Suite à la réaction de Daniel Bour, dans nos colonnes, sur la signature de l’arrêté tarifaire étendu à 500kWc et ses conséquences, nous avons sollicité une nouvelle fois le président du Syndicat Enerplan des Professionnels du Solaire Enerplan, pour faire un plus large tour d’horizon de sa filière. Un entretien passionnant qui montre combien le solaire se situe à un tournant, mais aussi, qu’au sein de cette belle dynamique quelques obstacles restent à surmonter. Le point avec un président, plus que jamais, plein d’ambition !     Â
Plein Soleil : Quel est  selon vous le fait majeur concernant la filière en cette rentrée ?
Daniel Bour : Le fait majeur est le soutien renouvelé de l’État à la filière solaire, et la dynamique sans précédent de la filière solaire. Nous avons un cadre d’appel d’offres renouvelé, et l’arrêté tarifaire étendu à 500kWc. Cet arrêté va certainement entrainer un dynamisme très fort sur les projets de moins de 500 kWc, notamment sur les bâtiments agricoles. Enerplan s’est battu pendant des années pour ce guichet étendu, qui voit enfin le jour en cette rentrée. Nous en sommes heureux : c’est une satisfaction majeure de voir ces textes aboutir, et donner de la visibilité aux installateurs, développeurs et futurs producteurs d’électricité solaire. Et sans même attendre ces nouveaux dispositifs, l’année 2021 nous montre que l’on a passé un cap, le plafond de verre du GW annuel est d’ores et déjà dépassé. La France entre dans le club des pays qui installent plusieurs GW/an, en cohérence avec les objectifs de la PPE pour le PV.
De petit Poucet des énergies à « game changer »
PS : Qu’avez-vous pensé du discours très  volontariste du premier ministre Jean Castex à propos du solaire notamment lorsqu’il  dit : « L’énergie solaire constitue l’axe prioritaire de notre stratégie en matière d’énergies renouvelables électriques » ?
DB : J’en pense évidemment grand bien. Le solaire est passé en quelques années de petit Poucet des énergies à « game changer » incontournable partout dans le monde. Ses vertus sont reconnues par le premier ministre. Placé ainsi au centre du jeu pour accélérer la transition énergétique, il est de notre responsabilité de filière professionnelle d’être au rendez-vous de cette massification qualitative du solaire.
PS : Est-ce un bon présage pour l’accomplissement des objectifs ambitieux de la PPE ?
DB : C’est bien entendu un bon présage. Les objectifs de la PPE sont ambitieux : pour les atteindre, nous devons passer à 4GW annuels raccordés. Passer ce plafond de verre du GW en 2021, et voir ce soutien affirmé et renouvelé s’exprimer publiquement au plus haut niveau de l’État rendent optimistes. Le retard pris ces dernières années dans le déploiement doit nous pousser à accélérer encore.
« Soutien à la création d’une 1ère école de production dédiée au photovoltaïque »
PS : La filière est-elle prête à  répondre à  cette montée en charge alors que de nombreux professionnels peinent à recruter ?
DB : C’est un enjeu crucial, toutes nos sociétés recrutent en ce moment. La montée e charge est déjà  là . Même si nos énergies sont attractives pour les jeunes diplômés, la formation de nouveaux professionnels est sans aucun doute un chantier à mener pour accompagner cette montée en charge. Enerplan soutient la création d’une 1ère école de production dédiée au photovoltaïque, afin que des jeunes éloignés de l’emploi puissent apprendre par le geste et développer des compétences, pour à l’issue leur parcours obtenir un CAP d’électricien avec un titre professionnel PV et une offre d’emploi. Si cette première école de production PV est prévue sur la métropole de Marseille, elle est amenée à se multiplier sur le territoire.
PS : Comment vos adhérents ont-ils passé cette période de pandémie qui a bouleversé tous les équilibres ?
DB : La pandémie a ralenti quelque peu nos activités, mais elles ont repris de plus belle. Elle a peut-être agi comme un électrochoc, avec une recherche de résilience qui pousse à  solariser ses toits notamment pour s’assurer d’une production locale et propre d’électricité, renforçant l’attrait pour nos solutions thermiques et photovoltaïques. L’incertitude de la période pandémique laisse donc place à une volonté d’énergie locale.
« Attente d’une continuité dans l’action publique
PS : Quel est aujourd’hui le réel impact de la hausse des prix des matériaux sur la filière solaire ?
DB : La situation des approvisionnements est aujourd’hui très difficile. Les coûts ont explosé : celui de l’acier a doublé, les modules ont augmenté de plus de 20%. C’est particulièrement difficile pour les projets en toiture. Ce qui accroit cette difficulté est que l’on n’en voit pas la fin. Cela risque d’avoir des conséquences sur le rythme de construction des centrales. Les professionnels font tout pour trouver des solutions. Malheureusement, ces délais et coûts se sont confirmés lors des échanges que nous avons pu avoir au salon Intersolar. En ce sens, l’annonce de la confirmation de l’usine de REC en région Grand Est est une bonne nouvelle pour libérer des aléas de transport, et participera à la dynamique solaire.
PS : Les élections sont dans un peu plus de six mois. Des attentes à formuler pour le prochain président de la République ?
DB : Enerplan attend en premier lieu une continuité dans l’action publique. La visibilité que nous avons désormais doit être confirmée pour notre secteur : les objectifs de la PPE sont forts, Enerplan souhaite qu’ils soient confirmés voire accrus au plus vite, par rapport aux enjeux climatiques Il faut également avancer dans la levée des blocages administratifs que l’on connaît sur le terrain, notamment sur les autorisations d’urbanisme. Il faut insuffler une dynamique suffisante pour lever ces blocages. J’attends également que l’État ne reparte pas dans des mesures arbitraires rétroactives comme la révision des tarifs S6-S10. Pas ça ! Jamais ça ! Notre syndicat est au travail pour faire œuvre de pédagogie sur les possibles du solaire à  moyen terme, et faire des propositions qui nous permettrons d’atteindre les objectifs de la PPE pour 2028, alors que nous sommes en retard sur ceux de 2023. Réaffirmer ces grands enjeux, ce besoin de solaire dans notre mix pour décarboner la chaleur et accompagner la hausse des besoins d’électricité est une nécessité.