Interview Olivier Godin : « Face à l’urgence climatique, la chaleur solaire est une carte majeure à jouer ! »

A quelques jours de la tenue des Etats Généraux de la Chaleur Solaire, Olivier Godin ; vice-président du syndicat des professionnels du solaire Enerplan en charge de la chaleur solaire, livre sont point de vue sur la situation de la filière solaire thermique française. Pour lui pas de doute, les enjeux de réduction des émissions de CO2 sont bien sur le chauffage et l’eau chaude, ainsi que la fourniture de chaleur pour l’industrie et l’agriculture. Explications !   

Plein Soleil : Olivier Godin, les Etats généraux de la chaleur solaire auront lieu dans quelques jours à Lille, le 15 octobre, quel diagnostic faites-vous sur la filière ?

Olivier Godin : Avant de partager mon diagnostic sur l’état de la filière française du solaire thermique, je voudrais revenir sur le contexte dans lequel s’inscrivent ces Etats généraux de la chaleur solaire 2019. C’est celui d’une jeunesse mondiale mobilisée pour le climat, qui défile par millions dans la rue pour exiger de nos décideurs qu’ils réduisent l’empreinte carbone de notre civilisation. Cette demande est légitime. Les études récentes montrent que la planète pourrait se réchauffer de 7°C d’ici la fin du siècle. Il faut écouter ces enfants du GIEC et que nos décideurs politiques, économiques et citoyens se mobilisent pour réussir l’immense défi de réduire rapidement et drastiquement nos émissions de carbone.

En France, l’évolution du mix électrique cristallise l’essentiel des débats sur l’énergie. Le sujet est important. Toutefois il ne doit pas nous détourner des enjeux prioritaires qui sont de réduire nos émissions de CO2 ! Dans notre pays, la chaleur représente 46% des besoins énergétiques (le transport 28%, l’électricité 26%). De plus la chaleur est très carbonée alors que l’électricité beaucoup moins. Les enjeux de réduction des émissions de CO2 sont bien sur le chauffage et l’eau chaude, ainsi que la fourniture de chaleur pour l’industrie et l’agriculture.

La chaleur du soleil permet de produire, stocker et redistribuer des calories solaires décarbonées. C’est une solution évidente pour baisser les émissions des chaudières à énergie fossile ! Elle permet également de se combiner en solution 100% renouvelable avec du bois ou encore d’améliorer la performance des pompes-à-chaleur.

Il serait illusoire de croire que l’on va basculer vers le tout électrique, en équipant toute la France de pompes à chaleur en substitution de chaudières. La sagesse est de compter sur un panier de technologies bas carbone. La compétitivité du solaire thermique s’est améliorée de plus de 30% en 10 ans. Ce gain s’explique par l’augmentation moyenne de +30% du prix des énergies en 10 ans (+40% pour l’électricité par exemple) et des innovations dans le solaire thermique. Le solaire thermique fait maintenant partie des solutions compétitives et elle est l’une des plus vertueuses pour réduire les émissions de CO2 et améliorer la qualité de l’air.

L’émergence du solaire thermique XXL

PS : Quelles sont les bonnes nouvelles du marché 2019 du solaire thermique en France ?

OG : Il y a l’émergence du solaire thermique XXL, avec des industriels pionniers de la décarbonation de leur outil, qui sont toujours plus nombreux à répondre à l’Appel à Projets Grandes Installations Solaires Thermiques de l’ADEME initié en 2015. Le bilan est encourageant, avec plus de 28 MWth (40 000 m² de capteurs) en projet pour des applications dans l’industrie à fin 2019 ! Sur ce nouveau segment de marché, où le soutien financier public est d’autant plus nécessaire que la taxe carbone reste gelée, la France s’inscrit dans une dynamique internationale grâce à l’ADEME. De grandes installations de production de chaleur solaire sont réalisées partout dans le monde et en Europe, pour alimenter les besoins de l’industrie, ainsi que les réseaux de chaleur. Le Danemark, qui est un pays bien moins ensoleillé que la France, a atteint une capacité d’1 GWth de grandes centrales de solaire thermique.

Une autre bonne nouvelle est la vigueur du marché de l’eau chaude solaire dans les zones non interconnectées (ZNI). Ainsi, à la Réunion 70 % des foyers sont aujourd’hui équipés d’un chauffe-eau solaire, individuel ou collectif. Cette bonne dynamique dans les îles démontre que l’incitation réglementaire crée du volume, entraîne une baisse de prix qui dynamise le marché, ce qui crée des emplois industriels. Va-t-on enclencher ce cercle vertueux en métropole avec la réglementation environnementale 2020 ? Nous ferions bien de nous en inspirer, j’y reviendrai !

Enfin au titre des bonnes nouvelles, il y a le formidable engagement de notre industrie dans l’innovation malgré un marché qui n’est pas volumétrique, et le gros effort de professionnalisation des acteurs de la filière que nous accompagnons avec SOCOL. Du côté des avancées technologiques, nous reviendrons à Lille sur les couplages du solaire pour des solutions 100% EnR et sur les nouvelles solutions qui intègrent des chauffe-eau solaires individuels pour des logements collectifs. En revanches, nous n’aborderons pas les innovations liées au numérique, mais elles sont elles aussi nombreuses et gages de performance. Côté filière, sa structuration progresse avec SOCOL, qui diffuse une culture et des outils adaptés à la satisfaction client.

