Percuté de plein fouet par les annonces de la première ministre Elisabeth Borne sur la réforme des retraites, le projet de loi « relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables », dit projet de loi ENR, a hélas été voté ric-rac en catimini et dans l’indifférence générale avec une courte majorité – grâce aux voix des socialistes – ce mardi 10 janvier à l’Assemblée nationale (286 ont voté «pour» quand 236 l’ont rejeté). Loin du consensus du Sénat. Mais au-delà du vote, voilà ce que contient la loi en matière de solaire !   Â
« De ce projet de loi voté, l’obligation d’installer des ombrières photovoltaïques sur les parkings dès 1500 m² de surface est incontestablement la mesure la plus favorable au déploiement du solaire, celle qui libère le plus de foncier », estime Jules Nyssen, président du Syndicat des Energies Renouvelables. Cette obligation est la mesure phare de la loi. Elle s’appliquera sur au moins la moitié de la superficie des parkings des grandes surfaces, des centres commerciaux, des sites industriels, des hôpitaux, des zones logistiques etc. Elle devrait permettre la mise en service assez rapide d’une dizaine de GW et de ce fait d’accélérer le déploiement de l’énergie solaire en France, dont l’objectif a été fixé par Emmanuel Macron lors de son discours de Belfort en février dernier, à plus de 100 GW en 2050.
No parking, no business…
Les ombrières de parkings représentent un indéniable gisement pour le solaire. Installées sur des sols déjà artificialisés, elles ne génèrent aucun conflit d’usage. Elles disposent de nombreux avantages notamment sur les délais d’installation qui sont en moyenne de 18 mois contre plus de cinq ans pour une centrale au sol. Ces structures génératrices d’électricité protègent également les véhicules des aléas climatiques (chaleur, pluie) et offrent aux conducteurs de voitures électriques la possibilité de faire le plein d’électrons. Autre point fort pour le président du SER : « Bien souvent, ces projets ne coûtent rien aux propriétaires du parking ». Ce sont en effet les développeurs qui investissent sur ces espaces et revendent ensuite l’électricité aux propriétaires, via notamment les très en vogue PPA, à un coût extrêmement compétitif. « Les panneaux pourraient s’étendre sur 60 millions de mètres carrés » estime Laetitia Brottier, vice présidente d’Enerplan. Les parkings de plus de 10 000m² auront jusqu’au 1er juillet 2026 pour se mettre en conformité quand les plus petits auront deux ans de plus. Passés ces délais, les propriétaires s’exposeront à une amende pouvant atteindre jusqu’à 40 000 euros par an. Initialement, le gouvernement avait par exemple, fixé le seuil des parkings concernés à 2 500 m². Une ambition trop mesurée pour les écologistes qui ont proposé 250 m². Le compromis trouvé autour des 1500 m² semble satisfaire un peu tout le monde. Ce sera à la commission mixte paritaire (CMP), composée de députés et sénateurs, de conforter ce choix. Exégèse du texte prévue à partir du 16 janvierau 24 janvier prochain. Un rendez-vous qui pourraient donner des sueurs froides au gouvernement tant les textes votés au Palais Bourbon et au Palais du Luxembourg sont différents.
« On ne sera jamais à 100 GW en 2050 »
En vrac, d’autres sujets solaires ont animé les débats à l’heure des discussions autour de cette loi. L’agrivoltaïsme qui consiste à installer des panneaux photovoltaïques au sein d’exploitations agricoles, dans l’objectif de concilier production d’énergie et rendement agricole en fait partie. Aucune loi n’encadre pour le moment ce procédé. Certains écologistes sont vent debout contre cette technologie au nom de la terre nourricière. Sous l’impulsion de la majorité présidentielle, les députés ont donc décidé d’encadrer la pratique et de prévoir des garde-fous. Les critères pour qu’un champ soit éligible seront notamment établis au niveau départemental par les chambres d’agriculture. A l’évidence, des ralentissements sont à prévoir pour le développement de l’agrivoltaïsme. La possibilité de dérogations à la loi Littoral a aussi été adoptée pour l’installation de panneaux photovoltaïques dans des friches situées en zone côtières, et donc protégées par cette réglementation. Un autre article permet également la construction de centrales solaires au sol dans les stations de montagnes, « en discontinuité d’urbanisme » dans les communes où cela n’était jusqu’à présent pas permis. Toutes ces mesures qui ont objectif de fluidifier les implantations solaires, sont soumises à des injonctions en matière de biodiversité et de souveraineté alimentaire. L’artificialisation des sols est une ligne rouge à ne pas franchir aux yeux des collectifs écologistes ou des élus locaux lors de l’installation de centrales solaires. L’accueil des projets photovoltaïques par la population fait parfois l’objet de crispations au niveau local. Un aspect sur lequel les députés ont d’ailleurs insisté lors de l’examen du texte : le gouvernement, qui envisageait de remplacer par de simples consultations en ligne les « enquêtes publiques » avant la construction de certaines centrales solaires, a vu sa proposition retoquée. Une vision qui inquiète au SER. « Si on se contente des parkings, des toits, des friches…, on ne sera jamais », à 100 GW en 2050, l’objectif présidentiel » prévient Jules Nyssen.