François Loos, président de l’Ademe en exercice, nous a reçus il y a quelques jours dans son bureau pour évoquer les filières solaires photovoltaïque et thermique mais aussi les investissements d’avenir dont les lauréats viennent d’être désignés. Un entretien sous le joug du droit de réserve qui s’impose en cette période pré-électorale !
Plein Soleil : Lorsque vous prenez la tête de l’Ademe le 21 décembre 2011, vous êtes député du Bas-Rhin. Qu’est-ce qui pousse alors à présider cette institution environnementale ? Pensez-vous qu’en tant que président de l’Ademe vous avez plus d’influence qu’un parlementaire pour relever les grands défis écologiques du 21ème siècle ?
François Loos : Ce sont bien entendu deux choses différentes. Un député s’occupe de tout et dispose de plus de leviers. Le spectre d’intervention est très large. En tant que député, j’ai, par exemple, réalisé un rapport sur la problématique de la stabilité des marchés des matières premières. Entre autres ! Pour la présidence de l’Ademe, tout est venu d’une proposition. En fait, je n’y pensais pas. J’avais annoncé qu’après quatre mandats, je mettais un terme à la députation J’ai été surpris par cette offre et je dois dire enthousiasmé par ce challenge passionnant.
Des investissements d’avenir pour doper le rendement des cellules
PS : L’Ademe s’est vu confier par l’Etat la gestion des crédits des Investissements d’Avenir concernant des actions dans 4 programmes dont notamment un programme « démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte » pour 1,35 milliard d’euros. Quels sont vos critères de choix et quelles sont les technologies solaires qui devraient émerger d’un tel dispositif ?
FL : L’Ademe est très active depuis des mois sur ce sujet sensible d’avenir. Dans un premier temps, nous avons lancé des Appels à Manifestation d’Intérêt (AMI) sur des thématiques d’optimisation de l’efficience des cellules photovoltaïques ou des problématiques de déchets. Nous avons recueilli de nombreuses réponses dans les domaines aussi divers que le silicium, les couches minces, la thermodynamique ou le thermique. Par la suite, nous avons discuté et négocié avant de retenir les lauréats via une comitologie très rigoureuse. C’est le Commissariat Général à l’Investissement sous l’autorité du premier ministre qui a eu le dernier mot. Les critères pour obtenir ces aides importantes : Développer des activités nouvelles dans les renouvelables au sein d’un groupement ou d’un consortium d’entreprises. Une première fournée de quatorze projets très prometteurs vient ainsi d’être éligible à ces investissements d’avenir.
PS : La France leader dans le solaire mondial dans les années 80 n’a-t-elle pas trop perdu de temps et peut-elle justement raccrocher les wagons avec ce type d’investissement d’avenir?
FL : Vous savez, sur le solaire, encore aujourd’hui, nous en sommes à l’âge du Minitel ou du premier GSM mobile. Le potentiel d’amélioration est immense. Les investissements d’avenir existent pour permettre à la France de retrouver son rang.
Assemblage modules + pose = 70% de la valeur ajoutée d’une installation
PS : Vous étiez ministre délégué à l’industrie sous le gouvernement Villepin lorsque celui-ci a fait passer les tarifs d’achat du photovoltaïque de 0,15 à 0,55 euro en juillet 2006 avec notamment cette prime à l’intégration. A posteriori comment analysez-vous cette mesure et surtout la gestion qui en a été faite dans les années qui ont suivi ?
FL : Vous savez, j’ai annoncé cette mesure à l’Assemblée Générale du Syndicat des Energies Renouvelables, et croyez-moi, ce jour là , ils ont été ravis de la chose. Quelques mois plus tard j’étais présent à Saint-Auban dans les Alpes de Haute Provence pour donner le signal de départ et poser la première pierre d’une usine de silicium avec la société SilPro (Silicium de Provence). Nous avions justement mis en place ce tarif pour développer ce type de projet dans une optique de structuration de la filière photovoltaïque française. Ce projet a été un échec. Mais n’oublions pas les entreprises d’assemblage de modules et celles de pose des panneaux qui ont vu le jour et qui représentent peu ou prou 70% de la valeur ajoutée d’une installation.
PS : Pensez-vous qu’une industrie du photovoltaïque a encore sa place en France dans un contexte de crise mondiale de surproduction aigüe où l’on voit de puissantes sociétés allemandes en grandes difficultés ?
FL : Elle a sa place dans une logique de parité réseau qui est déjà effective dans le sud de l’Espagne et de l’Italie. Je sais déjà qu’en France, cela existe. Un acteur développe un projet basé sur la parité réseau. Il s’agit d’une excellente nouvelle. Cela veut dire que le photovoltaïque s’aligne sur le prix du marché actuel de l’énergie. L’activité future se fera selon ce modèle.
PS : Ne pensez-vous pas que l’objectif de 5400 MW du Grenelle relève d’ores et déjà de l’anachronisme ?
FL : Ces objectifs relèvent d’un choix qui sera fait au niveau de l’Etat. Ce dernier présentera sa Programmation Annuelle des Investissements devant le Parlement au deuxième semestre. L’objectif inscrit dépendra des moyens qui seront mis à disposition pour sa réalisation.
Appel à la remobilisation pour le solaire thermique
PS : On passe au solaire thermique. L’Ademe a lancé un Fonds Chaleur pour relancer les énergies renouvelables de la chaleur. Le solaire thermique est à la peine avec une baisse en 2011 de 2% (251 000 m² de capteurs) par rapport à 2010 et il n’atteindra pas les objectifs fixés dans la PPI. Qu’est-ce qui selon vous entrave le développement de cette énergie dont la France est pourtant exportatrice nette en produisant plus de capteurs qu’elle n’en installe?
FL : Dites-moi d’abord pourquoi, le solaire thermique est-il plus cher ici en France qu’ailleurs en Europe ? Je viens de demander aux directions régionales de travailler sur l’analyse des prix de revient du matériel et des installations. Nous soutenons le solaire thermique via le Fonds Chaleur mais notre aide doit être raisonnable par rapport au gain généré. Le solaire thermique représente pour le Fonds Chaleur l’investissement le plus élevé au regard du CO2 économisé. Peut-être y-a-t-il trop d’intermédiaires sur ce marché ?
PS : Quelles solutions pour relancer cette énergie propre et fiable qui demande beaucoup moins d’entretien que les équipements de biomasse ?
FL : Le solaire thermique a été victime de l’ambiance générale qui règne sur le solaire. Il n’existe plus la mobilisation qui existait il y a quelques années autour de cette énergie. Je pense aussi que les artisans qui font du solaire thermique ne savent pas bien le vendre donc ils n’en font pas. L’Ademe doit aider à la remobilisation autour de la filière en relançant des formations et en contribuant à une politique de prix cohérente.