La directive européenne CSRD entérine-t-elle la mort du Greenwashing ?

La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), directive européenne garante d’une économie écoresponsable et inclusive vient d’entrer en application en ce début d’année 2024. Cette directive non dénuée de complexités, notamment dans la remontée des data, impliquera 50 000 entreprises dans une démarche de transparence accrue en matière de développement durable. Exit le greenwashing ?  

L’Europe se veut plus verte, plus engagée que jamais dans la lutte contre les changements climatiques. Cette volonté passe désormais par la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui participe du projet politique européen visant à flécher les investissements au service d’une économie plus durable. Cette directive innovante fait partie intégrante du Green Deal européen et vise la standardisation des données rassemblées. Depuis le 1er 2024, la CSRD prolonge et étend le champ du reporting extra-financier initié en Europe en 2014 avec la NFRD (Non Financial Reporting Directive). Si la NFRD concernait plus de 10 000 entreprises, la CSRD touchera près de 50 000 sociétés. Et autant dire que les services juridiques et financiers des grands groupes sont en ébullition. Les quelques 1 200 indicateurs ESRS (data points) à renseigner dans les différentes catégories du reporting donnent déjà de violents maux de tête aux experts de la conformité au sein des entreprises.

Porter les sujets de durabilité au même niveau que l’information financière

Pour atteindre les objectifs de décarbonation que l’Union européenne s’est fixée dans le cadre du Green Deal, l’Europe s’est donc fendue d’une directive. La loi sur la CSRD a été votée fin 2022 et les actes délégués entérinés par la Commission des affaires juridiques du Parlement européen fin juillet 2023. Le but du Parlement européen était de définir des normes européennes en matière de durabilité pour les entreprises sur les critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance). Objectif à terme : porter les sujets de durabilité au même niveau que l’information financière. Avec l’harmonisation des standards du reporting extra-financier, les entreprises deviennent comparables entre elles et devront rechercher de bonnes pratiques sectorielles. La standardisation comme moyen d’objectivation de l’impact des entreprises. De quoi transformer les modèles d’affaires des entreprises dans la transition et permettre à l’Europe d’atteindre son objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050.

Un calendrier progressif

Le calendrier de déploiement de cette directive se fera progressivement en élargissant les cibles au fil du temps. Ceci sur la base des seuils d’application suivants, issus de la directive comptable et tenant compte de la révision en cours initiée par la Commission européenne :

  • En 2025 (données 2024). Les entreprises déjà concernées par la NFRD, soit les entités d’intérêt public de +500 salariés en moyenne, 25 M€ de total bilan ou 50 M€ de chiffre d’affaires
  • En 2026 (données 2025). Les entreprises qui dépassent 2 des 3 critères suivants, à savoir +250 salariés en moyenne, 25 M€ de bilan ou 50 M€ de chiffre d’affaires.
  • En 2027 (données 2026). Les PME cotées sur un marché de l’UE avec 10 à 250 salariés et 700k€ de chiffre d’affaires ou 350k€ de bilan. Celles-ci auront néanmoins la possibilité de différer leur obligation de reporting pendant 3 ans avec un standard allégé.

Ce calendrier évolutif embarquera assez rapidement, par capillarité, les PME de moins de 250 salariés qui s’inscrivent dans une chaîne de valeur où des acteurs seront directement concernés. Par ailleurs, la directive s’appliquera dès 2029 (données 2028) aux entreprises non européennes.

La double matérialité va tout changer

En matière de durabilité, la matérialité simple entendue sous l’angle financier est la seule utilisée en matière de reporting RSE. Elle permet de hiérarchiser les enjeux RSE en fonction de leur pertinence et de leur importance pour l’entreprise, mais également d’en évaluer l’impact sur la performance économique de l’entreprise. Cette vision est toutefois uniquement financière. Ainsi, émettre plus de gaz à effet de serre (GES) n’a pas d’impact significatif sur les comptes d’une entreprise. Cet impact environnemental n’est donc pas « comptabilisé ». L’entreprise n’est ainsi redevable qu’auprès de ses actionnaires et non envers l’ensemble de la société. La double matérialité ou matérialité socio-environnementale va mesurer les impacts (positifs ou négatifs) de l’entreprise sur l’environnement et la société, dans une logique Inside-out. Dans ce cadre, l’entreprise est donc considérée en interaction avec son environnement global (économique, social ou naturel). Ces nouveaux indicateurs visent donc à orienter des choix stratégiques dans les chaînes de valeur des entreprises. Cela aura notamment un impact sur la fonction Achats qui devra opérer des choix en sélectionnant les fournisseurs les plus vertueux. Ainsi, à performance égale, les meilleures performances ESG d’une entreprise permettront d’arbitrer des achats plus responsables. Et ce pour autant la fin du Greenwashing en Europe ? Il faudra pour cela que les entreprises s’approprient pleinement cette nouvelle et contraignante directive dans l’optique d’un marché plus juste et respectueux du climat.

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