Au-delà d’une puissance installée de 500 kW en solaire photovoltaïque, la règle de contractualisation pour le producteur d’énergie verte change à partir de l’AO CRE4, combinant la vente sur le marché de gros (dit « spot ») à un complément de rémunération qui vaut obligation d’achat avec l’opérateur historique EDF. A la clé, la naissance d’un nouveau métier : agrégateur. Directeur du développement chez Sun’R Smart Energy, Pierre Guerrier a préparé sa société à relever ce nouveau défi de vendre des électrons verts sur ce marché spot. Agrégateur : un métier d’anticipation, d’optimisation et d’équilibre !
Ces dernières années, le groupe Sun’R a développé un parc de plus de 70 centrales solaires, dont sa filiale Sun’R Smart Energy a fait un laboratoire pour se préparer à son nouveau métier d’agrégateur. Deux années de tests et d’évaluations pour maîtriser l’intermittence et le coût des écarts, pour ne rien laisser au hasard et peaufiner un savoir-faire technique et mathématique dans les conditions du réel.
Marché spot + complément de rémunération
Le métier d’agrégateur est né du nouveau mécanisme d’achat qui prévaut pour les appels d’offres CRE à compter de 2017. Cette nouvelle logique de contractualisation repose sur la vente d’une partie de la production solaire sur le marché spot à prix fluctuant, abondée par un complément de rémunération qui permet de rentabiliser et sécuriser l’investissement réalisé sur base d’un tarif fixe de référence. Cette initiative, comme souvent d’ailleurs dans le solaire, a été inspirée par le marché allemand et son « feed-in premium » à l’instar des Anglais sous le terme de « contract for difference ». Outre-Rhin, le feed-in premium a même été vivement encouragé par le gouvernement allemand qui a octroyé une prime incitative amenant notamment les producteurs à basculer leurs actifs sous obligation d’achat vers ce dispositif. Cette nouvelle donne a eu pour effet de libéraliser davantage le marché spot et de lui accorder une meilleure liquidité par la multiplication des transactions et des flux générés, stimulant et fluidifiant de la sorte ce marché naissant et prometteur pour le développement des EnR. « Cette politique d’incentive a, qui plus est, su rassurer les investisseurs et les banquiers » souligne Pierre Guerrier, pour qui producteurs et agrégateurs verraient d’un bon Å“il un tel dispositif sur le marché français dans l’objectif d’accélérer la transition énergétique. Mais nous n’en sommes pas encore là , juste aux prémices du complément de rémunération qui se met en place pas à pas.
Dans le solaire, l’heure est à la modélisation et la cotation pour les appels d’offres
Déjà pourtant, certains opérateurs de centrales historiques ont dû initier le mouvement vers la vente directe. C’est le cas dans la petite hydraulique, l’éolien ou dans la méthanisation qui voient d’ores et déjà des contrats d’achat arriver à échéance et basculer sur le marché spot. Dans le solaire, l’heure est plutôt à la modélisation, la mesure de déviation par rapport à la filière et au chiffrage dans le cadre des consultations des dossiers des futurs appels d’offres. Et autant dire que profiler une centrale qui n’existe pas, et « pricer » le prix le plus fin aux producteurs sans prendre le risque d’exploiter à perte, n’est pas une mince affaire. D’autant que l’agrégateur répond des écarts entre production et programmation ! Tout est donc question de savoir-faire opérationnel (connaissance des contraintes de production), et de maîtrise de l’intermittence (monitoring en quasi temps réel, prévision court terme, optimisation complexe). L’agrégateur doit ainsi appréhender la production des centrales en projet au plus juste et fixer sa commission d’agrégateur soit variable, soit fixe en pourcentage en euro du MWh produit. Ce n’est qu’à cette condition qu’il sera en capacité de pouvoir garantir le fameux M0, la moyenne pondérée des prix sur le marché spot, au producteur, sans trop s’éloigner de la réalité. Il en va là de la compétence de l’agrégateur en matière de prédictibilité, de monitoring et d’optimisation éprouvée pour opérer les meilleures ventes sur le marché spot de l’électricité, et ce dès 2018 pour les premiers MWh du CRE4 mis en service.
