Interview/Philippe Saurel : « Il est temps de passer la vitesse supérieure en termes de solaire »

Maire divers gauche de Montpellier et président de la métropole éponyme, l’écolo humaniste Philippe Saurel prône une métropole solaire. Quand la quête d’une certaine forme d’autonomie fait les hommes libres

Plein Soleil : Philippe Saurel, on vous a entendu maintes fois évoquer le slogan Montpellier Métropole Solaire. Que justifie une telle signature et d’où émane-t-elle ?
Philippe Saurel : En fait, cette signature « Montpellier, Métropole Solaire » s’inspire d’une déclaration faite à l’occasion d’un déplacement présidentiel en Inde sur la notion de France solaire. J’ai donc repris cette terminologie pour la métropole de Montpellier, ville de soleil méditerranéenne, pour laquelle il est temps de passer à la vitesse supérieure en matière de solaire. Et nous ne sommes pas en avance.

« Intégrer le solaire dans toutes nos réflexions urbanistiques et architecturales »

Plein Soleil : Quelle est justement votre stratégie en matière d’énergie solaire, notamment autour de l’équipement des bâtiments municipaux?
Philippe Saurel : En fait, cette notion de solaire puise ses fondements dans des temps anciens, lorsque j’étais adjoint à l’urbanisme. J’avais déjà effectué des recherches pour intégrer le solaire dans toutes nos réflexions urbanistiques et architecturales et cela même dans le volet des ZAC dès 2005. Via des dizaines de comités de pilotage, nous avons aussi organisé une réflexion transversale pour implanter du solaire partout sur les bâtiments publics, dans les anciennes décharges comme à Cournonsec (6 ha) ou sur les parkings, des terrains déjà artificialisés où les ombrières solaires protègent à la fois du soleil et de la pluie. Tous les nouveaux bâtiments construits par la Métropole depuis 2007 sont ainsi pourvus d’énergie renouvelable pour en faire bénéficier l’ensemble de la communauté par les économies de fonctionnement générées. Nous avons équipé le stade Yves du Manoir, l’aquarium Mare Nostrum, le Conservatoire, des gymnases, des médiathèques, des piscines avec à la fois du solaire photovoltaïque et thermique. C’est aussi par exemple le cas de la mairie inaugurée en 2011 où je vous reçois aujourd’hui. Elle est coiffée par 2 000 panneaux solaires photovoltaïques qui couvrent un tiers de la consommation du bâtiment. La Ville de Montpellier construit aussi toutes ses écoles en BePOS, bâtiment à énergie positive. J’ai même été honoré et primé comme éco maire exemplaire par Ségolène Royal lorsqu’elle était ministre de l’écologie.

Plein Soleil : Vous venez également d’inaugurer les Halles Laissac, un projet architectural remarquable en cÅ“ur de ville couvert de panneaux solaires.
Philippe Saurel : La toiture des Halles Laissac est en effet recouverte d’une galette de panneaux photovoltaïques permettant de concilier les exigences de la transition énergétique avec l’architecture historique de l’Écusson, et ce après concertation avec les habitants du quartier. Fabriqués sur-mesure pour répondre aux contraintes esthétiques du bâtiment de type Baltard fait de métal et de verre, ces panneaux photovoltaïques ont obtenu l’aval de l’architecte des Bâtiments de France avec lequel nous sommes en constante discussion sur ce sujet du solaire. Sur le secteur sauvegardé, nous coopérons avec l’ABF pour imposer le photovoltaïque tant qu’on le peut sur les bâtiments sans pour autant dégrader la cinquième façade. Et c’est vraiment le cas pour les Halles Laissac. Divisée en 18 secteurs, les modules photovoltaïques trapézoïdaux recouvrant le toit du bâtiment sont disposés de façon radiale autour de l’axe central des halles. Le générateur solaire photovoltaïque d’une puissance d’environ 62,8Kwc intègre des cellules de dernière génération. Ce générateur assurera une production de 84 000 kWh/an, soit l’équivalent de cinq fois la consommation électrique* des halles Laissac. Une belle réalisation bien intégrée dans le patrimoine.

