Pour sa septième et dernière escale africaine, Energy Observer s’est arrêté en Namibie, l’un des pays au potentiel photovoltaïque les plus élevés au monde. Le navire laboratoire fait escale dans un État qui ambitionne de devenir l’un des leaders de l’exportation d’hydrogène vert à horizon 2030, alors qu’il importe aujourd’hui près de 60 % de sa consommation électrique tout en s’engageant résolument dans la transition énergétique.
Avec en moyenne 300 jours de soleil par an et de longues journées, dont la durée oscille entre 11 h et 14 h en fonction des saisons, la Namibie se situe juste derrière le Chili qui détient le record mondial d’ensoleillement. Soit plus de 3 000 heures de soleil annuel à la disposition de l’un des pays les plus stables politiquement du continent. La fraîcheur de la Namibie est également un facteur important qui améliore le rendement des panneaux photovoltaïques, phénomène que l’équipage d’Energy Observer constate quotidiennement sur le pont du navire. Elle est en grande partie attribuable au courant marin froid de Benguela qui longe la côte ouest de l’Afrique australe.
Remarquables ressources énergétiques renouvelables et minières, investissements massifs dans le dessalement de l’eau de mer, projets massifs de production d’hydrogène vert, Energy Observer se devait d’aller découvrir et documenter les enjeux de ce pays hors normes. Pour cette 81e escale, le navire laboratoire est amarré au Yacht Club de Walvis Bay, seul port de commerce en eau profonde du pays et futur terminal de carburants bas carbone, idéalement placé sur les routes maritimes de l’Atlantique Sud.
La Namibie amorce sa transition énergétique
Agathe Roullin, reporter embarquée, et Victorien Erussard sont allés visiter et filmer une impressionnante usine de dessalement de l’eau de mer, installée par la société française Orano. L’un des problèmes majeurs de la Namibie est le manque d’eau, avec des précipitations qui dépassent à peine la vingtaine de millimètres à l’année dans l’ouest du pays (soixante fois moins qu’à Brest) et des ressources en eau douce énormément sollicitées par l’industrie minière. Pour rappel, le sous-sol est d’une richesse hors du commun avec notamment de l’uranium (la Namibie en est le 3e producteur mondial) dans la région d’Erongo (Walvis Bay). Une ressource minière qui représente environ 10% du PIB du pays et plus de 60% des recettes d’exportation sur la période 2017-2019. Pour remédier à ce manque d’eau douce et répondre à ses besoins, la société française Orano (ex Areva) a installé le plus grand complexe de dessalement d’eau de mer à osmose inverse d’Afrique australe. Orano se réserve la possibilité de quasi doubler sa production annuelle en passant à 25 millions de mètres cube d’eau douce, « soit l’équivalent de 10 000 piscines olympiques », voire d’engager de nouveaux investissements faisant passer la production du site à 45 millions de mètres cube. C’est aussi ici que le paradoxe namibien vient au grand jour. Les pompes à eau de mer qui alimentent le site d’Erongo sont électriques et elles-mêmes alimentées par de l’électricité achetée à son voisin sud-africain. « La Namibie dépend pour 60 % de sa consommation électrique d’importation via des contrats passés entre autres avec l’Afrique du Sud, dont l’essentiel de la production est produit par des centrales à charbon… » A court terme, Orano souhaite décarboner une partie de son activité et vient de se lancer dans la construction d’une centrale solaire.
Des projets et des ambitions… Ã horizon 2030Â
La transition énergétique est en marche même si elle reste à amplifier. Des défricheurs sont déjà en place avec HDF Energy, futur projet de centrale solaire « Renewstable » utilisant de l’hydrogène vert pour remédier à l’intermittence propre au photovoltaïque. « L’idée est de faire du « power to power », en produisant de l’hydrogène comme moyen de stockage (centrale solaire 85 MW) et utiliser localement cette électricité, explique Tashiya Walenga, responsable du projet. Pour l’instant nous avons mis en place une petite station pour suivre et mesurer les conditions et le rendement des panneaux solaires test, avant de démarrer la construction dans le courant de l’année 2024. »
À une autre échelle, la co-entreprise Cleanergy Solutions Namibia (CMB TECH et O&L) a lancé la construction d’un démonstrateur en présence d’Energy Observer, qui sera suivi d’un parc solaire de 10 hectares, accompagné d’une installation de production d’hydrogène équipée d’un électrolyseur de 5 MW. Cette usine doit constituer la première installation de production d’hydrogène de ce type en Afrique australe, exploitant directement l’énergie solaire du parc pour produire de l’hydrogène vert, qui sera ensuite distribué dans une station de ravitaillement ouverte au public. « Des projets ont reçu des agréments, poursuit l’équipe d’Energy Observer. Des études environnementales ont été réalisées, des financements ont été validés par le gouvernement. La transition énergétique du pays est lancée, mais va mettre encore quelques années à se concrétiser. » Par exemple, la société Hyphen Energy projette de produire à terme 350 000 tonnes d’hydrogène vert chaque année, pour une capacité de 5 à 6 GW de production renouvelable et environ 3 GW de capacité d’électrolyse. Ou encore, le Daures Green Hydrogen Village, qui vise à produire 31 tonnes d’hydrogène et 109 tonnes d’ammoniac par an pour commencer. Tous les ingrédients pour réaliser de l’hydrogène vert sont en place sur un territoire au potentiel exceptionnel, constate l’équipe d’Energy Observer. « La Namibie présente une stabilité politique exemplaire sur le continent, complète Victorien Erussard. Un atout pour les investisseurs. Le pays affiche aussi clairement ses ambitions de transition énergétique. Avec seulement 2,6 millions d’habitants, il devrait rapidement pouvoir mettre en place son autonomie énergétique. L’énorme potentiel de la Namibie lui ouvre sans aucun doute des perspectives d’exportation à une échéance pas si lointaine que cela, si son engagement est à la hauteur de ses ambitions. » Â
Deux axes principaux ont fait l’objet de tournages en Namibie, venant compléter les autres sujets produits en Afrique : Comme pour chaque pays visité, une introduction aux équilibres énergétiques locaux baptisée « How green is.. », puis un sujet spécifique sur les productions d’hydrogène décarboné et leurs enjeux environnementaux et sociétaux.