Daniel Bour, président de la Générale du Solaire et vice président de l’Observatoire de l’Energie Solaire Photovoltaïque reste sur sa faim après la présentation de la loi de programmation de la transition énergétique. En cause le mutisme de Ségolène Royal sur les moyens affectés au solaire pour en assurer son développement. Daniel Bour plébiscite une vraie reprise en main de ce secteur d’activité par les pouvoirs publics et le fait savoir en participant activement au G12 du solaire, douze PME du solaire qui se battent pour qu’enfin les choses bougent vraiment dans leur secteur d’activité. Interview
Plein Soleil : Que pensez-vous de la loi de programmation sur la transition énergétique présentée par Ségolène Royal ?
Daniel Bour : Il s’agit d’un texte de loi sans surprise Les objectifs en matière de développement des énergies renouvelables sont plutôt satisfaisant. Elle fixe un cadre qui permet de travailler. La loi ne pose pas question en revanche les moyens d’y arriver, oui. Notre frustration vient davantage de l’accompagnement de la loi ou plutôt du vide qui l’accompagne. Il n’y a rien de concret. C’est le grand silence. Je note par exemple que la loi ne fait en aucun cas référence à l’autoconsommation, la grande absente du texte de loi. Sur le solaire, on reste sur notre faim. Nous nous attendions à plus de commentaires, de précisions qui nous auraient permis de travailler tout de suite. En fait, nous attendons plus de détails sur le calendrier et les volumes et sur comment y parvenir. Depuis trop longtemps, nous travaillons sur un système bricolé inacceptable responsable de la destruction de nombreuses entreprises et emplois. Cette situation est aussi en mettre en parallèle et à comparer avec un marché mondial qui explose.
Les appels d’offres ne fonctionnent pas
PS : Que demandez-vous alors au gouvernement ?
DB : Les mesures d’urgence de court terme que l’on nous promet depuis des lustres. Cela fait deux ans et demi qu’il ne se passe pas grand-chose et que nous sommes dans l’attente de la loi afin de tout remettre à plat sur le solaire et repartir du bon pied. Au sein des appels d’offres, nous plébiscitons ainsi des volumes cohérents avec les ambitions annoncées. Nous disposons tous de centaines de MW à développer. Du jour au lendemain, nous sommes en capacité de réaliser 2GW par an. Regardez le futur appel d’offre CRE qui devait être annoncé au premier trimestre puis avant l’été. Voilà maintenant que Ségolène Royal nous l’annonce pendant l’été ! Il est régulièrement reporté. Et quid des appels d’offres simplifiés dont on ne sait pas encore s’ils vont être poursuivis ou pas. C’est typiquement ce dont on ne veut plus. Laisser comme cela les entreprises dans l’attente est tragique. D’autant que désormais avec un tarif T5 à 7,17 centimes d’euros et sans bonus de 10% que plus personne ne sait faire, les appels d’offres sont devenus le passage obligé pour travailler.
PS : Que pensez-vous alors du délai de un an accordé aux lauréats du CRE1 pour fini leur projet ?
DB : Ce délai pose problème sur le système de l’appel d’offre en soi. Cette position n’est ni tenable, ni réaliste. Il s’agit d’une anomalie. On ne change pas en cours de route les conditions de réponse d’un appel d’offre avec des lauréats qui peuvent bénéficier de prix différents. Ce n’est pas compréhensible et juridiquement inacceptable. Cette décision est, là encore, très symbolique du manque de transparence et de mauvaise gouvernance des appels d’offres. Elle montre à quel point les appels d’offres sont mal gérés et ne fonctionnent pas. Tout y est trop compliqué, une usine à gaz avec des sous-groupes mal choisis, des pénalités qui n’ont aucune cohérence. C’est du n’importe quoi et il est urgent que les pouvoirs publics y mettent de l’ordre.
Les critères de sélection des AO ne sont pas bons
PS : Vous pointez du doigt le côté très perfectible des appels d’offres mais aussi la gabegie qui accompagne cette incompétence. Les MW ne sont pas au rendez-vous ?
DB : On ne voit en effet pas les MW dans les chiffres des raccordements. Dans la cadre du tarif, ErDF a sorti des chiffres qui flirtent avec 50% de taux de chute ce qui, par ailleurs, plombe le tarif à mauvais escient. On peut faire le même constat avec les appels d’offres. Sur le premier AO simplifié de 60 MW qui se terminait en septembre 2013, seuls 18 MW ont été raccordés. Les taux de chute sont impressionnants. Et c’est une certitude, tous les projets du CRE1 ne verront pas le jour. Il faut revoir d’urgence les critères de sélection qui ne sont pas bons. Certains présentent des dossiers sans maîtrise du foncier, sans aucune certitude sur le financement. Ces critères d’attribution ne tiennent pas compte de la solidité et de la complétude des dossiers. Du coup, certains cassent les prix sans aucun risque de ne pas réaliser les projets. Avec pour effet collatéral, une atonie extrême du marché français.
PS : Alors justement, pour redonner du peps au marché solaire français, vous venez de créer un G12 du solaire pour mieux vous faire respecter. Quelle est la vocation du G12 ?
DB : La référence ne vous aura pas échappé. Le G12 renvoie au G12 (douze acteurs majeurs de l’énergie en Europe) de Gérard Mestrallet, patron de GDF-Suez, qui en janvier 2014 s’est rendu à Bruxelles pour vilipender l’expansion trop coûteuse des énergies vertes. Notre G12 solaire est constitué de PME indépendantes qui travaillent toute à l’international. Ce G12 est un outil de lobbying qui entre parfaitement dans le cadre de la transition énergétique. Nous avons notre liberté de parole. Pour promouvoir l’énergie solaire, nous insistons sur sa compétitivité. Aujourd’hui, nos membres développent des projets inférieurs à 10 centimes d’euro soit moins cher que le kWh de l’EPR ou de l’éolien off-shore. Notre objectif : Parvenir à à 5% de la production électrique en France en 2025 soit 25 GW installés. Nous avons la capacité de le faire et nous disposons de tout l’espace nécessaire en France pour réaliser ces objectifs. Pour ce faire, nous devons atteindre dans les trois ans qui viennent un rythme régulier de 2GW par an. Nous avons besoin pour cela de visibilité avec des appels d’offres réguliers planifiés sur cinq ans. Nous ne voulons plus d’un système flou qui ne soit pas totalement transparent.