La batterie de Tesla est 2 à 2,5 fois meilleure marché que la concurrence par Olivier Danielo, journaliste énergie

Avec une batterie Tesla Energy, le surcoût du stockage n’est, selon la Deutsche Bank, que de 6,4 c€ par kWh photovoltaïque ! Vers un mai 68 de l’énergie ? Giles Parkinson, journaliste australien spécialisé en finance des systèmes à base d’énergies renouvelables, rapporte sur le site RenewEconomy (l’un des meilleurs sites d’information à l’échelle mondiale dans le domaine des écotechnologies énergétiques avec GreentechMedia) l’analyse de la Deutsche Bank : selon la banque allemande la tarification de Tesla Energy, 3500 dollars américains pour une batterie de 10 kWh, est entre 2 et 2,5 fois inférieure à celle observée jusqu’à présent dans l’industrie (entre $1000 et $1250 par kWh de stockage).

En tenant compte des frais d’installation et divers, on passe à 5000$ tout compris. Selon la Deutsche Bank ces 500$/kWh de stockage correspondent a un coût incrémental d’environ +7 cents (+6,4 c€) par kWh solaire. Une analyse qui colle parfaitement avec ce qu’a déclaré Peter Rive, PDG de SolarCity. Toute la production solaire ne passe pas par la batterie: une partie est bien entendu consommée en direct. Il convient donc d’intégrer cette réalité pour calculer le coût incrémental du stockage par kWh phototovoltaïque (ce qu’oublient de faire certains analystes).

Une méta-étude récente publiée dans la revue scientifique Nature, et dont Techniques de l’ingénieur a fait écho, montrait déjà l’avance prise par Tesla sur ses concurrents. A noter que Tesla Energy n’a pas révélé le coût de la grande batterie de 100 kWh qui a été configurée pour des projets pouvant dépasser 1 GWh. Tesla, avant même le lancement commercial des produits, a déjà enregistré un contrat de 250 MWh. Il est fort probable que le coût du kWh de stockage pour ce type de projet à grande échelle soit bien inférieur aux 500$/kWh sus-mentionnés. Le prix sera négocié au cas par cas selon la configuration de chaque projet.

La jeune scientifique Danielle Fong, soutenue par le géant français Total et par le milliardaire Bill Gates pour son nouveau système de stockage à base d’air comprimé et qui était admirée par Christophe de Margerie, est fair-play : « Voici le communiqué officiel de LightSail Energy à propos de Tesla Energy: 1. Merveilleux et bienvenue 2. Cela change le jeu 3. Nous sommes prêts. Game On! ». Hard game on…
Un énorme potentiel immédiat en Australie et à Hawaï

Dans le cas australien, où le kWh solaire résidentiel coûte environ 13 US cents par kWh (11,8 c€), le système complet solaire+stockage Tesla coûte 13+7 = 20 cents par kWh (contre 13+15 = 28 avec les systèmes concurrents). Or l’électricité du réseau australien est vendue à 30 cents ! C’est donc un gigantesque marché qui s’ouvre pour Tesla Energy, raison pour laquelle Elon Musk a décidé d’investir massivement (5 millliards de dollars) dans une énorme usine (« Gigafactory) produisant des batteries dans le Nevada, juste à côté de la Californie.

Le coût du transport et de la distribution de l’électricité coûte très cher en Australie, énorme île-continent où l’habitat est dispersé, ce qui implique de longues (et coûteuses) lignes électriques. De plus l’insolation est excellente toute l’année sur cette île traversée par le tropique du capricorne.

On peut donc s’attendre à un phénomène massif de « load defection » (analysé notamment par le Rocky Mountain Institute, RMI, Colorado) au pays des kangourous, c’est-à-dire de clients qui soit réduisent massivement leur demande d’électricité provenant du réseau, soit qui le quittent complètement. Dans les deux cas les conséquences seront tragiques pour les utilities. Et toute tentative d’augmentation du prix de l’électricité du réseau pour compenser les pertesaura pour effet d’accélérer les envies d’émancipation des clients jusqu’à ce qu’ils se coupent complètement du réseau ! Selon le RMI le même phénomène va se produire immédiatement sur les îles d’Hawaï. Puis d’ici quelques années en Californie et dans d’autres états américains. L’Allemagne est aussi concernée.
Un mécanisme qualifié par les analystes de « death spiral ». Une spirale de la mort, qui est un excellent processus dans la perspective du développement durable. Les vieux monopolistes de l’énergie ont du souci à se faire. L’objectif d’Elon Musk, le serial entrepreneur à succès, est clair : « Nous parlons à l’échelle du térawatt (million de mégawatts ndlr). L’objectif est une transformation complète de l’ensemble de l’infrastructure énergétique mondiale »
« Tourne ton visage vers le soleil, et tu laisseras l’ombre derrière toi » (proverbe africain)
Comme le souligne à très juste titre Elon Musk un énorme marché s’ouvre également auprès des 1,3 milliards d’êtres Humains (selon l’AIE) qui n’ont pas accès à l’électricité : ces personnes habitent souvent dans des régions reculées et les moyens financiers manquent pour construire les longues lignes électriques.

