La cinquième édition de la Conférence Européenne du Solaire Thermique (estec 2011) se déroulera les 20 et 21 octobre à Marseille. Pour la première fois cette année, l’estec prend ses quartiers hors d’Allemagne. Un signe d’ouverture vers le Sud de l’Europe et l’ensemble de l’arc méditerranéen pour une industrie qui demeure encore trop confidentielle ! Organisée par la Fédération Européenne Industrielle du Solaire Thermique (ESTIF) en partenariat avec l’Ademe et l’association Enerplan, l’estec 2011 est donc l’occasion de faire le point sur une filière en quête de relais de croissance et de dynamisme. Constat et prospectives !
La Conférence Européenne du Solaire Thermique (estec) se déroule tous les deux ans. Les premières éditions se sont tenues en parallèle avec le salon Intersolar avant que la conférence ne prenne son autonomie. Les quatre premières éditions ont eu lieu en Allemagne, le fief industriel du solaire thermique en Europe. En 2011, l’estec s’émancipe et quitte son berceau germanique. En quête du soleil de Provence ! L’estec est ainsi accueilli à Marseille, carrefour des Suds, sous l’impulsion de l’association des professionnels du solaire français (Enerplan) et de l’Ademe. Plus de trois cents professionnels du solaire thermique mondial sont donc entendus du côté du Vieux Port pour évoquer le présent et surtout l’avenir de leur filière qui a du mal à se faire entendre dans le grand concert de la chaleur renouvelable. L’estec est une conférence éclectique et très ouverte. Elle permet d’aborder à la fois les aspects scientifiques et techniques du solaire thermique, mais aussi la vision stratégique commerciale et marketing, le marché, la réglementation et les aides financières. Pour cette première en France, l’estec a également mis en place un programme spécifiquement dédié aux installateurs qui sont les piliers de la réussite du secteur. « Cette session consacrée aux installateurs et montée en partenariat avec Qualit’EnR marque la volonté de donner un ancrage local à la conférence, d’en élargir la palette sur l’aspect commercial, de lui procurer une autre dimension » confie Xavier Noyon, le secrétaire général de l’ESTIF. Marseille oblige, un fort accent sera également mis cette année lors de l’estec sur le développement des marchés du sud de l’Europe, du nord de l’Afrique et du Moyen-Orient. Le potentiel est en effet considérable de l’autre côté de la Méditerranée. Certains établissements touristiques sont d’ores et déjà équipés de capteurs solaires thermiques dans le Maghreb mais un travail considérable reste à accomplir, à l’heure où le soleil brille sur les printemps arabes
Le solaire thermique ne décolle pas en Europe
Retour en Europe. C’est un fait. Depuis trois ans maintenant, le solaire thermique plafonne sur le Vieux Continent. Pis, il est en décroissance régulière. En 2010, 3,6 millions de m² de capteurs solaires thermiques y ont été vendus. « Le solaire thermique demeure un produit de niche et affiche une pénétration dérisoire par rapport à d’autres technologies dans le mix énergétique » déplore Xavier Noyon, le secrétaire général de l’ESTIF. Si l’on analyse avec plus de précision les courbes des dernières années du solaire thermique en Europe, le pic de l’année 2008 est particulièrement trompeur. Cette année là , la machine s’était emballée. Le marché frisait les 5 millions de m² de capteurs. L’Allemagne avait dopé le marché suite aux augmentations répétées du gaz russe et des craintes induites d’une flambée de la facture énergétique outre-Rhin. De plus, le climat général était propice aux énergies renouvelables. Les débats autour des directives européennes des trois fois vingt étaient à leur apogée. Les formations aux métiers de l’environnement et la dynamique autour des emplois verts en appuyaient l’idée d’une croissance verte, panacée des temps de crise. En France, le Grenelle de l’Environnement faisait florès. 2008, une année prolifique pour le solaire thermique. Comme un mirage qui a caché la réalité vraie ! Depuis, la courbe s’est infléchie, un tantinet chaque année. Les chiffres de 2010 sont à peine plus hauts que ceux de 2007 et ceux de 2011 penchent vers la stabilité. Un échec ! Après la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, la crise financière mondiale s’est amplifiée en 2009. Les politiques publiques sont devenues plus frileuses sur les renouvelables. « D’un coup, de nombreux programmes d’aides en Europe ont fait l’objet de re-discussions avec l’impact négatif que cela sous-entend avant même les coupes sombres dans les budgets. Le solaire thermique n’a pas été épargné. Les mauvaises nouvelles ont été anticipées. Le marché s’est contracté et n’a cessé depuis de se chercher » explique Xavier Noyon.