PS : Les Etats généraux abordent l’importance des dynamiques territoriales, pouvez-vous nous en dire plus ?

OG : Le développement accéléré de la chaleur solaire passe indubitablement par une dynamique territoriale. Les territoires qui se donnent les moyens de leurs ambitions en matière de solaire thermique, que l’on retrouve dans les schémas de programmation énergétique, engagent des moyens pour animer la filière.

Cela peut passer par une approche sectorielle comme en Bretagne où la Région et la filière agricole travaillent main dans la main pour solariser les élevages de veaux et de vaches, gros consommateurs d’eau chaude. Cela peut passer par la généralisation d’une démarche qualité 100% confiance pour la performance initiée par SOCOL, comme en Auvergne Rhône Alpes, avec la procédure de mise en service dynamique qui permet de s’assurer du niveau de performance nominale requis, avant que l’exploitant ne s’engage dans un contrat de bon fonctionnement ou de performance garantie.

Si nous sommes réunis à Lille cette année, ce n’est pas un hasard. Il y a une dynamique régionale dans les Hauts de France, pour structurer la filière professionnelle. Elle contribue pleinement à la 3e révolution industrielle du bas carbone. Il y a aussi la mobilisation des potentiels bénéficiaires de cette chaleur qui se fait dans un même mouvement. Un bel exemple – qui sera visité le 14 octobre en préliminaire des Etats généraux – est la centrale solaire thermique de près d’1 MWth qui alimente la société Lys Services à Merville (59) depuis près d’1 an, c’est la plus grande installation de la moitié Nord de la France en chaleur solaire pour l’industrie !

Inquiétudes autour du CITE et de la prochaine RE 2020

PS : Les Etats généraux d’une filière, c’est aussi un temps politique. Quelles sont vos sujets d’inquiétude et vos propositions, que vous souhaitez partager avec les pouvoirs publics ?

OG : Nos deux principaux sujets d’inquiétude pour 2020, sont la réforme du crédit d’impôt à la transition énergétique #CITE pour la rénovation, et la mise en œuvre de la prochaine réglementation énergétique des bâtiments neufs.

Sur la réforme du CITE engagée avec le projet de loi de finances 2020 #PFL2020, il y a une incompréhension des objectifs poursuivis par le gouvernement. D’un côté, il y a un discours volontariste sur la transition énergétique et de l’autre une réforme qui priverait de plus de la moitié de nos clients potentiels d’une incitation financière. Cela est d’autant plus vrai pour des investissements importants comme le chauffage et l’eau chaude solaire. Cette exclusion, si elle peut s’entendre s’agissant d’une mesure sociale, ne peut se justifier en matière de transition énergétique. De plus, ces équipements sont principalement produits par des industriels français, contribuant au dynamisme industriel de nos territoires.

Si l’intérêt écologique de la chaleur solaire est régulièrement rappelé et encouragé par les pouvoirs publics pour l’atteinte de nos objectifs de baisse des émissions polluantes, il est nécessaire que les moyens suivent les déclarations d’intention. Cela alors même que la taxe carbone est gelée et le restera en 2021 !

L’autre gros sujet de préoccupation de la filière concerne la future RE2020. Quand sera-t-elle applicable, quels seront les niveaux de performance énergétique requis, y aura-t-il un critère ou un indicateur sur le carbone, y aura-t-il ou pas une exigence de chaleur renouvelable pour le logement collectif, ou d’énergie renouvelable ? Du côté d’Enerplan, nous souhaitons que la RE2020 porte un haut niveau d’exigence énergétique sur les 5 usages avec une exigence de chaleur renouvelable, le photovoltaïque devant permettre que les bâtiments soient à énergie positive, 6e usage compris.

PS : Un dernier mot pour conclure notre entretien ?

OG : Je donne rendez-vous à tous les acteurs concernés par la transition énergétique à nous rejoindre à Lille le 15 octobre pour nos Etats généraux. La production locale de chaleur solaire est une source de valeur pour leur territoire et leur secteur d’activité, Je remercie chaleureusement tous nos partenaires de cette édition 2019, qui contribuent à son succès : l’ADEME, le CD2E, GRDF, la Région Hauts-de-France, la CCI Hauts-de-France et Rev3, Qualit’EnR et Uniclima. Je rappelle aussi que la veille des Etats Généraux, le 14 octobre après-midi, SOCOL propose également une visite d’opérations de référence, dont celle de la société Lys Services à Merville (59) : avec près de 1300 m² de capteurs, c’est la plus grande installation de la moitié Nord de la France en chaleur solaire pour l’industrie ! Également au programme de visite, l’installation de chaleur solaire de l’EHPAD Résidence de Beaupré, 2e EHPAD passif de France avec une production performante d’eau chaude grâce au solaire ! L’événement est gratuit mais sur inscription uniquement (attention, les places sont limitées).

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