Le mardi 17 septembre dernier, à quelques jours de la deuxième conférence environnementale, le Syndicat des Energies Renouvelables a lancé un « plan de relance » des énergies renouvelables sur fond de crise violente du secteur. En effet, les chiffres des raccordements du premier semestre 2013 dans le solaire et l’éolien sont faméliques. Les filières sont quasiment à l’arrêt. Pour le SER, il y a urgence à agir sous peine de voir définitivement péricliter les entreprises françaises du renouvelable. Décryptage du plan de relance avec Jean-Louis Bal, le président du SER !
Plein Soleil : Vous avez présenté le 17 septembre dernier un plan de relance des énergies renouvelables. Aujourd’hui les filières sont à l’agonie. Est-ce, en quelque sorte, le plan de la dernière chance ?
Jean-Louis Bal : Au préalable, tout part d’un constat. Depuis un peu plus d’un an, le gouvernement a organisé un débat, ce qui est très bien, mais n’a pris que peu de décisions.. Le temps de l’action est venu. La profession ne peut pas patienter plus longtemps. Il y a des choses à faire tout de suite, sans attendre la promulgation d’une loi à la fin 2014. Les résultats du premier semestre sont terribles avec pour le photovoltaïque seulement 200 MW raccordés. Et ce chiffre risque de diminuer encore. Il faut prendre des décisions immédiates.
« Dans l’attente d’un signal politique positif »
PS : Justement, les décisions parlons-en. Les mesures d’urgence prises en début d’année 2013 par Delphine Batho n’ont eu aucun impact sur la dynamique de la filière. Que proposez-vous ?
JLB : Il est un peu exagéré de dire que les mesures d’urgence de Delphine Batho n’ont eu aucun impact mais, ce qui est certain, c’est qu’elles n’étaient pas des mesures fondamentales. Que faut-il faire maintenant ? Avant toute chose, nous sommes dans l’attente d’un signal politique positif. Nous voudrions voir confirmer la volonté du gouvernement d’atteindre les objectifs fixés. Nous préconisons un vrai pilotage de la filière énergies renouvelables sur les plans national et régional. Nous devons ainsi suivre les objectifs annuels ambitieux des régions programmés via les Schémas Régionaux Climat Air Energie (SRCAE). Par ailleurs et sans remettre en cause les objectifs de 23%, nous devons aussi revoir les objectifs sectoriels et aligner l’objectif 2020 de la filière solaire sur notre proposition du Livre Blanc qui est de 20 GW.
PS : Quelles sont donc les mesures concrètes que met en exergue votre plan de relance pour y parvenir ?
JLB : Le plan de relance que nous proposons présente plusieurs pistes. Nous devons, dans un premier temps, créer un choc de simplification tous azimuts, suivant en cela les recommandations du Président de la République, sur les délais d’instruction, de validation ou de recours, sur les procédures d’autorisation ou les règles d’installation et de raccordement notamment suivant les S3RENR. Pourquoi par exemple faire payer une quote-part à une installation qui n’aura aucun impact sur un quelconque renforcement futur, la production de cette installation étant entièrement consommée dans la boucle locale ? La question se pose. Parmi nos suggestions de simplification, nous demandons également la suppression de l’intégration au bâti sur les bâtiments existants qui représente un surcoût inutile et un véritable nid à problèmes. Cela ne remet pas en cause l’intérêt évident de l’intégration au bâti dans le neuf et la rénovation de toiture.
« Un statut économique et juridique pour l’auto consommation »
PS : Et sur le plan de l’économie des projets ?
JLB : Nous proposons un paquet sécurité. Nous attendons d’abord du gouvernement la notification à la commission européenne des tarifs achat suite au recours en Conseil d’Etat d’associations anti-éoliennes, qui pourrait déboucher sur une annulation du tarif d’achat de l’électricité éolienne en France, une décision qui pourrait ensuite concerner toutes les filières dans de nombreux pays d’Europe. Seuls quatre ou cinq pays ont notifié les tarifs d’achat. La commission devrait en principe entériner cette notification. Nous sollicitons pour les EnR, dont le photovoltaïque, le lancement d’un programme de la Banque Publique d’Investissement (BPI) pour faciliter le crédit aux PME du secteur, comme l’a fait Oséo jusqu’à présent. Côté marché intérieur, nous préconisons le lancement du troisième appel d’offre CRE annoncé par Delphine Batho. Ces appels d’offre devront être programmés sur plusieurs années à raison de 1000 MW par an pour plus de visibilité et de pérennité, condition indispensable à des investissements industriels. Nous proposons également de définir un statut économique et juridique pour le photovoltaïque autoconsommé. Aujourd’hui, il est possible d’auto-consommer même si le tarif n’y incite pas, mais surtout il est impossible de vendre à son voisin. Il faut faire évoluer cela, en commençant par de l’expérimentation.
Pour le fonds chaleur, nous proposons de le doubler, ce qui devrait permettre de relancer le solaire thermique.