Un marché s’ouvre aussi pour tous ceux qui habitent sur des îles non connectées au continent où l’électricité est produite à partir de générateurs diesel, ce qui est très coûteux. En France métropolitaine, sur l’île de Sein, en face de la pointe du Raz, le kWh électrique est à 35 c€. Ce sont l’ensemble des français qui financent par le biais de la péréquation tarifaire. Au final le surcoût est dilué, mais cela reste néanmoins du gaspillage. IDSE se bat depuis des années pour changer les choses mais EDF bloque le processus.
Dans certaines régions du monde, comme par exemple certaines régions reculées du Tibet, le prix du kWh électrique dépasse même les 200 centimes ! Transporter les bidons de diesel en pleine montagne est en effet très pénible. Sur le continent Africain, où le réseau routier est parfois en très mauvais état, il n’est pas rare d’avoir le kWh à plus de 30 centimes. Ceci alors que le continent est baigné de soleil ! Une situation qui fait réagir Jean-Louis Borloo.

Et en France ?
La vague solaire + stockage va d’abord concerner des régions comme l’Australie, Hawaï et l’Allemagne. Mais dans le moyen-terme la France ne sera pas épargnée. Les particuliers payent actuellement 14,7 c€ TTC pour l’électricité du réseau qui est à 90% nucléaire + grand hydro. Or une partie de la population française n’apprécie par l’énergie atomique et aimerait s’en émanciper.

Le tiers du tarif français (environ 4,8 c€/KWh) porte sur le transport et la distribution de l’électricité. Un autre tiers porte sur les taxes. Concernant le coût de la production-fourniture EDF se voit imposé par l’état de vendre son électricité à un niveau inférieur au coût de production, c’est-à-dire à perte ! EDF compense par la vente de services mais ne cesse demander à l’état de revaloriser les tarifs règlementés. La cour des compte estime le coût de production du nucléaire ancien (au capital déjà amorti) à 5,98 c€/kWh. Soit bien davantage (+43%) que les 4,2 c€ de l’Arenh (« Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique »). La vente directement sur le marché n’est guère plus réjouissante pour EDF : la concurrence du solaro-éolien conduit à la baisse des prix sur un marché en surcapacités.

Enfin le tarif d’achat demandé par EDF en Grande-Bretagne pour le nucléaire de génération 3 (EPR), 92,5 livres (12,6 c€), est un indice intéressant concernant le coût de production de cette nouvelle filière nucléaire. A Bordeaux un contrat de grand solaire PV (300 MW) a été signé à 10,4 c€ dans le cadre d’un appel d’offre. Ce tarif est en réalité très généreux. En Allemagne des contrats portant sur du grand solaire PV ont été signés à 9,17 c€/kWh. Avec l’insolation de Toulon, supérieure à celles de Bordeaux et de l’Allemagne, il est possible de produire dès à présent un kWh solaire au sol à moins de 8 c€.

Vers un mai 68 de l’énergie ?

En France le tarif solaire PV dit « T4 » (en toiture) est aujourd’hui à 13,95 centimes d’euro par kWh pour les installations de 0 à 36 kW et à 13,25 c€/kWh pour les installations de 36 à 100 kW. Si on ajoute le coût du stockage par batterie Tesla Energy, cela fait 13,25+6,4 = 18,65 c€/kWh. Il est intéressant de comparer ce coût au kWh EPR + transport-distribution : 12,6 + 4,8 = 17,4 c€/kWh HT. Produire, stocker et consommer localement son électricité solaire a ainsi aujourd’hui un coût équivalent à consommer de l’électricité nucléaire EPR générée à des dizaines ou centaines de kilomètres du lieu de consommation, et à partir d’uranium importé de l’étranger.

Les coûts du solaire PV et du stockage baissent de manière rapide. La dynamique est même impressionnante. Le prix de l’électricité réseau va à l’inverse augmenter : EDF doit en effet investir 110 milliards d’euros durant les années à venir selon la cour des comptes pour pouvoir prolonger la durée de vie des anciens réacteurs en place. Selon les experts on peut s’attendre à une hausse de +5% par an du prix de l’électricité jusqu’à 2020. L’attractivité du solaire + stockage s’en trouvera bien évidement renforcée. Pas étonnant dans ce contexte que la valorisation boursière d’Areva et d’EDF, dont le business-model repose essentiellement sur une approche hyper-centralisée, soit en baisse.

Tous les ingrédients sont là pour une véritable révolution énergétique à l’échelle mondiale, situation comparée en Belgique à un « mai 68 de l’énergie» par des experts de l’électricité. Le mot révolution n’est pas exagéré. Pour John Schellnhuber, directeur du Potsdam Institute for Climate Impact Research, « les énergies renouvelables constituent la quintessence de l’énergie démocratique. Mon conseil est d’investir tout ce que nous avons dans un système énergétique intelligent et durable, en dépit de la crise financière. Et presque comme un effet secondaire, nous résoudrons alors la crise climatique ».

« Nous avons un superbe réacteur nucléaire qui marche parfaitement: le Soleil » a rappelé Elon Musk lors de sa conférence du 30 avril 2015 qui fera date selon Alain Joffre, le président d’Enerplan, l’association professionnelle de l’énergie solaire en France. Et cette énergie est distribuée partout sur terre via le rayonnement électro-magnétique de notre étoile. Le réseau de transport-distribution est déjà en place ! L’avion Solar Impulse va décoller de Chine à destination d’Hawaï d’ici quelque jours. Bertrand Piccard l’explique avec beaucoup de talent: « Solar Impulse n’est pas un avion. C’est un message : toutes les technologies que nous avons à bord peuvent être utilisées dans la vie de tous les jours ».
Plus d’infos…

Cet article est publié dans Actualités. Ajouter aux favoris.

Les commentaires sont fermés