L’aventure industrielle de la société EliFrance installée à La Talaudière (42) ne date pas d’hier. Elle a débuté en 1941 sous le nom de CRC (Compagnie Radioélectrique du Centre) alors spécialiste des systèmes industriels. Passée ensuite sous le giron de Schlumberger puis de Flextronics, elle sera reprise par un groupe italien et deviendra Elifrance en juillet 2010. A son savoir-faire expert en matière d’électronique, elle ajoutera alors une activité de production de modules photovoltaïques. Autour d’un leitmotiv : Appliquer la même rigueur technologique au solaire qu’à l’électronique !
« Je suis un peu surpris par l’industrie solaire. Je rêve de voir un jour la même rigueur technologique dans le monde industriel du solaire que dans celui de l’électronique. Je rêve d’une industrie du solaire qui aurait le même Watt, les mêmes valeurs. Par exemple, la règle des « tolérances positives », c’est un concept commercial mais absolument pas technique. Dans le solaire, aucune règle ne tient la route » assène un tantinet agacé Damien Vernay, manager général d’EliFrance. Il faut dire que pour cet ingénieur de formation expert ès électronique les modes opératoires et les standards technologiques de l’industrie solaire demeurent plus que jamais perfectibles. « Pas trop sérieux tout cela. C’est un signe qui montre que cette industrie n’est pas vraiment encore mature » lance-t-il encore. Dans l’électronique, la gestion stricte des gaussiennes et la précision au dixième de digit sont la règle. Pas de place pour la moindre fantaisie !
« Notre métier, c’est la brasure de précision »
Au sein de la société Elifrance, l’activité photovoltaïque s’est en fait intégrée dans des process existants issus de l’électronique de pointe, l’ADN de la société. « Notre métier, c’est la brasure de précision, c’est là où nous avons des références » confie Damien Vernay. Et des références, Elifrance n’en manque pas. Tour à tour rachetée par Schlumberger et Flextronics, la Compagnie Rédioélectrique du Centre ancêtre d’Elifrance, est devenue une des pépites de l’électronique mondiale. Nantie de l’ensemble de cet héritage, la société EliFrance produit des cartes électroniques sur la base de cahier des charges ardus et autour de mises au point fastidieuses pour des clients aussi exigeants que Thales, Safran, Zodiac Aerospace etc. Les domaines d’interventions sont éclectiques entre défense militaire, aéronautique, optique ou encore matériel médical avec le traitement d’images issues des IRM. Autant d’activités qui ne laissent guère de place à l’improvisation comme les cartes assurant le guidage de missiles porteurs de charges militaires. Dans ce contexte, EliFrance est évidemment forcée de s’appuyer sur un socle inamovible de process qualité et traçabilité, armée de l’ensemble des normes possibles et inimaginables. La société affiche d’ailleurs fièrement dans son hall d’entrée ses certificats ISO 9001, ISO 14 001 et surtout EN9100 Version 2009 mais aussi depuis le 1er juillet dernier le certificat OHSAS, référentiel reconnu mondialement pour les systèmes de gestion de la santé et de la sécurité au travail. Cette certification est d’ailleurs désormais obligatoire pour vendre des capteurs en Italie. Le label AQPV fait bien entendu également partie de l’arsenal des témoins de qualité de la société en matière de fabrication de modules solaires. « Tout cela demande beaucoup de temps avec des audits à répétition très chronophages mais aussi et surtout un gros effort collectif de l’ensemble des salariés. Car qui plus est et à chaque changement, il faut revoir la certification. Ce qui nous pousse à dire qu’avec ces modifications incessantes sur les plans à la fois législatif et technique, tout le monde est délinquant par rapport aux certifications dans le solaire » reconnaît Damien Vernay. Une autre preuve du manque de maturité du secteur !
