La fabrique de l’Industrie : la neutralité carbone et la réindustrialisation demanderont plus d’efforts que prévu

Emmanuel Macron a annoncé en février 2022 un plan de développement des énergies renouvelables et de modernisation du parc nucléaire, qui font l’objet de deux projets de loi distincts déposés au Parlement. Ces textes sont cruciaux car pour soutenir un projet de réindustrialisation volontariste, nos besoins en électricité décarbonée seront plus élevés qu’annoncé.

Dans les prochaines années, notre consommation totale d’énergie va diminuer mais notre consommation d’électricité décarbonée va s’accroître très sensiblement. Même si le parc nucléaire est renouvelé à un rythme très soutenu (jusqu’à 14 nouveaux réacteurs EPR2 sont prévus), il devra être complété par un déploiement massif des énergies renouvelables. Cette configuration inédite, où nucléaire et renouvelables se complèteraient, réclamera de nouveaux moyens de flexibilité pour préserver l’équilibre constant entre offre et demande d’électricité.

Annonces de Belfort : des ambitions à revoir à la hausse

On sait déjà que les nouvelles capacités nucléaires annoncées ne permettront pas de compenser les fermetures en série prévues à partir de 2030. Ce qu’on sait moins, c’est que les nouvelles capacités renouvelables souhaitées par le président Macron ne suffiront pas non plus à couvrir nos besoins, surtout

dans un scénario de réindustrialisation du pays. En effet, les auteurs de l’ouvrage « Couvrir nos besoins énergétiques : 2050 se prépare aujourd’hui », anticipent une hausse de 65 % de notre consommation d’électricité d’ici 2050 (par rapport à 2019). Face à ce niveau de consommation, le mix électrique dessiné à Belfort conduirait la France à devenir importatrice nette d’électricité pour environ 80 TWh/an. A contrario, couvrir totalement nos besoins d’électricité même sous l’hypothèse la plus « nucléarisée » de 14 nouveaux EPR2, le parc éolien devra être multiplié par 5 et la capacité solaire par 14. En particulier, le rythme de déploiement du solaire doit doubler dès la décennie 2020, et quadrupler pendant la décennie 2030.

Le nucléaire, clé d’un mix énergétique économiquement supportable

Au-delà de la nécessaire couverture de ses besoins en électricité décarbonée, la France a un intérêt économique à déployer de nouvelles capacités nucléaires. Cela permettrait en effet de minimiser le coût complet du système électrique via la réduction des coûts de réseau et la préservation du solde exportateur de la France (qui ne pourra rester exportatrice d’électricité qu’avec une relance du nucléaire au maximum de l’ambition présidentielle permettant de disposer d’environ 25 GW de nouvelles capacités en 2050). Entre les deux scénarios esquissés par Emmanuel Macron, l’écart de coût en 2050 est de près de 3 milliards d’euros par an, en faveur du plus nucléarisé. Le développement du nucléaire en France permettra en outre de produire en France de l’hydrogène compétitif à l’échelle européenne.

En complément, développer les moyens de flexibilité

Dans tous les cas de figure, l’équilibre entre production et consommation passera nécessairement par le développement de moyens de flexibilité complémentaires : les interconnexions avec les pays voisins, la flexibilité de la demande et le recours au stockage de l’électricité. Les interconnexions et les solutions de flexibilité contribueront à assurer l’équilibre offre-demande, rendu plus difficile par l’intermittence des énergies renouvelables. En complément, le recours au stockage sera également indispensable. Le stockage hydraulique semble être la solution la plus intéressante à long terme d’un point de vue économique : 6 GW de capacités de STEP s’ajoutant aux 5 GW existants pourraient être déployés d’ici 2040.

Encadré

À propos de La Fabrique de l’industrie

Laboratoire d’idées, La Fabrique de l’industrie est un lieu de réflexion et de débat sur les enjeux de l’industrie et ses liens avec la société. Elle est présidée par Louis Gallois et Pierre-André de Chalendar.

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