L’Afrique affiche aujourd’hui le plus faible taux d’accès à l’électricité au monde : seule 60 % de sa population est connectée au réseau, un chiffre qui tombe à 50 % en Afrique subsaharienne. Pourtant, le continent regorge d’un potentiel inexploité considérable dans les énergies renouvelables : solaire, éolien, hydroélectricité, géothermie, ou encore stockage par batteries. Malgré ce constat, les investissements dans le secteur énergétique africain ont ralenti ces dernières années. E-CUBE Strategy Consultants vous explique pourquoi via une étude richement détaillée !
Sur le continent africain, les investisseurs internationaux des EnR se sont en partie retirés, freinés par une perception de risques élevés, d’instabilité politique et de défis macroéconomiques. Les fonds d’infrastructure et de private equity issus de l’OCDE se recentrent sur leurs marchés domestiques, tandis que les grands énergéticiens (Engie, Enel, EDF…) concentrent désormais leurs efforts sur trois marchés africains jugés plus matures : Afrique du Sud, Égypte et Maroc. Dans le même temps, plusieurs producteurs indépendants d’électricité européens (Akuo, Neoen, GreenYellow…) cherchent à se désengager du continent pour se recentrer sur des marchés plus dynamiques à très court terme.
Aujourd’hui, l’Afrique s’appuie principalement sur un nombre restreint d’acteurs de long terme : institutions de financement du développement (IFD), grands groupes comme TotalEnergies, Schneider Electric, Lafarge-Holcim, Volkswagen, quelques fonds régionaux et plateformes locales. Pourtant, cette transformation du paysage ouvre une fenêtre d’opportunité pour des investisseurs à vision long terme. Le réengagement des IFD en faveur des énergies renouvelables, l’émergence de nouvelles technologies et des plans nationaux ambitieux dessinent les contours d’un renouveau du marché. À ce jour, seuls 67 GW de capacités renouvelables ont été installés sur tout le continent – soit à peine 1 % de son potentiel, concentré majoritairement en Afrique du Nord et en Afrique du Sud. Dans cette étude, E-CUBE Strategy Consultants analyse les défis et opportunités clés du secteur des énergies renouvelables en Afrique, en identifiant les points d’entrée stratégiques pour les investisseurs souhaitant s’imposer comme des acteurs de référence dans la transition énergétique africaine.
La production d’énergies renouvelables en Afrique représente un vaste potentiel de marché
L’hydroélectricité reste la principale source renouvelable du continent, avec un potentiel de 630 GW – dont seulement 6 % sont aujourd’hui exploités. Si les grands projets comme le barrage de Mambilla au Nigeria (3 GW) nécessitent des investissements colossaux, les petites installations (< 50 MW), notamment en Afrique centrale et orientale, offrent des opportunités plus agiles. Le solaire, au potentiel quasi illimité grâce à un ensoleillement parmi les plus élevés au monde, reste sous-développé avec seulement 15 GW installés sur 7 900 GW. L’éolien est également sous-développé : 9 GW installés pour un potentiel de 441 GW. La géothermie, concentrée dans la vallée du Rift (Éthiopie, Kenya), présente un fort potentiel malgré des coûts d’amorçage élevés. Quant à la biomasse, elle émerge, principalement en Afrique de l’Est et australe, avec 1 GW installé.
Face à l’instabilité du réseau électrique, les solutions de flexibilité (centrales à gaz, pompage-turbinage, batteries, géothermie) sont essentielles. L’Afrique du Sud mène le déploiement des batteries (500 MWh installés). Les investissements se concentrent sur les projets à grande échelle, les solutions pour les industriels (C&I) et les mini-réseaux / systèmes domestiques. Des acteurs comme Starsight Energy ou Solarise Africa se développent rapidement, tout comme les industries minières et cimentières qui cherchent à décarboner.
Alors que l’Afrique accélère sa transition énergétique, les développeurs explorent des projets financés par fonds propres pour accélérer le déploiement. Avec les bonnes stratégies d’investissement, l’Afrique offre une opportunité à long terme pour les acteurs des énergies renouvelables cherchant à s’établir sur l’un des marchés énergétiques les plus prometteurs au monde.
