La 12ème édition de l’Observatoire du solaire laisse entrevoir une hausse timide des raccordements (268 MWc) lors du troisième trimestre 2014. « Une hausse en trompe l’Å“il » explique Daniel Bour, président de l’Observatoire et du syndicat Enerplan. Explications !
Plein Soleil : Au vu des chiffres, 268 MWc raccordés lors du troisième trimestre 2014, peut-on dire que la filière se redresse un peu ?
Daniel Bour : Cette hausse du troisième trimestre qui montre un léger mieux est en fait en trompe l’Å“il. Elle est exclusivement due au raccordement des très grandes installations de l’AO CRE1 qui a été décalé d’une année. Cela va encore se ressentir sur un ou deux semestres. Après, c’est le grand vide. Le T4 s’écroule au fil des trimestres. Il reste un peu de T5 mais après, rien d’autre. Mi 2015 jusqu’à 2016, nous allons descendre à des niveaux très bas. Nous tirons aujourd’hui la sonnette d’alarme.
PS : Et pourtant les appels d’offres sont là ?
DB : Ils sont trop erratiques. Il n’y a pas de miracle. A l’issue du moratoire les pouvoirs publics avaient indiqués que les appels d’offre sortiraient tous les douze mois. Est-il acceptable de devoir attendre vingt et un mois entre l’AO CRE1 et le CRE 2 ? Ce n’est pas supportable pour la filière. D’autant que ces gros appels d’offres sont particulièrement lourds et comportent des critères d’attribution non transparents.
« Bercy, source de blocages »
PS : Il reste les appels d’offres simplifiés dont un nouveau devait être lancé fin décembre 2014 après concertation. Qu’en est-il ?
DB : La concertation a été bonne avec une certaine écoute. Nous avons obtenu ce que nous demandions notamment en termes d’éviction des candidats des listes d’attente en cas de non versement d’acompte. Il faut dire qu’il y a beaucoup de casse sur ces appels d’offres essentiellement par manque de maîtrise du foncier avec des candidats qui agissent pour « le compte de » sans aucune promesse de bail. Reste que nous regrettons encore et toujours un déficit de simplification sur ces appels d’offre dits justement simplifiés. Sur la fréquence, là aussi, le gouvernement doit respecter les délais définis. Pour l’heure, nous n’avons pas d’informations sur la date de lancement du prochain qui était annoncé fin décembre, mais le processus est lancé. Nous attendons
PS : Vous avez l’oreille de la DGEC qui semble vous écoutez, pourtant des paroles aux actes il semble y avoir un monde ?
DB : La DGEC est bienveillante avec un discours qui va dans notre sens. Travailler avec eux est devenu agréable. Après beaucoup de décisions nécessitent l’aval du cabinet de la Ministre où nous avons plus de mal à suivre ce qui est pris en compte. Enfin, dès qu’il s’agit de l’évolution des tarifs il faut le feu vert de Bercy qui, par définition, freine et n’a jamais été un fervent défenseur des EnR et du photovoltaïque en particulier.
PS : Pour quelles raisons cet antagonisme récurrent de Bercy?
DB : Nous payons l’historique c’est-à -dire la bulle des années 2008 et du mauvais contrôle des dépense induites. La très grande majorité du coût du solaire dans la CSPE provient des projets déposés avant le moratoire. C’est vrai que le laisser-faire des années antérieures au moratoire ont permis à des professionnels peu scrupuleux de profiter du système. Cette situation a créé un certain rejet du solaire avec la réputation de coûter cher et depuis, malgré les progrès formidables réalisés par la filière avec une division par 4 de ces coûts, Bercy semble être resté pour le moins méfiant envers cette énergie, toujours sous l’emprise du syndrome de la bulle. Le ministère des Finances cherche à maintenir un contrôle beaucoup plus strict que pour d’autres filières EnR. Les margoulins de la filière solaire l’ont marquée au fer rouge. Elle l’a payé cher. Il est temps de se tourner vers l’avenir.
« Tourner le dos au solaire serait un non-sens »
PS : Vous voyez des raisons d’être optimiste ?
DB : Bien entendu. La grande révolution est que les installations solaires sont devenues compétitives vis-à -vis de toutes les autres installations renouvelables et à tout autre type d’énergie. Par ailleurs, à la question, le solaire c’est bien ou pas, c’est une évidence, le monde a répondu oui ! Alors que pour l’heure, nous lui tournons le dos. Nous sommes dans une inexplicable position d’attente sur fond d’obscurantisme bien français. Nous sommes bien loin du compte. Nous allons voir avec le vote de la loi sur la Transition Energétique si l’on met enfin un pied dedans. 2015, c’est aussi l’année de la conférence COP 21 sur le climat à Paris qui peut doper les EnR dans le cadre d’une dramatisation des prospectives climatiques. Cela peut aussi jouer en notre faveur.
PS : Contrairement aux lobbys qui vous accablent ?
DB : Ce sont les mêmes qui profèrent des discours rétrogrades et se servent de la bulle pour faire peur. C’est notre rôle de communiquer sur ce qu’est devenu le solaire actuellement et ce qu’il sera à savoir une formidable source d’énergie beaucoup moins polluante que toutes les autres, déjà compétitive et dont les progrès à venir sont énormes. Lui tourner le dos serait un non sens. Et si nous voulons que la filière française participe au grand mouvement mondial, il est urgent de lui donner les moyens et la liberté de le faire.
PS : Dernière question. Quel serait selon vous le bon tarif T4 que la ministre s’est engagé à modifier ?
DB : En toute logique, il doit être lié à l’appel d’offre simplifié. Le dernier du genre affichait des tarifs entre 15 et 16 centimes d’euros. Sur ce point, la DGEC semble en harmonie avec nous.