Par Neil Makaroff de la Fondation Jean Jaurès
177 300 emplois industriels verts pourraient être menacés ou ne jamais voir le jour si le Rassemblement national (RN) accède au pouvoir le 7 juillet. La politique menée par le parti d’extrême droite s’attaquerait directement à l’éolien et au solaire, au tournant vers la voiture électrique ou encore au déploiement des pompes à chaleur. De quoi inquiéter les industriels, qui face à un gouvernement hostile, pourraient choisir de fermer les usines en France pour les délocaliser dans des pays qui prennent vraiment le virage de la transition. En d’autres termes, d’après Neil Makaroff, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès, le RN pourrait être à l’origine d’un grand plan social dans des filières pourtant prometteuses pour la réindustrialisation de l’économie.
Que ce soit la filière de la voiture ou des bus électriques, la production d’éoliennes et de panneaux solaires ou encore la fabrication de pompes à chaleur, l’industrie de la transition ne représente pas moins de 49 100 emplois industriels en France. En ajoutant les opérateurs de maintenance et d’installation, notamment d’éoliennes et de panneaux solaires, ce chiffre peut être estimé à environ 85 670 emplois. L’accélération de la transition écologique amplifie l’implantation d’usines de technologies vertes en France. De nombreux projets sont à l’étude et devraient voir le jour dans les prochaines années, permettant de doubler le nombre d’emplois liés à l’industrie de transition et au déploiement des énergies renouvelables. Au total, à en croire les estimations des acteurs de ces secteurs, d’ici 2035, l’industrie de la transition écologique pourrait représenter 177 300 emplois sur notre territoire, soit la création d’en moyenne 25 nouveaux postes par jour dans l’industrie verte.
La croisade du RN contre les énergies renouvelables menace l’industrie française
Au gouvernement, Jordan Bardella et Marine Le Pen opéreraient un changement de cap sur les énergies renouvelables. Ils souhaitent arrêter tout nouveau projet éolien et démanteler les parcs existants. Ils ont voté contre les soutiens au développement de la filière solaire à l’échelle européenne. En plus d’amoindrir la souveraineté énergétique du pays, cette politique menacerait plus de 9 400 emplois industriels dans l’éolien et le solaire. Cela sans compter les impacts sur le reste de la chaîne de valeur, comme la maintenance, l’installation et le développement des projets renouvelables, qui représentent environ 36 500 emplois. Pourtant le secteur, tiré par la crise énergétique, est en plein essor. L’ouverture des usines solaires à Hambach ou Fos-sur-Mer en 2027 et 2028 tout comme les chantiers d’éoliennes en mer au Havre par exemple pourraient contribuer à la création de plus de 50 000 nouveaux postes d’ici à 2035. Cela tant dans la fabrication que dans l’installation et la maintenance d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques.
Incertitude dans le monde des pompes à chaleur
De la même manière, l’incertitude domine l’industrie de la pompe à chaleur. De Mertzwiller en Alsace à de Feuquières-en-Vimeu dans la Somme, en passant par Saint-Thégonnec-Loc-Eguiner en Bretagne, elle compte plus de 6 600 emplois industriels. L’ouverture de nouveaux sites notamment à Châlon-sur-Saône ou Tillières-sur-Avre pourrait conduire à la création d’au moins 13 000 postes industriels supplémentaires d’ici à 2027.
Mise à mal de la renaissance automobile française
Contrairement à ce qu’affirme le RN, le secteur automobile n’a pas attendu le tournant vers la voiture électrique pour connaître une désindustrialisation. Entre 2010 et 2020, il a perdu 100 000 emplois en raison des choix industriels des constructeurs. L’émergence de la voiture électrique a, au contraire, contribué à enrayer la chute du secteur en relocalisant pour la première fois la filière sur le territoire européen. Au moins 31 000 emplois industriels en dépendent. De nombreux sites industriels comme ceux de Stellantis à Sochaux, ou Renault à Cléon et Douai accèdent à une seconde vie, permettant aussi la reconversion des emplois existants.
Mieux, ce tournant stimule la création de nouvelles industries dans les mêmes territoires qui ont connu des vagues de désindustrialisation. C’est le cas pour la filière de la batterie qui compte d’ores-et-déjà près de 2 000 emplois et en attend au moins 6 600 de plus d’ici 2026 dans les Hauts-de-France. Au total, environ 20 000 emplois supplémentaires pourraient être créés dans la chaîne de valeur de la voiture électrique d’ici 2035. Plutôt que de vouloir accompagner cette transformation et soutenir les ménages à accéder à des voitures électriques moins chères, le RN promet de faire marche arrière sur la fin de vente des voitures thermiques neuves en 2035.
Et pourtant, la course mondiale aux technologies vertes est lancée. La Chine et les États-Unis prennent une longueur d’avance, attirant investissements et emplois. La France pourrait tirer son épingle du jeu et utiliser la transition écologique comme un outil de réindustrialisation de ces territoires. Toutefois, avec l’arrivée au pouvoir du RN, le risque de délocaliser cette industrie naissante et de perdre les emplois qui en découlent est grand. De Nersac à Merville en passant par Lens, Annonay, Douai ou encore Plabennec, les villes qui doivent leur renaissance économique à la transition écologique pourraient bien subir une nouvelle vague de désindustrialisation.