Le solaire thermique trop déconnecté du marché de l’énergie
Il faut dire que le domaine de la chaleur est beaucoup plus complexe que celui de l’électricité. Il est ainsi difficile d’avoir de la visibilité sur ce secteur d’activités. « A ce jour, encore peu de monde se rend compte des enjeux de la chaleur, et qui plus est de la chaleur renouvelable. Nous avons quelques années de retard. Cette tendance est très marqué dans le solaire avec notamment à travers la différence entre le solaire thermique encore à l’état de niche qui ne compte pas de gros acteurs incontournables et le solaire photovoltaïque qui s’approche à grands pas de la grid parity et d’une certaine forme de maturité dopé par des géants de l’énergie » poursuit Xavier Noyon. Pourtant, les préoccupations sur l’efficacité énergétique du bâtiment qui ont donné lieu à des réglementations thermiques poussent dans le sens du solaire thermique. Cette énergie est plus légitime que jamais surtout si elle est combinée avec du gaz ou du bois, pour le chauffage de l’eau sanitaire et celui des logements. « Certes, les systèmes n’ont pas de rentabilité immédiate mais avec des temps de retour entre dix et douze ans en Allemagne par exemple, ils ont des atouts à faire valoir, d’autant que les énergies fossiles grimperont dans le même temps et que ces équipements solaires ont des durées de vie proches des trente ans avec des fiabilités éprouvées » affirme Xavier Noyon. Le coût des systèmes ! N’est-elle pas là la véritable entrave au développement du marché ? En France, c’est le point noir, le sujet tabou. Dans l’Hexagone, la facture peut, dans certains cas, être jusqu’à 30% supérieure par rapport à l’Allemagne sans aucune raison réelle pour justifier cet écart. Le marché du solaire thermique qui reste un petit marché de niche a intégré des aides par trop généreuses sur le prix des équipements, dans un secteur où le prix de l’énergie demeure peu onéreux au regard des autres pays européens. En fait, la France cumule tous les désavantages sur le plan du prix. En Grèce, à Chypre, le prix des systèmes solaires est compétitif sur le marché, la question de la rentabilité ne se pose pas. Les temps de retour sur investissement sont de quelques années à peine. Le solaire thermique relève de l’évidence, il représente une solution qui fonctionne bien.
Le solaire thermique, ce n’est pas du luxe !
Le solaire thermique ne doit ainsi pas être condamné à être une technologie de luxe très chère comme il l’est en France. De toutes façons, avec la crise des dettes publiques, une technologie, quelle qu’elle soit, doit désormais pour exister être dans le prix du marché ou juste un peu au-dessus. La surprime aux technologies vertes n’est plus recevable aujourd’hui, même si elle garantit l’avenir de la planète et donne une image valorisante du « consomm’acteur vert ». « En France, un chauffe-eau solaire individuel devrait s’afficher aux alentours de 2000 euros soit 500 euros du m². Dans le collectif, ce prix au m² devrait même se situer entre 300 et 400 euros le m² pour atteindre une certaine rentabilité. Même si l’on en est loin, il faudrait atteindre ses prix rapidement. Si dans les trois ou quatre ans la courbe ne s’infléchit pas, le solaire thermique serait même concurrencé par d’autres énergies renouvelables à commencer par le solaire photovoltaïque dont les prix s’effondrent via l’effet joule avec des ballons dotés de résistance » s’inquiète un expert du secteur. Le marché, toujours le sempiternel marché qui dicte sa loi. Dura lex sed lex ! En Angleterre, pays anglo-saxon libéral, des tentatives de création d’un marché de la chaleur avec, à la clé, la création d’un tarif, a bien été tenté. Il était porteur d’espoir mais la crise, les doutes et incertitudes du marché et un changement de gouvernement ont eu raison de l’initiative. Cette solution d’un prix au kWh de chaleur produit pourrait avoir de l’intérêt par la pérennité qu’elle serait susceptible d’apporter dans le développement de la filière.
