Interview /Barthélémy Rouer : « WPO est en train de créer le Spotify de la donnée énergie renouvelable »

L’information n’est pas passée inaperçue dans le monde de l’énergie.  L’Offre au public de jetons GreenTokens de WPO a obtenu le visa de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) N°ICO.20-189 en date du 12/05/2020 et valable jusqu’au 12/11/2020. Une première mondiale pour une ICO opérée par une blockchain dans le domaine de l’énergie. Entretien avec Barthélémy Rouer, fondateur et président de WPO, et initiateur de cette nouvelle plateforme multiservices de la donnée énergie renouvelable à vocation européenne !

Plein Soleil : Les gens de l’AMF n’ont pas la réputation d’être des enfants de chœur. Votre visa est d’ailleurs le premier délivré pour l’année 2020. Comment obtient-on ce type de documents ?

Barthélémy Rouer : Vous savez, tout commence comme à chaque fois par une idée, une idée susceptible de séduire et de trouver son marché. Après, le projet de blockchain que l’on a soumis, entre dans un cadre nouveau qui procède de la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation de l’Entreprise) qui prévoit l’octroi de visa optionnel par l’AMF pour donner un cadre aux Offres Public de Jetons ICO. Nous ne sommes que le deuxième projet issu de cette loi PACTE à obtenir un visa. C’est dire ! Avoir un projet c’est bien, mais il faut aussi être en capacité de le porter, de l’incarner, de l’expliquer clairement. Sur ce point l’accompagnement de l’AMF nous a été très précieux. Il a été à la fois rigoureux et bienveillant avec beaucoup de relectures juridiques quant à la mécanique de l’offre au public. Il était important pour nous d’obtenir ce label de l’AMF qui apporte complétude, transparence, clarté et sécurité, sans aucun sous-entendu, dans un domaine, la blockchain, où il y a eu pas mal de contre-références. C’est une grande victoire que de disposer à présent d’un cadre de travail sécurisant.

Monétiser la donnée énergie

PS : Quel est l’objectif de cette ICO ?

BR : Notre objectif est de contribuer à la transition énergétique en apportant plus à l’édifice des renouvelables, en partageant et en valorisant les savoirs entre tous les acteurs de cette filière. Pour ce faire, nous mettons en place un dispositif pour monétiser la donnée énergie. Nous voulons devenir en quelques sortes le Spotify de la transition énergétique. A travers la blockchain, chaque acteur (industriel ou particulier) apporte sa donnée. Nous créons un véritable marché, un négoce de l’électricité verte décentralisé qui va permettre de partager, de « bancabiliser » cette donnée-énergie et de rémunérer, en échange d’une « cybermonnaie », en échange de jetons qualifiés d’usage, les GreenTokens, ceux qui apportent leur data. Un peu comme un musicien qui compose un morceau et le rend public sur Spotify touchera des royalties sur sa création ou sur sa partition quand elle est utilisée.

PS : Quelle cible et pour quelles finalités ?

BR : La cible, c’est le monde des énergies vertes dans son ensemble, les professionnels de tous les secteurs concernés par les renouvelables, les particuliers en propre ou via le mode participatif ou encore le monde associatif. Les données collectées serviront en fait à différents usages pour différents secteurs d’activité. Nous créons une plateforme multiservices de la donnée énergie. Pour les professionnels, on peut penser par exemple au secteur des assurances qui peuvent s’échanger des data sur les sinistres ou au secteur de la finance afin que les fonds qui investissent dans les parcs solaires et éoliens puissent appréhender au mieux et avec le plus de précision les TRI des projets et leur fiabilité dans le temps. Autre cas d’usage. Vous êtes un particulier acteur du réseau GreenToken. Il vous est alors possible de payer une étude pour solariser votre toit ou de prendre une position dans un projet de centrale PV avec des GreenTokens. L’ICO a pour vocation d’aider au financementt des projets en construisant un nouvel écosystème

PS : Comment parvient-on à faire tâche d’huile, seule condition pour valider l’intérêt de cette plateforme ?