PS : Quid des DOM qui sont complètement à l’arrêt à cause de la limite des 30% ?
JLB : Nous défendons un plan de développement des énergies renouvelables dans les DOM avec un objectif de 50% en 2020. Nous demandons ainsi la mise en place d’un tarif photovoltaïque autoconsommation + stockage. Les DOM doivent également pouvoir profiter à plein des investissements d’avenir qui se consacrent aux démonstrateurs de stockage électrique à grande échelle.
PS : Un mot sur l’impact environnemental des projets ?
JLB : Nous devons améliorer les exigences en matière d’éco-conditionnalité carbone au sein des mécanismes d’aides et conditionner le bonus des 10% au carbone pour les appels d’offre et les tarifs d’achat.
PS : A défaut des appels d’offre, EELV propose un retour aux tarifs d’achat pour toutes les puissances avec un gap de 1500 MW à raccorder chaque année. Souscrivez-vous à cette proposition ?
« Des appels d’offre réguliers et programmés dans le temps »
JLB : Je ne suis bien sûr pas contre un dispositif basé sur le tarif. Il est certain que si l’on repassait aux tarifs, nous ne pousserions pas des cris d’orfraie. Le problème c’est qu’aujourd’hui la filière s’est adaptée à la procédure d’appel d’offres. Nous en avons assez de changer de système sans arrêt. Si l’on se met à la place des pouvoirs publics, la maîtrise des volumes est aussi plus complexe avec le tarif. Et puis vous savez, si nous voulons favoriser la filière industrielle française, il est plus facile d’établir des critères et d’intégrer des composantes d’innovation au sein des appels d’offres qu’avec le tarif. Les appels d’offres peuvent bien fonctionner à condition, comme nous le proposons qu’ils soient réguliers et programmés dans le temps.
PS : D’aucuns évoquent une suppression pure et simple de l’obligation d’achat à court terme en France à l’instar de ce qui va se passer en Allemagne. Qu’en pensez-vous ?
JLB : Lorsque l’on observe l’impact des renouvelables sur le système électrique européen, il existe un vrai problème en Allemagne qui produit 100 TWh par an avec le solaire et l’éolien. En France, pour l’heure, il n’existe pas d’impact significatif avec une production de 20 TWh par an. Que les Allemands veuillent commencer à limiter cet impact en faisant évoluer leur système d’obligation d’achat pour le rendre plus compatible avec l’offre et la demande d’électricité, cela semble normal. En France, nous avons encore du temps de mettre en place de telles évolutions. L’obligation d’achat a encore sa légitimité et est une condition indispensable de relance immédiate du marché, mais il n’est pas trop tôt pour penser à l’avenir et anticiper des évolutions. Préparer un statut pour l’autoconsommation va dans le sens de cette réflexion.
« Redonner de la valeur au CO2 »
PS : Que pensez-vous des revendications des principaux énergéticiens européens qui demandent de freiner le développement des renouvelables qui selon eux mettraient en péril l’équilibre financier des moyens de production plus conventionnels et notamment la filière gaz ?
JLB : Je ne partage pas totalement ces analyses sur les perturbations du système électrique européen. Il n’est pas raisonnable de mettre tout sur le dos des énergies renouvelables. La principale cause, c’est le charbon. Par un jeu de dominos, le gaz de schiste américain a chassé le charbon du marché américain qui a, ensuite, afflué vers l’Europe et notamment l’Allemagne. Qui dit charbon bon marché, dit électricité peu chère. Rendez vous compte que l’Allemagne, malgré le développement des énergies renouvelables, a émis plus de CO2 en 2012 qu’en 2010. Je partage ainsi la position de GDF Suez qui réclame une réforme des quotas CO2 avec un tarif de 3€ la tonne de CO2 par trop dérisoire. Le gaz n’est plus compétitif, alors qu’il s’agit du combustible fossile le moins émetteur de CO2 et le plus souple appoint aux EnR dites « intermittentes » après l’hydroélectricité . Nous devons redonner de la valeur au CO2.
PS : L’autoconsommation représente l’avenir de la filière solaire photovoltaïque. Elle est pourtant déjà malmenée en Espagne par le gouvernement Rajoy qui veut lui imposer une taxe. Quel est le problème ?
JLB : L’autoconsommation va bouleverser les équilibres économiques des réseaux. C’est un fait. Les gestionnaires de réseau disposeront de moins de ressources. En effet, le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) est proportionnel à l’énergie appelée. L’autoconsommation réduisant l’appel, l’utilisateur disposera d’un même service mais paiera moins. Il faudra clairement revoir le TURPE et réfléchir à des solutions qui n’entraveront pas l’autoconsommation.
PS : Vous avez rencontré Philippe Martin début septembre. Sentez-vous le gouvernement à l’écoute des gros problèmes de la filière solaire ?
JLB : Le ministre m’a fait une excellente impression et a fait preuve d’une bonne écoute. Maintenant, des décisions sont à prendre tout de suite. Nous jugerons sur les actes à la lumière de ces décisions.