L’actualité autour de l’énergie solaire bât son plein, entre concertation au sujet de la future PPE, les projets de gigafactories sur le territoire ou encore les polémiques quant à son acceptabilité. A quelques jours du salon Energaia qui retrouve son exceptionnelle  dynamique de la fin des années 2000, Daniel Bour, le président d’Enerplan balaie l’ensemble de ces sujets. Et d’autres encore. Sans concession !
Plein Soleil : La concertation autour de la future PPE est en cours. Quelle est la position d’Enerplan sur le sujet ?
Daniel Bour : Le gouvernement propose notre fourchette basse. Certes, nous aurions pu espérer un peu plus de volume, et atteindre les 7 GW par an. Nous sommes en capacité de l’absorber. Il n’en est pas moins vrai que dans cette PPE, la courbe marque une inflexion importante à la hausse. C’est un très bon point. Reste à travailler sur les équilibres entre le sol, « le solaire compétitif » et la toiture avec l’autoconsommation avec vente de surplus jusqu’à 250 kW, entre guichet et pas guichet. Nous sommes favorables à conserver cet équilibre. En 2023, le sol ne pesait que 30 à 35% du volume, raccordé dans l’année, contre 65 à 70% pour les toitures en autoconsommation, mais en cumul le sol est majoritaire. Aujourd’hui, et ce sera encore plus vrai en 2025, la situation se rééquilibre entre sol et toiture avec le rythme des appels d’offres qui augmente, et avec l’arrivée progressive de l’agrivoltaïsme. Après je n’oublie pas que c’est le parlement qui doit valider tout cela. Nous sommes très vigilants vis-à -vis du parlement où tout est très complexe actuellement. Reste le 49.3 en dernier recours…
« L’effacement d’accord mais le stockage et le lissage d’abord… » Â
PS : Quels sont les points négligés par cette PPE qui concernent les EnR ?
DB : Nous regrettons qu’il n’y ait pas d’objectifs clairs et marqués sur le stockage qui est un élément clé par rapport à l’intermittence des énergies renouvelables. Cela manque cruellement. Nous aimerions également voir émerger une vraie réflexion sur le lissage avec l’usage de trackers ou des orientations est-ouest afin de mieux répartir la production sur la journée pour atténuer le pic de midi. Nous devons éviter le plus possible les prix négatifs qui donnent un mauvais signal. Le gouvernement met avant l’effacement de production qui est dangereux à terme. L’effacement d’accord mais le stockage et le lissage d’abord…
PS : La clé n’est-elle pas la compétitivité du solaire ?
DB : Vous avez raison. La justification du solaire passera par sa compétitivité. Les EnR doivent montrer leur rentabilité et leur compétitivité par rapport au nouveau nucléaire. Nous devons atteindre les 60 € le MWh assez vite dans le temps. Nous les avons déjà atteints, avant le Covid mais nous devons aujourd’hui faire face à de nouvelles difficultés. La première est très certainement le prix de l’argent qui a beaucoup grimpé. Les raccordements deviennent également de plus en plus chers. Par ailleurs malgré la loi d’accélération, le permitting s’aggrave, loin de toute simplification. C’est un gros sujet. Il n’est pas normal que nous demeurions les champions d’Europe de la lenteur. Tout cela mit bout à bout nuit à la compétitivité du solaire qui demeure quand même à un prix attractif à savoir 79,28 € le MWh pour les derniers appels d’offres CRE pour les centrales au sol.
« Ces oukases sur la biodiversité sont insupportables »
PS : Récemment une tribune anti solaire est parue dans Libération signée par personnalités qui luttent contre les changements climatiques. Quel est votre point de vue ?
DB : L’acceptabilité du solaire est là aussi un vrai sujet. Franchement, je vais vous dire, cette tribune est incompréhensible. Le Solaire est de loin la source d’Energie préférée des Français. Les signataires ont agi en idéologues. Ils dénigrent les électrons solaires, sur aucune base scientifique. Ils veulent quoi ? Plus de gaz, plus de charbon allemand. Les chiffres annoncés dans cette tribune sont aberrants. Ils parlent de 150 000 hectares là où les besoins n’excèdent pas 50 000 hectares en 2035. Qui plus est, nous sommes le pays d’Europe le plus étendu et il n’y a qu’ici en France qu’existent ces problèmes avec la biodiversité autour de l’énergie solaire. Alors certes au départ la création d’une centrale est invasive comme tout chantier peut l’être. Mais la biodiversité revient au fur et à mesure. Des études le montrent sur des centrales qui ont déjà quelques années. Tout revient. Sur chaque projet, les développeurs s’assurent que le territoire suit et que l’intégration dans le paysage soit une réussite. Ces oukases sur la biodiversité sont insupportables. Le sujet mérite des discussions sérieuses. J’invite nos détracteurs à venir discuter avec nous pour mettre en place des vrais instruments de mesure. A l’inverse j’exhorte tous les opérateurs à rester très attentifs à l’acceptabilité de leurs projets, notamment pour les très grandes centrales au sol.
PS :  Enerplan soutient les démarches d’une réindustrialisation de la France en matière de photovoltaïque. Quels sont les leviers à activer pour accélérer le processus et le rendre concret ?
DB : Dans un premier temps, je reconnais que nous avons besoin des fabricants chinois sans lesquels le solaire n’aurait connu un tel essor mondial. Nous leur sommes reconnaissants des progrès technologiques et surtout des prix obtenus. Mais il existe une vraie problématique de souveraineté industrielle. Et nous devons être ambitieux. A ce titre, nous soutenons avec vigueur les deux projets de gigafactory de CARBON et d’Holosolis. Nous poussons aussi les développeurs à se rapprocher de ces projets. Il est d’ailleurs urgent de se réapproprier et de réactiver le Pacte Solaire, de lui redonner du tonus par des actions simples et ciblées dans une alliance à trois entre les industriels, les développeurs et l’Etat. Nous devons viser les 50% de panneaux d’origine européenne pour nos projets. J’aime cette idée d’équilibre à 50%. Last but not least, la solution ne peut-être qu’européenne. Et là aussi, nous devons être plus unis en Europe sur ces sujets, pour trouver un accord avec la Chine, en restant ferme sur ce but.
« Rien ne pourra pas se faire durablement sans l’instauration d’une vraie taxe carbone »
PS : Que vous inspire l’élection de Donald Trump et la COP 29 à Bakou ?
DB : C’est un rappel pour nous dire que les fossiles sont encore de loin très majoritaires et qu’elles ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Nous devons planifier leur diminution de manière réaliste sans incantation. Mais cela ne pourra pas se faire sans l’instauration d’une vraie taxe carbone. Elle permettra d’ailleurs à nos industriels d’être compétitifs face à des concurrents dont le mix énergétique est très carboné. Là aussi, l’Europe doit peser de tout son poids.
PS : Un dernier mot sur cette révolution solaire en cours ?
DB : Je trouve le phénomène de l’autoconsommation très intéressant. Cette énergie produite et consommée en circuit-court induit des comportements très positifs notamment vis-à -vis des consommations énergétiques. La majorité des gens s’approprie le concept. Les consomm’acteurs sont plus attentifs à leur gestion de l’énergie, à certaines heures plutôt qu’à d’autres. Cela crée une démarche vertueuse. C’est aussi cela l’intérêt d’une énergie verte de proximité…