Maîtrise du coût des écarts
Pour être à la hauteur de l’engagement de confiance dans ce métier d’optimisation, Sun’R Smart Energy a beaucoup travaillé sur son parc de centrales existantes pour valider des courbes d’apprentissage mais a aussi beaucoup investi dans la technologie en élaborant son propre logiciel d’optimisation. « Parmi les valeurs ajoutées que nous pouvons apporter au client de la filière solaire à laquelle nous nous adressons notamment, nous mettons en avant notre expertise en tant qu’exploitant, notre capacité à retraiter les données de production, notre savoir-faire propriétaire en optimisation complexe (stochastique) permettant de développer des algorithmes sophistiqués pour opérer finement notre centrale virtuelle (« Virtual Power Plant »). Nous disposons de compétences humaines et technologiques à la pointe pour assumer cette incertitude de la production et sécuriser les revenus de nos clients. Notre savoir-faire intègre d’ores et déjà les nouvelles classes d’actifs tel que le stockage, ainsi que les différents marchés de valorisation actuels et futurs : c’est la force de Sun’R Smart Energy, travailler avec ingénierie et en « avance de phase ». Nous assumons ainsi pleinement et durablement la responsabilité et la maîtrise du coût des écarts, notre société ne s’est pas improvisée agrégateur à la naissance de ce nouveau marché plus pointu qu’il n’y paraît » précise Pierre Guerrier. Quid dans le cas d’un déséquilibre offre /demande avec comme cela arrive parfois des prix négatifs de l’énergie sur le marché spot ? « Nous n’allons pas demander au producteur de payer. Nous préférons être sa vigie en le prévenant, et idéalement en découplant nous-mêmes la centrale solaire s’il nous y autorise via un pilotage à distance pour éviter son exposition. Si nous nous trompons, nous rémunérerons le producteur comme s’il avait injecté. Nous jouons le rôle de garde-fou » poursuit le dirigeant.
Foisonnement des actifs pour pallier l’intermittence
On l’aura compris, ce métier qui consiste à étalonner à la demi-heure les productions du jour sur des prévisions de la veille demande une connaissance et une expertise sensible des moyens de production. Au-delà de ce savoir-faire, l’intérêt d’un agrégateur se trouve aussi dans l’agrégation des volumes traités qui réduisent les coûts d’accès au marché mais aussi dans la confection d’un bouquet énergétique autour d’une variété de ressources mutualisées. « L’effet de foisonnement permis par la complémentarité d’actifs agrégés tantôt à forte variabilité tantôt semi pilotables, permet de répartir le risque et de pallier l’intermittence grâce à une certaine forme de flexibilité. A ce titre et en plus de la production, quelques actifs de stockage court terme couplés au réseau de distribution et pilotés à l’aide des nouvelles technologies software et big data, constitue un modèle d’affaires territorial optimisé et intelligent pour un agrégateur » conclut Pierre Guerrier qui n’a de cesse de peaufiner ses futures offres de services aux producteurs d’énergies renouvelables. Autant de business models qui auront encore toute leur place, même après la fin du dispositif transitoire de complément de rémunération prévu pour deux fois trois ans dans la PPE , lorsque l’intégralité de l’électricité produite sera négociée sur le marché spot. Et au vu de l’accroissement ultra rapide de la maturité et de la compétitivité des énergies renouvelables, ce complément de rémunération pourrait fortement être allégé dans ce laps de temps. Quelques années à peine pour laisser Sun’R Smart Energy devenir un grossiste de l’énergie renouvelable, intermédiaire bardé de compétences entre les producteurs et le marché !
Encadré
Qui sont les agrégateurs ?
Parmi les agrégateurs présents sur le marché, on pourrait distinguer trois catégories : les gros « utilities » de type Engie ou la CNR (Compagnie Nationale du Rhône), les acteurs allemands qui disposent d’une certaine expérience du sujet sur un marché à la configuration plus liquide, et enfin les alternatifs français tels qu’Hydronext qui dispose déjà d’une courbe d’expérience avec la sortie des Obligations d’achat des centrales hydrauliques, ou Sun’R Smart Energy qui en expert de la maîtrise de l’intermittence utilise les centrales de Sun’R tel un banc de tests.
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