Le nouveau projet d’arrêté sur les conditions tarifaires du photovoltaïque en France fait fi des négociations qui se sont tenues lors de la période de moratoire. Pire le gouvernement a même durci sa position par rapport aux propositions de la DGEC. Avec une incongruité : un tarif de base à 12 centimes d’euro qui en désole certains mais qui donne des idées à d’autres. Témoignages !
« Ce projet d’arrêté représente un constat brutal sans aucun respect du travail effectué depuis plusieurs semaines par les professionnels. On se demande vraiment à quoi a servi la concertation. Il s’agit là d’une rupture franche et dure, loin de toute continuité, avec des tarifs complètement déconnectés des conditions économiques avec tous les risques que cela comporte pour le gouvernement qui devra les assumer » fustige Daniel Bour(photo), PDG de Suncco, à l’analyse de ce projet d’arrêté.
« Tous les secteurs sont cassés »
L’homme d’affaires dont la société emploie aujourd’hui près de cinq cent personnes regrette par ailleurs les ratiocinations politiques du premier ministre François Fillon. « Le double discours de François Fillon n’est pas acceptable. Sa présentation plutôt positive de l’avenir de la filière devant le Conseil Economique, Social et Environnemental est en total décalage avec la sortie de ce texte qui est le plus contraignant que l’on puisse imaginer, plus contraignant même que le rapport Charpin. Ces tarifs n’ont aucun sens. Où est la logique avec une tarification à l’Allemande et pléthores de contraintes à surmonter ? » poursuit-il. Où sont aussi les propositions soutenues par les députés même de la majorité à la tête desquels Serge Poignant a été très actif. Exit la régionalisation des tarifs, les appels d’offres au-dessus de 250 kW, les propositions de volumes en MW. « Tous les secteurs sont cassés » renchérit Daniel Bour. Seul, peut-être, le résidentiel semble épargné par ce projet d’arrêté. « Et encore se sera dur. Le résidentiel est à un niveau inférieur à l’an dernier. Il ne se remet pas bien de la communication gouvernementale et de la baisse du crédit d’impôt. Il est un peu sinistré et sera très lent à redémarrer » entérine Daniel Bour qui s’étonne également des cautions bancaires à obtenir avant même de connaître le tarif inhérent à chaque projet. « Difficile de convaincre les banques sans être sûr du tarif ! » affirme-t-il.
« La parité réseau. Déjà ! »
Christian Cachat, développeur de projets de son état, est président d’honneur de l’APESI (Association des Producteurs d’Electricité Solaire) évoque pour sa part un projet d’arrêté catastrophique avec des une dizaine de tarifs différents, des règles d’appels d’offres obscures, des garanties bancaires ou des certificats de fonds propres qui ne servent à rien, si ce n’est, à fermer la porte aux petits. « Avec de telles contraintes, on ne fera même pas les 2000 MW annoncées par François Fillon dans les deux ans. Et puis il y a les dix-huit mois de délais pour la réalisation des projets. Cela non plus n’est pas réaliste pour celui qui connaît un peu le marché. Les plannings vont être serrés » regrette Christian Cachat. Reste ce tarif de base à 12 centimes d’euros le kWh centimes d’euros. « Hallucinant ! Il est illusoire de penser que l’on puisse réaliser des projets à ce tarif là et sur les appels d’offre, EDF EN aura toujours le dernier mot. Ce projet est fait sur mesure pour les gros ». 12 centimes d’euros, c’est peu ou prou le prix à laquelle un particulier paie son kWh en France aujourd’hui. En fait, le gouvernement invente là , la parité réseau bien avant l’heure. Un tarif soumis à interprétations.
« Banco sur une centrale au tarif d’achat à 12 centimes d’euro !»
Thierry Lepercq, PDG de Solaire Direct (2ème producteur d’énergie solaire en France) trois cents salariés et 160 millions d’euros de CA), a ainsi son avis sur la question. Pour lui, ces 12 centimes d’euros représentent déjà un tarif filet pour des projets en cours déjà bien avancés et qui ne pourront pas être menés à leur terme dans les temps et donc, profiter du tarif initial. Ou bien pour les projets déjà engagés dont la PTF n’a pas été signé avant le 1er décembre 2010 à minuit. Une chose est sûre, le chat est maigre. Il comble juste une case vide. « Mais au-delà de cet aspect purement technique, ces 12 centimes d’euros ne sont-ils porteurs d’un message, une sorte de perche lancée à la filière par le gouvernement? » s’interroge Thierry Lepercq, le premier à avoir implanté en 2008 un parc au sol avec du silicium cristallin. Il poursuit : « Je vois cela comme un défi à relever. Je dis banco. Je brûle de démontrer que l’on peut réaliser une installation dans ces conditions efficaces et frugales, autour d’un modèle intégré intelligent, avec pourquoi pas une quote-part de technologie française, dans une logique de compétitivité. Si l’on y parvient, on pourra démontrer que l’énergie solaire est enfin devenue une énergie sérieuse et compétitive et que la parité réseau n’est pas un concept pour 2040 » explique le chef d’entreprise qui place la compétitivité au-dessus de tout dans ce monde globalisée. Thierry Lepercq est ainsi très circonspect sur les arguments protectionnistes qui ont émaillé les négociations lors du moratoire. « Je récuse cette idée de protectionnisme. Cela peut tenir quelques années, mais lorsque le soutien s’efface et que tout s’arrête, les entreprises disparaissent. Le protectionnisme est le révélateur d’une capitulation. Aujourd’hui, dans notre époque mondialisée, on est compétitif ou on est mort » assène-t-il. Ainsi, sur un plateau très ensoleillé de la Région PACA, verra-ton peut-être fleurir dans les mois qui viennent une centrale au sol, hors du schéma des appels d’offres, nanti d’un tarif d’achat de 12 centimes d’euros ? La première centrale de France estampillé « grid parity » !
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