Plein Soleil : Quel est votre point de vue sur l’implantation des centrales au sol ?
Philippe Saurel : Sur ce point, nous avons beaucoup échangé avec la SAFER qui a fixé des limites au développement des centrales au sol, ce que je trouve assez judicieux. Je soutiens le développement des champs solaires mais pas sur des terres arables ou alors à travers des projets agri-voltaïques que nous aimerions voir se développer. Nous sommes en train de bâtir le ScoT de la métropole pour début 2019 autour d’une philosophie de base : conserver deux tiers de surfaces agricoles et n’en dédier qu’un tiers à la densification urbaine, sachant que nous accueillons chaque année 8 000 personnes de plus au sein de Montpellier Méditerranée Métropole désormais. Montpellier est ainsi devenue la septième ville de France devant Strasbourg. Nous mettons des limites à l’urbanisation avec l’idée que dans les 50 ans à venir l’agriculture locale apportera l’alimentation pour la population dans une logique de circuits courts. Pour ce faire, nous travaillons même sur un pôle métropolitain élargi à 55 communautés de communes sur six départements soit jusqu’au sud de l’Aveyron via le Parlement des Territoires. Une façon aussi d’intégrer les massifs forestiers et la biomasse dans notre politique énergétique.

« J’aime l’esprit de l’autoconsommation collective »

Plein Soleil : Vous accueillez sur votre territoire de nombreuses entreprises du solaire, ce qui fait de Montpellier Méditerranée Métropole la capitale française voire européenne des développeurs du photovoltaïque. Ces implantations sont historiques mais pas que ?
Philippe Saurel : En effet, la Métropole de Montpellier est la plus attractive sur le plan national, là où il se crée le plus d’emplois en France. Nous avons enfourché le cheval rapide de la French Tech sur de nombreuses thématiques proposées par l’Etat. Nous avons exploré toutes les niches possibles et notamment les énergies renouvelables. Montpellier est numéro un au classement de Shangaï sur le thème de l’écologie avec 7000 chercheurs et deuxième incubateur mondial d’entreprise derrière Berlin et devant Rio. A Montpellier, nous assistons les entreprises de la première idée à la cotation en bourse. Et avec 70 000 étudiants, Montpellier est bien placée pour être pourvoyeuse de matière grise aux entreprises. La ressource est là pour les entreprises du solaire.

Plein Soleil : L’autoconsommation solaire, pour les particuliers et en collectif, commence à se développer. Quel est votre point de vue sur le sujet ?
Philippe Saurel : Je suis très favorable à l’autoconsommation pour les particuliers ou en collectif. C’est bien dans l’esprit de la République de Montpellier et de la ville autonome. On n’a rien inventé. On en revient au principe du familistère de Guise, de Godin où l’on se servait de l’eau chaude de récupération pour sécher le linge de tous. On y partageait l’énergie comme dans le cas de l’autoconsommation solaire collective aujourd’hui. J’aime cette idée qui nous pousse aussi à soutenir les projets citoyens de financement participatif d’installation photovoltaïque.
*Consommation donnée à titre prévisionnel, hors consommation liée aux étaliers et hors rafraîchissement. L’énergie produite par le bâtiment est entièrement revendue à EDF.

Encadré
Montpellier, Métropole Solaire d’innovations

Montpellier Méditerranée Métropole se positionne pour devenir un territoire de l’expérimentation et de l’innovation solaire, pour démultiplier cette production autour d’un programme ambitieux :
- lancer des appels à projets basés sur l’innovation et l’expérimentation,
- tester les espaces publics solaires,
- expérimenter les recharges de véhicules électriques par énergie solaire,
- promouvoir l’autoconsommation collective,
- être un terrain de jeu pour tester les dispositifs novateurs élaborés par les startups du territoire.

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