Présidentielles : quelle place pour l’énergie solaire dans les programmes des deux candidats ? Par Dominique Le Baron, Responsable Marketing Solaire chez SCHOTT France.
La faute à la crise, aux déficits publics ? Sous prétexte de respecter la « règle d’or » européenne, avec pour objectif de revenir à l’équilibre budgétaire dès 2016 pour Nicolas Sarkozy et dés 2017 pour François Hollande, la diversification énergétique française vers des solutions propres et écologiques dans le cadre des engagements du Grenelle a été presque oubliée. Après la définition d’une politique généreuse et d’objectifs ambitieux par Jean-Louis Borloo dans le cadre du Grenelle de l’environnement, sous le gouvernement actuel, c’est comme si toute la classe politique faisait machine arrière sur l’environnement et en particulier sur le photovoltaïque, soudainement accusé de tous les maux. Curieusement l’écologie a été la grande absente des débats présidentiels, y compris en amont du 1er tour. Même Eva Joly a axé ses interventions médiatiques sur des débats sociétaux, oubliant quasiment la mission fondatrice de son parti. Cela ne lui a pourtant pas porté chance … Nicolas Hulot, écarté par les militants lors des primaires, continue cependant de défendre des valeurs écologiques.
Plus en profondeur, analysons ce qu’il en est des deux candidats en lice pour le second tour.
Du côté de François Hollande :
A l’occasion du Salon des Energies Renouvelables à Paris, le 5 avril 2012, Laurence Rossignol, Secrétaire nationale à l’environnement du Parti Socialiste soulignait que François Hollande, s’il était élu à l’issue des présidentielles, allait lancer (pendant 1 an !) un grand débat national sur la transition énergétique à compter du 3 juillet 2012. La meilleure façon de repousser les choses pour ne rien faire avant une longue année. François Hollande s’est pourtant engagé à respecter les engagements internationaux du pays pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à faire de la France la nation de « l’excellence environnementale ».
Dans ses 60 mesures pour la France, François Hollande confirme sa volonté de baisser la part du nucléaire dans la production électricité de 75% à 50% d’ici à 2025. Cela s’inscrit dans la mouvance européenne d’une sortie progressive du nucléaire ou encore d’une diversification du Mix énergétique, comme le montre les récentes décisions des gouvernements allemand, italien et suisse, qui devraient faire école en Autriche et en Belgique. François Hollande compte ainsi fermer Fessenheim, la plus ancienne centrale française, en exploitation depuis 1977, mais achever le chantier de l’EPR de Flamanville.
Si nous comparons la France au cas récent de l’Allemagne, une telle baisse du nucléaire dans le Mix énergétique français est pourtant ambitieuse : elle équivaut à la sortie du nucléaire de l’Allemagne en 2022, qui représentait 24% de son Mix énergétique en 2011. Depuis cette annonce de la chancelière Angela Merkel, il y a un an, l’Allemagne importe du gaz russe et a augmenté la production de ses centrales thermiques à charbon, pourtant fortement polluantes en terme d’émissions de CO2 La transition vers d’autres sources énergétiques propres doit être logiquement programmée en amont pour une mise en Å“uvre intelligente, tout en douceur.
Le programme présidentiel de François Hollande annonce des économies d’énergies avec « un vaste plan qui permettra à un million de logements par an de bénéficier d’une isolation thermique de qualité ». Un bon premier pas pour permettre une réduction de la consommation d’énergie. Pour la production énergétique de remplacement, en revanche, aucune ligne directrice sur l’évolution des tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque ou encore sur les appels d’offres n’apparait dans son programme. Seules de vagues propositions pour la filière photovoltaïque [http://francoishollande.fr/dossiers/energie-solaire-sortir-de-l-impasse-2/] sont mises en avant :
> Mettre en place un cadre réglementaire stable et transparent qui favorise le développement de la filière industrielle du photovoltaïque en France et en Europe.
> Créer un fonds de capital-investissement dédié aux énergies renouvelables au sein de la future Banque publique d’investissement. Il servira à soutenir l’innovation et les entreprises qui s’engageront dans la filière. Faire émerger des leaders mondiaux du secteur.
> Favoriser l’achat de panneaux européens en orientant les financements, les aides publiques et les allégements fiscaux vers les entreprises qui feraient ce choix.
