit qu’ils atteignent les 30 % du marché d’ici 2026. Julius Denafas de Solitek (fabricant de panneaux photovoltaïques) a rappelé cette transition de la question du coût (€/Wc) vers la question du coût de l’énergie sur la durée de vie (en €/kWh) — Levelized Cost of Energy (LCOE).
L’évolution vers le bificial fait partie de ces tendances plus chères, mais rentables. S’ils représentent qu’environ 10 % en 2019, ITRPV prévoit qu’ils atteignent les 50 % du marché d’ici 2026. Il a été souligné néanmoins l’importance des références pour le financement des nouveautés, quelles qu’elles soient. Plus globalement, pour Akira Terakawa de Panasonic, les modules vont être de plus en plus intégrés dans des systèmes à l’instar du BIPV VIPV EIPV (comprenez intégration pour des bâtiments, des véhicules électriques et pour l’électronique !).
Un changement d’état d’esprit à l’instar des autoconsommateurs pionniers
C’est dans cette dynamique d’intégration du bâtiment que DualSun présentait ses résultats sur la pertinence des modules duals photovoltaïque-thermiques pour réduire l’impact énergétique global du bâtiment et tendre vers le bâtiment à énergie positive. L’étude démontrait qu’avec 1,65 fois de surface de DualSun par rapport à de simples panneaux photovoltaïques, les logements pouvaient atteindre un niveau BEPOS (expérimentation E+/C— en France).
À la suite du nouveau prix Becquerel, Pierre Verlinden, il nous apparait évident que le principal obstacle pour contrer le changement climatique n’est pas d’ordre technologique — et la fulgurance de l’amélioration de l’efficacité et de la compétitivité dans le solaire le confirment. Cependant, la barrière principale est l’absence d’un changement radical d’état d’esprit. Néanmoins, de nombreux autoconsommateurs solaires pionniers nous donnent l’espoir, ils s’engagent et transforment leur habitat avec du DualSun, ils modifient leurs habitudes pour atteindre le facteur 4 à leur échelle.