95% Ã l’export en Italie
Mais finalement comment une unité de production solaire a-t-elle atterri dans cette usine de La Talaudière dédiée à l’électronique ? En juillet 2010, le groupe Pufin dirigé par le chef d’entreprise italien Massimo Pugliese, a racheté ce site de production électronique à Flextronics. En 2005, il avait déjà acheté un site à Flextronics en Italie au sein duquel il a initié une diversification dans le solaire photovoltaïque. En janvier 2010, l’usine italienne d’El.Ital a en effet été équipée d’une ligne de production de 30 MWc de capacité. L’usine de La Talaudière a connu la même diversification avec la mise en place dès octobre 2010 d’une ligne de 20 MWc de capacité pour un investissement global de 3,5 millions d’euros. Le premier panneau est sorti de la ligne française courant février 2011 en plein moratoire. Comme un symbole ! « L’inauguration n’a eu lieu qu’en octobre 2011. L’image du solaire avait connu une telle dégradation qu’aucun des politiques contactés ne voulaient venir en parler » rappelle Damien Vernay. Un comble pour une énergie propre sensée porter le développement des emplois d’avenir. Voilà qui est en tous les cas très révélateur de la virulence des actions menées par des contempteurs sans scrupule. « La campagne de dénigrement a été d’une telle violence en France qu’il va falloir des années pour remonter la pente » estime le manager un brin dépité. Si l’on ajoute à cela la division par deux en un an du prix des modules sur le marché mondial, la compétition relève du parcours du combattant pour un fabricant installé en France. Fort heureusement pour EliFrance, la maison mère est, comme il a été dit, située en Italie, un pays où la planche du tremplin de l’énergie solaire n’ pas été savonnée comme dans l’Hexagone. « Pour 2012, nous allons produire une quinzaine de MW solaires et 95% de ces modules prendront la direction de l’Italie où notre usine est en stock négatif. Une sacrée bouffée d’oxygène. Nous pensions équilibrer les activités EMS (Electronic Manufacturing Services) et le solaire photovoltaïque. En réalité, nous sommes à 2/3 EMS et 1/3 solaire. En fait, grâce à cette double activité, nous sommes à l’abri des remous. Nous sommes flexibles, nos 125 employés sont globalisés et peuvent tout faire. Nous ne faisons aucune prévision sur le solaire mais il nous est facile de réactiver une équipe sur cette activité si besoin. Nous nous inscrivons dans la durée » se réjouit le manager d’ElFrance.
Sortir le plus vite possible des aides
Pour 2013, certains appels d’offres gagnants intègrent des modules EliFrance à hauteur de plusieurs MW notamment avec des projets dans le sud de la France. Un petit amorçage ! Mais ces seuls appels d’offres et les quelque projets de 100 kWc réalisés ne suffiront pas à faire bouillir la marmite. Damien Vernay estime que pour réveiller vraiment ce marché du solaire photovoltaïque il est nécessaire de sortir le plus vite possible des aides. En route vers l’autonomie. A ce titre, Damien Vernay évoque l’idée de l’autoconsommation qui fait son chemin et deviendra rapidement une alternative crédible. « C’est l’avenir. Plus une usine aujourd’hui ne devrait se construire sans panneau solaire avec la part d’autoconsommation qui va avec » estime-t-il. Il défend également le concept de centrale villageoise où le solaire photovoltaïque mutualisé n’en a que plus de sens. Un projet fédérateur de ce type est d’ailleurs à l’étude sur le parc du Pilat non loin de La Talaudière. « On peut jouer sur l’effet volume et la mutualisation de l’ensemble des services. Le modèle est ensuite très facile à dupliquer par exemple sur des zones de déchets. Dans tous les cas, il y a urgence à valoriser l’énergie. C’est l’un des problèmes français. L’énergie n’est pas assez valorisée ici en France » conclut Damien Vernay qui croit dur comme fer en l’avenir solaire d’EliFrance qui a fait de la rigueur technologique et de la qualité son cheval de bataille. Une marotte qui permet de résister à tous les soubresauts d’un marché en devenir !
Encadré
Solland Solar, EliFrance et El.Ital : Un groupe verticalement intégré
Pour ne pas être dépendant de l’amont de la filière, le groupe Pufin a mis la main en début d’année 2012 sur la société Solland Solar spécialiste européen de la fabrication de cellules photovoltaïques en silicium polycristallin. Avec sa capacité de production de 130 MWc suivant les process de fabrication européen, le site alimente les usines d’encapsulation du groupe, en France et en Italie. « Le marché européen laisse encore une marge importante à la croissance et au développement et suite à la création d’un groupe verticalement intégré, qui va représenter l’un des principaux opérateurs européens du secteur photovoltaïque, grâce aussi aux investissements de plusieurs millions d’euros réalisés en grande partie par Solland Solar Cells, nous sommes prêts à prendre part à cette croissance » commente Massimo Pugliese, PDG du Groupe Pufin. « Nous croyons sincèrement que la qualité des produits sera l’élément qui à l’avenir fera la différence pour concurrencer les productions à bas coût venant d’Extrême Orient. Nous avons pour objectif de créer un produit totalement européen, le savoir-faire et l’innovation pouvant être des facteurs de différentiation que la clientèle, toujours plus attentive, saura apprécier en phase de maturité du marché ».
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