Les effets néfastes du « stop and go »
Car il n’y a rien de pire que des politiques de « stop and go » pour faire émerger une filière frémissante. Le Portugal en a fait l’amère expérience. Armé d’une stratégie de taux d’intérêt bas en faveur des renouvelables, le Portugal a connu une très forte croissance de solaire thermique entre 2008 et 2010. Le marché a littéralement explosé à la hausse. Pourtant en 2011, le gouvernement a cessé son soutien. D’une année sur l’autre, le secteur a connu une déflagration dramatique, plus dramatique encore que si le marché avait crû de manière plus linéaire. « Cela a donné une image déplorable de cette technologie mais aussi créé une méfiance durable dans l’approche psychologique du consommateur » analyse Xavier Noyon. Même constat pour la République Tchèque. Après un programme d’aides en 2009 et 2010, l’excès de demandes a provoqué un embouteillage administratif et a tari les subventions. L’arrêt brutal du dispositif a, là aussi, eu un effet dévastateur sur la filière et généré de trop nombreuses espérances déçues. Et il n’y a rien de pire que les espérances déçues pour contrarier l’évanescence d’un marché.
Un remède simple et efficace à la précarité énergétique
Au Danemark, en revanche, le solaire thermique s’épanouit. Intégré dans des réseaux de chaleur, il apporte sa contribution propre au mix énergétique dans un pays où l’énergie est payée à son vrai prix. Le solaire thermique y est donc devenu compétitif même nanti de très peu d’aides. Le solaire thermique est retenu sur des critères économiques. En Pologne, les gouvernants ont relevé le pari du solaire thermique à travers un double choix industriel et énergétique. Ils ont développé une filière classique de fabrication avec l’idée que la valorisation de la chaîne de valeur se réalise dans la proximité. En parallèle, ils ont mis en place des aides à l’investissement et des taux préférentiels pour les utilisateurs. L’argent investi dans le solaire thermique abonde alors la filière dans un phénomène de cercle vertueux. Deux stratégies différentes mais deux stratégies payantes dans deux pays d’Europe du Nord qui font souffler un vent d’optimisme sur le solaire thermique européen !
Alors que l’Europe connaît un début de décennie 2010 très tourmentée sur fond de dettes publiques et d’augmentation généralisée du chômage, le solaire thermique peut, à son modeste niveau, apporter une réponse concrète, parmi tant d’autres, à la précarité énergétique des ménages. Les systèmes sont fiables et vieillissent bien. Les prix des énergies d’origine fossile ou nucléaire sont en augmentation constante. Le solaire thermique doit trouver sa place et ne doit pas manquer d’ambition. Il n’est rien au monde d’aussi puissant qu’une idée dont l’heure est venue écrivait Victor Hugo. L’heure du solaire thermique est venue et elle doit s’imposer. La conférence estec de Marseille tombe à point nommé pour bâtir de nouvelles fondations et faire repartir le solaire thermique sous les meilleurs auspices.
Encadré
Comment compresser les coûts ?
Pour une installation photovoltaïque le coût du matériel bien qu’en forte baisse pèse jusqu’à 70% du projet contre 30% pour la partie distribution-installation-maintenance. Pour le solaire thermique, c’est exactement l’inverse. Ainsi, même si les industriels réalisent des efforts considérables dans la diminution des coûts de fabrication des panneaux solaires thermiques en incorporant de l’aluminium en lieu et place du cuivre ou en développant l’intégration des matériaux polymères, le coût d’un système posé reste élevé. Il y a peu à gagner sur le matériel dont les seules matières premières qui les constituent représentent 70% du coût d’un capteur.
Question un brin polémique. Les capteurs ne sont-ils finalement pas trop qualitatifs voir trop performants ? Ne serait-il pas pertinent d’aller vers des panneaux plus low cost et plus compétitifs ? Des panneaux ont-ils forcément vocation à vivre trente ans ? Le débat existe. Certains consommateurs achètent des Mercedes, d’autres des Dacia. Alors pourquoi pas ?
L’autre source de gain qui pourrait être plus substantielle encore est à chercher dans les 70% du triptyque distribution-installation-maintenance. Aujourd’hui, ce secteur n’est pas assez concurrentiel et surtout souffre d’un manque cruel de standardisation. Plus de concurrence, plus de standardisation comme Clipsol par exemple l’avait imaginé pour équiper les hôtels du groupe Accor ! Des voies à creuser pour redonner un élan compétitif au solaire thermique en Europe !