Du côté de Nicolas Sarkozy :
En novembre 2010, Nicolas Sarkozy, après avoir nommé Nathalie Kosciusko-Morizet au Ministère de l’Ecologie, du développement durable, sur des dossiers qu’elle connaissait bien, s’est employé à détruire la filière photovoltaïque sous le motif qu’elle était sujette à la spéculation. S’il est légitime de vouloir maîtriser les coûts d’une énergie arrivée à une certaine maturité, il est dommage de vouloir tuer dans l’Å“uf toute une industrie solaire européenne. Après un moratoire de 3 mois de décembre 2010 à mars 2011, qui a eu pour effet de donner brusque coup d’arrêt au soutien de la filière photovoltaïque, le dernier arrêté de mars 2011 applique des baisses de tarif d’achat de l’électricité photovoltaïque à un rythme annuel déraisonnable, proche de 20% pour le résidentiel et de 40% pour les autres installations. De plus, il limite l’application des tarifs d’achat aux installations inférieures à 100 kWc.
En parallèle, des appels d’offres ont été mis en place pour les installations photovoltaïques de plus de 100 kWc. Les 1ers résultats pour le 1er appel d’offres sur les projets de 100 à 250 kWc ont été récemment publiés. Parmi les lauréats, 11 sociétés représentent 88% des 218 projets validés. Parmi les 3 premières sociétés, qui cumulent 53% des projets, deux ont des liens forts avec EDF EN (pour l’une EDF EN en est actionnaire, pour l’autre le PDG est un ancien collaborateur de EDF EN). EDF EN est encore une fois le grand gagnant des courses.
Dans la critique formulée par Nathalie Kosciusko-Morizet, qu’il se vendait essentiellement des panneaux chinois sur le territoire français, le gouvernement n’a pas beaucoup aidé les entreprises européennes. Sauf à avoir annoncé récemment en grande pompe la création d’un tarif d’achat bonifié de 10% sur les panneaux solaires d’origine française, puis européenne. Des premiers critères d’éligibilité ont été définis. L’Elysée s’est fendu d’un communiqué de presse officiel sur son site Internet en mars dernier. Ce tarif bonifié a été ensuite purement et simplement remis en cause, puis a été remis au goût du jour avec d’autres critères.
Créée il y a 30 ans, la PME française Photowatt, autrefois pionnière et fleuron de l’industrie solaire, a tout d’abord licencié 95 personnes en janvier 2011 puis a été placé sous liquidation judiciaire. Elle est sauvée in extremis par une reprise spectaculaire par EDF sous la pression gouvernementale avant la présidentielle. Pourquoi une reprise aussi tardive, alors que la société manque de compétitivité ?
Dés 2007, Nicolas Sarkozy avait annoncé : « Là où nous dépensons un euro pour la recherche nucléaire, nous dépenserons le même euro pour la recherche sur les technologies propres.». En 2010 en France, l’aide publique à la recherche pour le nucléaire civil s’est élevée à 440 M€, celle pour l’ensemble énergies renouvelables+stockage du carbone+ stockage de l’énergie à 340 M€, cachant cependant des disparités : 140 M€ pour l’ensemble biomasse+éolien+énergies marine+solaire, division par 2 pour le photovoltaïque entre 2008 et 2010.
En France, l’énergie nucléaire et plus récemment l’éolien avec le dernier appel d’offres off shore de 3 GW ont été privilégiés, avec la mise en avant de grands groupes industriels nationaux, comme Areva, EDF, Alstom, alors que chacun sait que ce sont avant tout les PME qui sont fortement créatrices d’emploi. Selon l’ADEME, en 2010, 26 000 emplois ont été créés dans la filière solaire photovoltaïque contre seulement 8 400 dans l’éolien.
Grand défendeur du nucléaire, Nicolas Sarkozy affirme vouloir « tenir l’objectif de 23 % de notre consommation finale en énergies renouvelables en 2020. » Le développement durable figure en effet dans le programme de Nicolas Sarkozy en dernier point. La bagarre des chiffres fait rage. Selon la société française de l’énergie nucléaire (SFEN), le nucléaire aurait créé en France 125 000 emplois directs et selon l’étude de Pricewaterhouse Coopers de mai 2011 – commandée par l’ancienne patronne d’Areva, Anne Lauvergeon – 410 000 emplois au total en tenant compte des emplois « indirects ». En revanche, Cécile Duflot, Secrétaire Nationale d’Europe Ecologie Les Verts, affirmait que le nucléaire représentait « au maximum 140.000 emplois ». Un certain consensus semble établir à 250.000 les emplois dans la filière se répartissant équitablement entre emplois directs et sous-traitance.