L’Afrique est un environnement d’investissement complexe et risqué
L’Afrique présente des opportunités majeures dans les énergies renouvelables, mais les défis perçus sont nombreux : instabilité politique, volatilité macroéconomique, incertitudes réglementaires… L’Afrique reste l’une des régions les moins stables du monde, et les conflits ou coups d’État récents ont érodé la confiance des investisseurs. Beaucoup ne s’engagent qu’avec une assurance-risque politique, souvent via l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA) du Groupe Banque mondiale. Le contexte macro s’est durci (post-COVID, inflation), entraînant une volatilité monétaire et des marchés de capitaux locaux peu matures.
Sur le plan réglementaire, le cadre varie d’une région à l’autre et seuls quelques pays (Égypte, Maroc, Afrique du Sud) disposent de cadres solides. Ailleurs, en Afrique subsaharienne notamment, la négociation de gré à gré avec les États reste la norme. La fragilité financière des opérateurs publics rend les garanties d’État plus difficiles à obtenir. Le réseau électrique reste peu fiable, avec de nombreuses coupures et des retards dans les projets, comme le Rufiji Dam en Tanzanie (2,1 GW) renforçant les incertitudes des investisseurs.
Les coûts du capital sont quasiment deux fois plus élevés qu’en Europe, et les délais de mise en œuvre peuvent dépasser 5 ans. Pour lever ces freins, il faut renforcer les cadres réglementaires, fiabiliser les réseaux et mieux gérer les risques politiques.
Les investissements dans le secteur de l’énergie en Afrique ont ralenti au cours de la dernière décennie
Les investissements dans le secteur de l’énergie en Afrique ont diminué, car ses principaux acteurs (les IFD, les fonds de PE et les industriels internationaux) ont perdu leur enthousiasme. Pourtant, les IFD demeurent essentiel dans le financement des énergies propres, avec des financements de long terme (10 à 12 milliards USD/an). Ces institutions déplacent de plus en plus leur attention des combustibles fossiles vers des projets d’énergie propre. De leur côté, les fonds comme Actis ou Meridiam diversifient leurs portefeuilles avec de nouveaux marchés et secteurs émergents. Plusieurs producteurs indépendants peinent à céder leurs actifs, ce qui ralentit les sorties. Quelques plateformes régionales comme Eranove, Globeleq ou Lekela prennent le relais et sont devenus des acteurs clés. Des entreprises du Golfe (Masdar, AMEA Power…) investissent massivement dans l’éolien et le solaire. Quant à la Chine, elle a réduit ses investissements depuis 2016, mais a tout de même promis 50 milliards USD pour les énergies propres en Afrique en 2024, en plus des investissements dans les combustibles fossiles.
Une fenêtre d’opportunité s’ouvre dès à présent pour les pionniers dotés d’une vision à long terme
Bien que des investissements massifs soient attendus à moyen terme en Afrique subsaharienne, une fenêtre d’opportunité s’ouvre dès à présent pour les pionniers dotés d’une vision à long terme. Le continent africain présente un potentiel considérable pour les énergies renouvelables avec des financements qui vont fortement croître dans la prochaine décennie. Les sources privées, ainsi que les IFIs, joueront un rôle majeur dans le financement des projets d’énergie renouvelable. Le retrait des grands investisseurs OCDE d’Afrique subsaharienne a ouvert des opportunités stratégiques, notamment via l’acquisition d’actifs opérationnels ou de portefeuilles en développement, permettant aux investisseurs de se positionner sur de nouveaux marchés. La réussite dans les marchés naissants pourrait positionner les investisseurs comme des producteurs d’énergie clés, facilitant ainsi leur croissance à long terme.
Les fonds fermés rencontrent des difficultés pour sortir de leurs investissements en raison du ralentissement actuel, ce qui fait de l’Afrique un marché favorable pour les acheteurs. Les développeurs locaux, soutenus par des fonds fermés, recherchent des capitaux à long terme pour financer leur croissance, offrant ainsi des opportunités pour les investisseurs stratégiques. Le nouvel accent mis par les institutions de financement du développement (DFI) sur les énergies renouvelables devrait entraîner un financement accru, notamment pour la dette dans les projets d’énergie propre, et se répercuter sur les fonds de capital-investissement et d’infrastructure. L’Afrique subsaharienne reste dynamique, avec des pays adoptant des réglementations favorables et planifiant des initiatives en matière d’énergie propre. Une position stratégique dans les principaux marchés de l’Afrique subsaharienne pourrait désormais permettre de garantir une présence à long terme dans un secteur de l’énergie renouvelable en pleine croissance en Afrique.
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