Total et sa filiale SunPower, troisième fabricant mondial intégré de l’industrie solaire, ont annoncé jeudi 24 mai la mise en service d’une usine de fabrication et d’assemblage de panneaux photovoltaïques sur le site de De Vernejoul à Porcelette en Moselle. D’une superficie de 3 300 m², l’usine dispose d’une ligne de production d’une capacité de 44 MWc et produira environ 150 000 panneaux solaires de haute performance par an. Une audace industrielle dans ces temps de crise !
Au commencement était une histoire de revitalisation industrielle. Durant les années 2000, la Moselle département dévasté par la désindustrialisation et la mort programmée de toute activité minière, se cherche un nouvel avenir. Dans ce contexte et alors que le secteur de l’énergie solaire connaît une grande euphorie, Total et GDF Suez se verraient bien créer une usine de wafers dans cette campagne lorraine. Le projet achoppe. Mais Total qui a quelques engagements à tenir sur ces territoires qui lui ont beaucoup donné historiquement ne lâche pas le morceau. Sur la commune de Porcelette, le groupe conceptualise une usine d’assemblage de panneaux photovoltaïque. Nous sommes à l’automne 2010. A l’époque, personne ne pensait que cette usine porterait le nom de SunPower Manufacturing De Vernejoul. En effet au printemps 2011, Total met la main sur l’américain SunPower pour un plus d’un milliard d’euros qui devient filiale du groupe pétrolier français à 66%. L’usine de Porcelette se fera donc avec le concours des américains sur un espace de revitalisation appelé le Composite Park. La première pierre est posée au printemps 2011 quelques semaines après la fin du moratoire photovoltaïque imposé par le gouvernement. Investissement : 10 millions d’euros.
Une ligne faiblement automatisée
Le 15 mai 2012, les premiers panneaux sortent de la ligne à la capacité de production de 44 MWc soit 150 000 modules par an. Ces panneaux sont équipés des cellules solaires Maxeon® développées par SunPower et fabriquées en Malaisie et aux Philippines. Ces cellules bénéficient de la technologie « back contact » la plus performante du marché avec des rendements supérieurs à 20% jusqu’à 24% même sur des panneaux d’ores et déjà commercialisés aux Etats-Unis. Ce nouveau site de production dénommé « SunPower Manufacturing De Vernejoul » emploiera environ 80 salariés dès le début du mois de juilet prochain, l’emploi local étant privilégié. La visite de l’usine montre d’ailleurs un taux d’automatisation assez faible par rapport à la concurrence. De nombreuses opérations manuelles émaillent la ligne de fabrication comme la pose des strings sur l’EVA, l’ébavurage ou la pose des cadres. « C’est qu’il a fallu faire vite pour être opérationnel rapidement » admet Aranud Brunetière, directeur des opérations Europe de SunPower. Pour exemple, la ligne de fabrication de De Vernejoul requiert une équipe de quinze personnes, là où onze personnes suffisent sur une ligne de fabrication de l’usine Tenesol de Toulouse plus automatisée. L’usine SunPower de De Vernejoul obéit en fait à la loi du kaizen de l’amélioration continue. « Les machines viendront avec le temps lorsqu’elles apportent une vraie valeur ajoutée qualitative » assure un technicien. Cette usine de Moselle est aussi l’émanation de l’expertise des usines philippines et mexicaines encore plus faiblement automatisées. La main et l’Å“il humains comme vecteur de qualité, la philosophie de SunPower !
Une usine au cÅ“ur de l’Europe
Cette nouvelle usine de fabrication à De Vernejoul, situé à la croisée des principaux marchés solaires européens, nous permet de fournir à nos clients les meilleurs produits au monde.» a déclaré Marty Neese, directeur des Opérations de SunPower. Cette proximité avec nos clients français, italiens, allemands et belges nous permettra d’améliorer notre flexibilité et de réduire nos délais de livraison afin d’être toujours plus compétitifs dans un marché aujourd’hui hyperconcurrentiel. ». Justement, pour 2012, l’ensemble de la production de l’usine de Moselle serait d’ores et déjà vendu essentiellement en Belgique et en Italie où SunPower profite de la loi qui a longtemps favorisé les produits assemblés en Europe et qui n’est plus vraiment d’actualité aujourd’hui. Pour la France, le groupe attend le résultat des appels d’offres. Il y dispose d’un pipeline de 300 MW. Pas d’affolement, en cas de succès, l’usine dispose de fortes capacités d’extension sans oublier le potentiel de l’usine Tenesol Toulouse (85 MW).
«Total a fait de SunPower le cÅ“ur de ses activités solaires avec l’ambition de développer l’énergie solaire en s’appuyant sur la qualité et les performances de ses produits et son innovation technologique, a souligné Arnaud Chaperon, directeur Electricité & Nouvelles Energies de Total. Cette nouvelle usine de panneaux solaires, la deuxième de SunPower installée en France avec celle de Toulouse, réaffirme la volonté du Groupe de porter cette dynamique tant à l’international qu’en France. J’ajoute à ce titre que Total est le premier employeur solaire de France avec plus de quatre cents salariés dans le secteur».
« Le coût du traitement administratif et le délai des raccordement des systèmes sont inadmissibles »
Dans le concert de louanges qui a accompagné cette inauguration, Arnaud Chaperon ne pouvait pas occulter le contexte de crise dans lequel évolue aujourd’hui l’industrie solaire photovoltaïque. « Faisons-nous preuve d’audace ou de témérité pour se lancer ainsi sur un marché déprimé par des surcapacités mondiales et victime d’une crise d’une violence inégalée ? Et bien j’évoquerai plutôt l’audace. Nous sommes dans une crise de transition avec une baisse des coûts terribles. Total y croit, Total croit en la technologie. Nous anticipons sur la trajectoire mondiale du solaire qui nous rapproche du mythe, du Graal qui est la parité réseau. Nous avons une confiance durable dans cet outil de production au centre de l’Europe » s’enthousiasme le directeur Nouvelles Energies. Et Arnaud Chaperon de lancer pour finir un coup de gueule qui se veut salutaire. « D’un côté, nous industriels, nous grattons avec les dents pour gagner un simple centime d’euro, pour baisser les prix le plus bas possible. Et de l’autre côté, il est inadmissible de voir qu’en aval, en France, le coût du traitement administratif et le délai de raccordement des systèmes ne cessent d’augmenter ». Une pique lancée vers ERDF et sa gestion du réseau. L’exemple allemand où le raccordement s’effectue en quelques clics sur le web et en à peine quelques jours devrait faire des émules dans l’Hexagone. Premier employeur solaire de France, Total/SunPower semble en tous les cas avoir son mot à dire sur le sujet. Il en va aussi de la pérennité de cette nouvelle usine de De Vernejoul en Moselle, qui donne à croire que le solaire de France a encore un bel avenir devant lui. Comme une bouffée d’optimisme dans la morosité ambiante !