Qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage ? Neuf grands énergéticiens européens se sont donc rendus à Bruxelles, en cet automne 2013, porter la bonne parole auprès de la Commission. Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez en figure de proue. Ils sont venus pour dire stop : Stop au développement des énergies renouvelables dans le Vieux Continent auquel sied plus que jamais merveilleusement cette locution. Un fossile n’est-il pas quelqu’un qui a des idées désuètes ?
Pour étayer leur requête et infléchir les décisions de Bruxelles, ces ardents défenseurs des énergies fossiles ont fourbi leurs arguments en jetant l’anathème sur ces énergies décentralisées responsables, selon eux, de tous leurs maux. Inventaire à la Prévert des doléances. Les énergies renouvelables sont chères et pèsent sur le pouvoir d’achat des consommateurs. Elles déséquilibrent le marché, perturbent le réseau, obligent à la fermeture de centrales au gaz et seront à coup sûr responsables du futur black-out d’un hiver européen rigoureux. N’en jeter plus, le calice est plein. Ils n’en veulent plus.
Pour ces énergéticiens, les renouvelables, c’est l’une des dix plaies d’Egypte. Ils ne croient pas si bien dire. Vous vous souvenez de la fable de la grenouille et du scorpion. La grenouille énergie solaire qui aide le scorpion fossile à traverser la rivière. Ce dernier en proie à ces démons intimes préfère la noyer et mourir avec elle. Mais voilà que la grenouille refait surface suivant l’oracle de la deuxième plaie d’Egypte : « Et les grenouilles montèrent et recouvrirent l’Egypte ». Inexorablement, les énergies renouvelables vont submerger une grande partie du monde. Ils le savent.
Aujourd’hui, l’énergie solaire est devenue compétitive dans de nombreuses parties du globe. Partout sur la planète, elle commence à se faire une place au détriment des grands monopoles en place qui sont donc partis en croisade pour endiguer cette poussée. L’endiguer pour mieux la maîtriser. Si d’un côté ces grands opérateurs dénigrent et vilipendent les énergies décentralisées, en sous main, ils multiplient les rachats, forment les collaborateurs aux renouvelables, préparent leurs équipes et poursuivent des campagnes de publicité qui ne sont pas que du green washing sur ces énergies du futur. Pourfendre pour mieux s’accaparer. Un implacable paradoxe qui montre que le scorpion se verrait bien grenouille.