BR : En donnant l’exemple et en prenant le risque. Depuis 2018, WPO qui est un groupe européen de gestion d’actifs dans le domaine de la production d’énergie renouvelable, vend ses données contre des GreenTokens via la blockchain. Nous échangeons nos services contre les data de nos clients. Des fonds allemands, des courtiers d’assurance et des sociétés de services et de conseil nous ont déjà fait confiance et sont membres partenaires. Une dizaine de parcs éoliens et solaires dans sept pays européens a également déjà acheté des GreenTokens. Des acteurs nous demandent comment faire pour nous rejoindre.  Nous allons même solliciter nos concurrents directs pour les inviter à entrer dans le réseau. La plateforme se veut très inclusive. Nous sommes en phase d’amorçage mais nous commençons à faire école. Vous savez quand une bonne idée innovante surgit, on est souvent copié et suivi. Nous croyons à l’effet boule de neige.

Deux millions d’utilisateurs d’ici trois ans

PS : Quelles sont vos attentes en la matière ?

BR : Je reprends volontiers un principe maintes fois énoncé par Isabelle Kocher, l’ancienne patronne d’Engie qui disait qu’il faut être à l’échelle du monde pour le changer. Au début il n’y avait rien et nous sommes déjà à cette échelle avec plus de 5 GW sur la plaque continentale européenne, avec des sites en production installés du cercle polaire à la pointe de la botte italienne et de l’Atlantique aux frontières de la Russie. N’oublions pas non plus que nous sommes sur un secteur qui produit déjà plusieurs centaines de TWh et qui affiche une croissance de 15% par an, ce qui est déjà extraordinaire, surtout dans le monde post-Covid. Après la plateforme doit vivre sa vie. Nous espérons de un à deux millions d’utilisateurs d’ici trois ans. L’Europe compte un million de professionnels des EnR, 20 000 parcs éoliens et plus de 60 000 parcs solaires. Nous visons le milliard de connexion à cette échéance. WPO se positionne comme la petite licorne de l’énergie sous l’angle de la donnée.

PS : Un dernier mot sur le côté énergivore de la technologie blockchain alors même que vous œuvrez pour la transition énergétique? N’y-a-t-il pas un léger paradoxe ?

BR : Le point que vous soulevez est très important. Notre blockchain-cœur, le Consortium GoCert, qui émettra des certificats GoCerts, aura une dépense énergétique faible, plusieurs milliers de fois plus économe que le BitCoin. Notre GreenToken est présent sur la plateforme Ethereum. Chaque transaction pour des GreenTokens affiche une consommation électrique de 26 à 29 kWh. C’est trop mais nécessaire pour lancer la machine. Après, il faut aussi relativiser : avec 15 millions de GreenTokens, nous sommes d’une taille très modeste et pesons moins de 1% de la plateforme Ethereum. Le bilan énergétique du projet GreenToken est largement positif. Reste que nous serons très vigilants sur le sujet. Nous allons monitorer le passage du standard Ethereum actuel vers sa seconde version, annoncée encore plus vertueuse, et n’hésiterons à basculer vers d’autres technologies si elles s’avèrent moins gourmandes en énergie.     

Encadré

Combien de GreenTokens sur le marché ?

Avec son ICO, WPO a pour objectif de lever 10 millions d’euros. Avec cette opération, elle va lancer 15 millions de GreenTokens sur le marché. « Ce nombre demeurera fixe et définitif. Aujourd’hui, il coûte 0,95 euro. Cela peut être un placement de trésorerie innovant pour les entreprises et les particuliers» estime Barthélémy Rouer. Il est possible de réserver en ligne ses GreenTokens dès maintenant. L’offre au public de jetons GreenTokens aura lieu du 8 septembre au 12 novembre 2020.

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